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Côte d’Ivoire : l’armée se porte bien, merci pour elle !

Le Monde à l’envers. Dans un article publié le 13 avril, le « quotidien de référence » français revient sur les mutineries qui ont troublé, durant le mois de janvier dernier, la paix solidement installée en Côte d’Ivoire. Une partie des militaires ivoiriens réclamaient le paiement de primes non-versées ainsi que l’amélioration de leurs conditions de vie. Revendications auxquelles le président, Alassane Ouattara, et son gouvernement ont prêté l’oreille et qui ont, dans leur majorité, reçu satisfaction.

Manifestement intrigué par ce prompt retour au calme, un journaliste du Monde s’est fait fort de dénicher une anguille sous la roche de la « grande muette » ivoirienne. A tout prix, et même si son article ne s’appuie que sur les témoignages (anonymes) de deux militaires, respectivement issus des ex-Forces de défense et de sécurité (FDS), alors loyales à l’ancien président Laurent Gbagbo, et des ex-Forces armées des Forces nouvelles (FAFN), soutenant son successeur Alassane Ouattara.

Quel est le problème ? Le problème, c’est que cet article, en érigeant comme symptomatique d’un mal profond deux cas particuliers et isolés, renvoie l’image d’une armée ivoirienne au bord de l’implosion, alors qu’elle est précisément en train de dépasser pour de bon les divisions du passé. Une information partielle et partiale qui prend le risque de semer la discorde, et donc de provoquer les maux largement fantasmés qu’elle dénonce. 

Une entreprise de décrédibilisation de l’armée ivoirienne ?

S’il convient de respecter l’opinion de chacun des soldats interrogés, leurs arguments, relayés par le quotidien du soir, apparaissent bancals. Le « capitaine B. » se plaint ainsi du « peu de confiance » que l’armée lui accorderait en raison de son soutien au président déchu, Laurent Gbagbo. Mais comme son grade l’indique, ses anciennes fidélités ne l’ont pas empêché d’être promu officier.

Quant au « sergent G. », il s’estime « mal récompensé pour ses années de lutte ». Il vient pourtant de toucher, comme plus de 8 000 membres des ex-FAFN, 5 millions de francs CFA. 7 millions de francs CFA supplémentaires lui seront versés à partir de mai prochain. On a connu plus chiche « récompense ».

Plus généralement, l’article du Monde, en faisant l’économie des plus élémentaires vérifications, aligne les contre-vérités. A l’image de cette affirmation du capitaine B., selon qui ses « frères d’armes (des ex-FAFN) sont des hypocrites » n’ayant pas confiance dans leurs collègues des ex-FDS – autrement dit, il reproche aux ex-FAFN d’écarter du dispositif de primes les ex-FDS, qui paieraient aujourd’hui leur soutien d’hier au clan Gbagbo.

C’est oublier que les ex-FAFN, désignées pour participer aux opérations de sécurisation du processus de sortie de crise, de 2007 à 2011, devaient être prises en charge par l’Etat, selon les termes de l’accord de Ouagadougou. Or durant toute cette période, ces soldats n’ont reçu ni prime, ni salaire, contrairement aux autres soldats des ex-FDS. Les primes accordées par le gouvernement ivoirien en janvier 2017 visaient précisément à réparer cette injustice.

Contrairement à ce que l’article du Monde laisse entendre, les ex-FDS n’ont pas été marginalisés ni proscrits au lendemain de la crise post-électorale. Le président Ouattara s’étant engagé à créer une armée républicaine, unie et solidaire, il a oeuvré à la réconciliation au sein des forces armées. Ceci en nommant, par exemple, un ex-FDS Directeur général de la police, un ex-FDS commandant supérieur de la gendarmerie, un ex-FDS chef d’état-major général adjoint des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), un ex-FDS commandant de l’armée de l’air, etc. Sans parler de tous les déserteurs des ex-FDS qui ont pu réintégrer leurs corps sans blâme, tout en conservant leur grade.

La liste des approximations et déductions hâtives relayées par le quotidien français ne s’arrête pas là. Le général Soumaïla Bakayoko, « limogé » parce qu’il se serait « enrichi sur » le « dos » des FRCI ? Atteint par la limite d’âge, il est tout bonnement parti à la retraite. Les rumeurs quant à « l’éventuelle implication de l’ex-chef rebelle Guillaume Soro », président de l’Assemblée nationale, dans les mutineries de janvier ? Aucun élément ne permet de les accréditer.

L’article du Monde s’apparente à une entreprise de décrédibilisation d’une armée ivoirienne qui n’a pourtant pas à rougir d’être venue à bout, en un laps de temps record, de querelles intestines. La preuve par l’exemple.

Les forces ivoiriennes sur tous les fronts 

L’armée ivoirienne et, plus généralement, les Forces de défense et de sécurité de Côte d’Ivoire, se sont illustrées de manière exemplaire lors de l’attaque terroriste survenue le 13 mars 2016 à Grand-Bassam. Ce funeste jour, un commando d’Aqmi sème la terreur au sein de la station balnéaire, tuant 18 personnes. Sans aucune aide extérieure, entre 800 et un millier d’hommes des Forces spéciales ivoirienne (FSI) interviennent en moins de 45 minutes et mettent le commando hors d’état de nuire. Les FSI, formées en 2012 sous l’impulsion d’Alassane Ouattara, paieront leur courage du prix du sang : trois de leurs hommes n’en reviendront pas.

Alors que la Misma, la force armée déployée au Mali, combat les djihadistes avec plusieurs milliers de soldats français et africains dans le nord du pays depuis 2013, les militaires ivoiriens ont amplement participé à l’effort de guerre. En 2013, 170 soldats ivoiriens sont intervenus au Mali dans le cadre de la Misma ; 120 sous l’égide des Nations Unies en 2015 ; et 170 éléments seront à nouveau déployés en mai prochain.

« Nos soldats sont entièrement prêts. Ils sont aptes », se félicitait, dès 2013, le chef d’état-major de l’armée ivoirienne. « Les Ivoiriens sont complètement motivés et avec peu de moyens ils ont réussi de grandes choses », abondait le colonel Benoit Clément, attaché militaire de l’ambassade de France à Abidjan. Que ce soit en matière de sécurité intérieure comme sur les théâtres d’opérations extérieures, l’armée ivoirienne démontre qu’elle a su panser les anciennes plaies pour se concentrer sur sa mission : protéger les populations. La présenter comme friable et inopérante n’est pas lui rendre justice.  

Tribune proposée par Alain Tchombè 

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