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Nucléaire : une annonce aux lourdes conséquences pour la France

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La possible fermeture de 17 réacteurs nucléaires à l’horizon 2025 annoncée récemment par Nicolas Hulot, ministre de la transition écologique et solidaire, suscite de nombreuses interrogations. La diminution du recours à l’atome est jugée incompatible avec les objectifs environnementaux de la France, qui ferait également face à d’importantes répercussions économiques et sociales.

Moins de deux mois après sa nomination au ministère de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot a déjà marqué le quinquennat de son empreinte avec la présentation, le 6 juillet 2017, de son Plan climat pour lutter contre le réchauffement climatique de la planète. Mais quatre jours plus tard, le nouveau ministre a effectué une annonce accueillie avec beaucoup plus de scepticisme. Le 10 juillet, il a en effet évoqué la possible fermeture de 17 réacteurs nucléaires d’ici 2025 pour accélérer la transition énergétique. Une sortie restée floue et au conditionnel, qui vise officiellement à ramener la part du nucléaire de 75 à 50 % de la production nationale d’électricité à cette échéance, conformément à la loi du 17 août 2015. Si cette annonce fait autant polémique, c’est parce qu’elle va à l’encontre des objectifs de baisse des émissions de gaz à effet de serre (GES).

À l’heure où EDF, qui détient les 58 réacteurs des 19 centrales nucléaires du pays, attend pour fin 2018 ou début 2019 les conclusions de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) quant à la prolongation de ses équipements les plus anciens, l’atome constitue une source d’énergie peu chère, fiable et décarbonée. S’en priver mettrait la France en difficulté pour tenir ses engagements de diminuer de 40 % ses émissions de GES à l’horizon 2030 par rapport 1990. « Le nucléaire est reconnu par les experts internationaux du climat ‒ le Giec ‒ comme l’une des solutions de lutte contre le réchauffement climatique, rappelle Valérie Faudon, déléguée générale de la SFEN (Société française d’énergie nucléaire). La France grâce au nucléaire et aux énergies renouvelables a déjà éliminé les émissions de sa production électrique. Aujourd’hui, c’est le pays industrialisé qui émet le moins de gaz à effet de serre. […] Remplacer du nucléaire bas carbone par des [énergies] renouvelables bas carbone ne permet pas de diminuer les émissions. Ce qu’il faut, c’est s’attaquer avant tout aux secteurs de l’économie qui émettent énormément de GES […] : les transports et l’habitat.« 

« Deux objectifs absolument contradictoires »

Peu, voire pas du tout évoqué par les intervenants écologistes lors de la COP21, le nucléaire est pourtant présenté par les scientifiques comme une solution aussi propre que les énergies renouvelables. Malgré les deux catastrophes marquantes de Tchernobyl en 1986 et de Fukushima en 2011, l’exploitation de l’atome resterait beaucoup moins nocive que celle des combustibles fossiles. Une étude indépendante publiée par la revue scientifique Environmental Science & Technology affirme que le nucléaire aurait même permis de sauver 1,84 million de vie entre 1971 et 2009 grâce à son faible niveau de pollution. D’ici 2050, plus de 7 millions de morts seraient même évités en prolongeant le recours à cette source d’énergie plutôt qu’au pétrole, au gaz et au charbon, extrapolent les scientifiques. D’autant que les recherches sur la technologie nucléaire, et notamment les réacteurs de 4e génération et la fusion plutôt que la fission, promettent une diminution considérable des déchets et la perspective de ressources quasiment illimitées. La fermeture brutale de 17 réacteurs annoncée par le gouvernement français s’avère donc difficilement compatible avec ses engagements en faveur de la diminution des émissions de CO2 actés lors de l’Accord de Paris.

« Le gouvernement semble décidé à défendre deux objectifs absolument contradictoires, confirme Nicolas Goldberg, spécialiste des questions énergétiques chez Colombus Consulting. D’un côté, il y a cette volonté d’accélérer la fermeture du nucléaire. De l’autre, le désir de s’orienter vers la fin des véhicules diesel et essence à l’horizon 2040, ce qui veut dire qu’il va falloir les remplacer principalement par des véhicules électriques. Ainsi, nous aurions un objectif visant à nous priver d’une partie de notre production d’électricité sans CO2 et de l’autre, une volonté d’accroître notre besoin en électricité pour prendre le relais des véhicules thermiques : ce sont deux positions a priori irréconciliables. […] Si nous fermons les centrales pour les remplacer par autre chose, nous n’avançons pas dans la lutte contre le réchauffement climatique. En revanche, garder une production d’électricité sans CO2 et électrifier le parc de véhicules électriques, c’est un moyen d’être moins dépendant des hydrocarbures et de lutter efficacement contre le réchauffement climatique.« 

Un impact économique et social désastreux

Dans l’hypothèse de la fermeture de 17 réacteurs nucléaires en 2025, la France se priverait de 15 GW de puissance, soit l’équivalent de la totalité des installations actuelles en éolien et en solaire, souligne Nicolas Goldberg. « Sachant que l’éolien et le solaire sont intermittents, il faudrait donc parvenir à tripler, voire quadrupler les productions éoliennes et solaires existantes d’ici la fin du quinquennat, ce qui paraît très ambitieux », ajoute-t-il. À ce jour, aucune étude n’a pourtant été réalisée pour évaluer l’impact de l’arrêt de 17 réacteurs en France, déplorait en 2016 la Cour des comptes. Dans ces conditions, la fiabilité du nucléaire, disponible 24 h sur 24, et son faible coût, source d’une électricité deux fois moins cher qu’en Allemagne d’après Eurostat, constituent des atouts de poids afin de maintenir l’atome dans la course à la transition énergétique, en complément du développement encore limité des énergies renouvelables. D’autant que 220 000 emplois dépendent de ce secteur, laissant imaginer les conséquences désastreuses de possibles fermetures de sites.

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