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Pornographie : nos enfants ne sont pas protégés sur le Web

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D’après un récent sondage Ifop, plus d’un jeune sur deux, âgé entre 15 et 17 ans, a déjà visionné une vidéo pornographique. Un constat pour le moins alarmant, surtout au regard des conséquences engendrées par une exposition trop précoce au porno : perte de libido, troubles de l’érection, décalage entre fiction et réalité… Devant cette triste réalité, l’association Ennocence demande depuis plusieurs mois aux autorités publiques d’agir, mais il semblerait que pour le moment, les initiatives qui ont vu le jour ne soient pas à la hauteur des enjeux…

Le porno se consomme de plus en plus tôt

D’après les résultats d’une enquête publiée le 20 mars dernier par Ifop, 52 % des 15-17 ans auraient déjà visionné une vidéo pornographique au cours de leur vie. Entre 2013 et 2016, le nombre d’adolescents ayant consulté des sites classés X sur leur smartphone est passé de 37 à 51 %. Et neuf fois sur dix, il s’agit de plateformes gratuites. En moyenne, en 2016, les jeunes Français regardent leur premier film porno à 14,5 ans, contre 14,8 ans en 2013. Avec le recul, plus de la moitié d’entre eux considèrent qu’ils étaient « trop jeunes » pour visionner de tels contenus.

Et toujours selon l’enquête Ifop, près d’un garçon sur deux et une fille sur trois estiment que la pornographie a participé à l’apprentissage de leur sexualité. Par ailleurs, 44 % de ceux ayant déjà eu des rapports intimes déclarent avoir essayé de reproduire des scènes ou des pratiques vues dans les films…

Le porno peut avoir de tristes conséquences

« Dans le porno, les rapports entre hommes et femmes sont faussés : les hommes sont des dominateurs toujours capables de donner du plaisir et les femmes des créatures toujours prêtes à dire oui ! affirme Claude Rozier, sexologue et médecin à l’Éducation nationale. Culte du corps, taille du pénis, durée et pratiques extrêmes confèrent aux pratiques sexuelles une dimension « no limit » qui peut bouleverser la conception de la sexualité dans la vie des couples ».  

Ainsi, selon une étude publiée en 2013 par le Journal of sexual medicine, un quart des hommes de moins de 40 ans souffrirait de troubles de l’érection, phénomène que la sexologue Magli Croset-Calisto attribue en partie à une angoisse de la performance causée par la consommation excessive de porno.

Encore plus inquiétant : une récente étude menée par OpinionWay pour l’association Ennocence, créée en 2015 pour lutter contre les risques d’exposition des enfants à la pornographie en ligne, un grand nombre d’enfants sont régulièrement exposés à des contenus inappropriés sur le Web. Et les principaux coupables seraient les sites de streaming et de téléchargement illégaux.

Ces plateformes, qui sont par ailleurs truffées de virus, génèrent des fenêtres publicitaires intempestives, les fameux pop-up, qui contiennent souvent des contenus à caractère pornographique et qui s’affichent inopinément devant les yeux des plus jeunes. Et d’après l’étude d’OpinionWay, 55 % des parents interrogés estiment que leurs enfants regardent des vidéos sur des sites de streaming et de téléchargement illégaux, et à raison d’au moins une fois par semaine pour 33 % d’entre eux.

« Les fenêtres pop-up de ce type pullulent, confirme Gordon Choisel, président d’Ennocence. L’industrie du porno en ligne a mis en place une stratégie marketing très féroce en forçant les internautes, via ces sites de streaming, à consulter des images pour adultes sans leur consentement et sans se préoccuper de leur âge. Elle n’a aucun intérêt à enrayer le phénomène puisque ces mineurs tombés contre leur gré sur des contenus inappropriés lui rapportent chaque année, selon nos estimations, la somme colossale de 147 millions de dollars (environ 138 millions d’euros). »

Des initiatives encore trop timides

Face à cette réalité, Ennocence tente de sensibiliser le grand public aux dangers du porno en ligne, et particulièrement pour les enfants. Ses membres ont ainsi été reçus en février dernier par l’ancienne secrétaire d’État au numérique, Axelle Lemaire, pour tenter de combattre les plateformes diffusant illégalement ces contenus sur le Web.

De son côté, Laurence Rossignol, ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des Femmes, a annoncé le 20 février qu’elle souhaitait interdire l’accès des mineurs à cette image « avilissante pour l’amour, l’égalité femmes-hommes et la représentation qu’on a de ce qu’est la sexualité ». Mais l’association Ennocence a déploré « l’absence de proposition dans le sens d’une meilleure protection de l’enfance contre l’exposition non voulue aux images à caractère violent et pornographique » dans le plan proposé par la ministre… La balle est donc, aujourd’hui, plus que jamais dans le camp des deux candidats au second tour de l’élection présidentielle.

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