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La France réagit face aux dérives d’Airbnb

C’est fait. Les villes françaises peuvent désormais obliger les propriétaires à déclarer les logements qu’ils louent sur les plateformes d’hébergement en ligne comme Airbnb. Une belle avancée dans la lutte contre les dérives liées au développement de ces plateformes, même si cela ne semble pas encore suffisant.

On l’appelle désormais le « décret Airbnb », et ce même si la célèbre plateforme californienne n’est pas la seule concernée. Le décret n° 2017-678, paru dimanche 30 avril au Journal officiel, autorise les villes de plus de 200 000 habitants et celles de la petite couronne parisienne à imposer un enregistrement préalable aux propriétaires louant leur logement via des plateformes numériques telles que Homelidays, Abritel et bien sûr, Airbnb.

Le numéro d’enregistrement qui devra figurer sur toutes les offres de location publiée sur les sites, permettra aux communes de vérifier que les propriétaires ne louent pas leur bien plus de 120 jours par an, limite en vigueur en France.

Pour Ian Brossat, adjoint à la mairie de Paris en charge du logement, cette mesure permettra enfin d’éviter certains abus. « Ceux qui respectent la loi n’ont rien à craindre. En revanche, nous mettrons un terme au commerce des multipropriétaires qui ont transformé leurs appartements en machines à cash, loués toute l’année », déclarait-il au micro de Cnews.

L’adjoint au maire estime en effet que 20 000 logements ont été perdus à Paris du fait des locations temporaires sur Airbnb et autres plateformes similaires. C’est donc tout naturellement qu’il salue la promulgation de ce décret, qu’il appelait de ses vœux depuis de nombreux mois.

Protéger les citoyens et l’économie

L’immatriculation des propriétaires devrait également permettre aux communes de percevoir plus facilement la taxe de séjour, Airbnb ayant étendu à 50 communes françaises la collecte automatique de cette taxe, dispositif qui était jusqu’ici réservé à la capitale. Enfin, le décret permettra à Bercy de connaître avec plus de précision les revenus occasionnels issus de la location entre particuliers, un outil supplémentaire visant à faciliter le repérage d’éventuels fraudeurs.

L’objectif du gouvernement est clair : garantir l’accès au logement pour les résidents des grandes villes touristiques tout en protégeant l’industrie hôtelière contre la concurrence déloyale. Dans un communiqué diffusé début mai, l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (UMIH) et le Groupement national des chaînes (GNC) se félicitent du fait que « la France se dote enfin d’outils pour permettre le contrôle et la transparence des locations meublées ».

Mais le président de l’UMIH, Roland Héguy, prend soin de préciser qu’il s’agit d’un « premier outil » qui devra être suivi de nouvelles mesures pour corriger durablement les dérives de la plateforme américaine. D’autres grandes villes européennes sont en effet allées plus loin pour réguler la plateforme comme Londres et Amsterdam qui ont par exemple décidé de limiter à 90 et 60 le nombre de nuitées par an.

Et elles ne sont pas les seules. Afin de réduire autant que possible les locations de courte durée, Berlin interdit désormais aux propriétaires de louer plus de 50 % de leur logement sur Airbnb. La capitale allemande applique ainsi l’une des législations les plus strictes au monde à l’égard de la plateforme.

Airbnb n’échappe à aucune métropole

A Barcelone, le bras de fer entre Airbnb et la mairie s’annonce long. En février, la start-up s’engageait à limiter le nombre d’annonces par propriétaire afin que ces derniers ne puissent louer qu’un seul appartement dans le centre-ville. Indigné, le responsable du tourisme à la mairie de Barcelone a déclaré que la plateforme américaine « se moque du monde » et lui a demandé de respecter la loi en retirant de son site les appartements sans licence d’hébergement touristique.

En réalité, toutes les villes touristiques sont désormais concernées. Matthieu Rouveyre, conseiller municipal de Bordeaux, estime ainsi que la pression exercée par Airbnb sur sa ville est « comparable à celle de Paris ». « On trouve 19 offres de logements entiers pour 1 000 bordelais quand on en trouve 20 à Paris pour le même nombre d’habitants », affirme-t-il.

Et la situation n’est pas moins délicate outre-Atlantique. Les grandes villes américaines sont en effet de plus en plus strictes avec la plateforme. La législation new-yorkaise interdit par exemple de louer son logement pour une durée inférieure à trente jours, à moins d’y résider en même temps que ses hôtes. Une restriction fatale pour Airbnb, société spécialisée dans les locations de très courte durée.

Pendant ce temps, San Francisco, ville natale d’Airbnb et terre d’accueil pour les start-up de l’économie collaborative, a réussi à imposer une limite de 90 jours par an pour la location de logements entiers tout en obligeant les propriétaires loueurs à se déclarer auprès de la ville.

L’étau se resserre autour de la plateforme californienne. Les villes du monde entier semblent bien décidées à encadrer la start-up afin de lutter contre ses dérives qui mettent en péril des pans entiers de l’économie et dégradent la qualité de vie de leurs habitants.

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