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La situation en RDC est « une honte pour l’Afrique »

L’Union africaine vient d’apporter son soutien au président Joseph Kabila, qui — à coup d’arguments fallacieux — retarde depuis près d’un an la tenue de l’élection présidentielle, au grand dam d’une opposition qui ne désarme pas pour autant.

En République démocratique du Congo (RDC), le lobbying présidentiel a fini par l’emporter — du moins de manière temporaire. Le 31 août dernier, le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA), qui s’était réuni à Addis-Abeba (Ethiopie) quelques jours avant pour examiner la situation du pays d’Afrique centrale, a estimé qu’il était impossible que des élections soient organisées cette année. Et s’est ainsi rangé du côté du régime congolais et du président de la République, Joseph Kabila, dont le mandat a officiellement pris fin en décembre dernier.

Depuis dix mois, celui-ci, au pouvoir en RDC depuis 2001, repousse sans cesse la tenue du scrutin qui doit lui désigner un successeur. Au grand dam de l’opposition, qui ne fait même pas partie du système de cogestion du pays mis en place par l’Accord de la Saint-Sylvestre, signé avec le régime le 31 décembre 2016.

Joseph Kabila, dictateur en son pays

Certains membres du Rassemblement, principale plateforme d’opposition congolaise, ont fait part de leur « incompréhension » face à la prise de position pro-Kabila de l’UA. Qui va, selon eux, « à l’encontre des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU » enjoignant à l’exécutif d’organiser des élections aussi vite que possible.

Mais « cela ne change rien dans notre lutte, nous allons continuer le combat avec le peuple » a tenu à préciser à Jeune Afrique Christophe Lutundula, membre du G7, groupement d’anciens partisans de Joseph Kabila passés dans l’opposition. « Cela fait partie de la stratégie bien connue de Kabila. Chaque fois que le ton monte au Conseil de sécurité contre son pouvoir, il se tourne vers ses pairs du continent » analyse le député. Avant de conclure : « ces décisions de l’UA, c’est une honte pour l’Afrique. »

C’est peu dire que, ces derniers temps, les membres de l’opposition ont eu matière à être révoltés. Le 31 août dernier, Martin Fayulu, député du Rassemblement, dénonçait ainsi la complaisance de la Céni (Commission électorale nationale indépendante) à l’égard du régime de Kinshasa, accusée ni plus ni moins d’organiser une « fraude à grande échelle ».

Chiffres à l’appui, l’opposant politique s’étonnait de voir le nombre d’électeurs dans la province du Sankuru, dans le centre du pays, augmenter de manière irrationnelle. « La Céni en dénombre plus de 1 700 000, alors qu’ils n’étaient que de 626 000 pour les élections présidentielles de 2011 et de 453 000 en 2006 ». Une augmentation de plus de 280 % « tout simplement impossible » pour M. Fayulu. Cela voudrait dire que « le Sankuru [qui compte 44 % d’électeurs parmi sa population] aurait environ quatre millions d’habitants » alors qu’il n’en compte qu’un peu plus d’un million.

Certains membres de l’opposition reprochent également au président Kabila de laisser volontairement se dégrader la situation sécuritaire du pays pour éviter les élections. Ils ont récemment reçu, sur ce point, l’appui du Conseil de sécurité de l’ONU, de l’Union européenne (UE) et même du pape François.

Les Nations unies, en juin dernier, ont même réclamé l’ouverture d’une enquête internationale et indépendante autour des graves exactions perpétrées par l’armée congolaise dans les provinces du Kasaï (centre-est du pays). Aujourd’hui, alors que deux experts internationaux s’étaient fait assassiner en mars dernier, ses travaux sont au point mort. Et Joseph Kabila, dont les agissements sont de plus en plus comparés à ceux d’un dictateur, ne semble pas disposé à faire la lumière sur les événements qui se déroulent dans la région.

« Notre Congo ne cesse de dégringoler » pour Moïse Katumbi

Face à cet état de fait, les contestataires continuent de donner de la voix. « Aujourd’hui, on ne cherche pas à être dans l’illégalité, mais le pouvoir qui est en face de nous est complètement illégal et illégitime », dénonce Gloria Sengha Panda Shala, membre du mouvement citoyen Lucha.

« Vous ne pouvez pas nous demander de respecter les règles édictées par un dictateur. Kabila est un dictateur. Il est illégitime. […] Nous voulons un mouvement pacifiste, le plus inclusif possible et qui fasse bouger les lignes dans tout le pays », fait savoir celle qui était à Paris au mois d’août pour signer le Manifeste du citoyen congolais. Un « plan de bataille » pour fédérer toutes les composantes de la société congolaise qui aspirent purement et simplement au respect de la Constitution.

Car il est un signe qui ne trompe pas : l’opposition congolaise cherche depuis un certain temps à se regrouper en un bloc uni, seul moyen selon elle de faire respecter son appel à la démocratie. Le 5 août dernier, les principales plateformes contestataires étaient réunies à Bruxelles pour adopter une nouvelle stratégie dans la perspective d’une passation de pouvoir.

L’Alternance pour la République (AR) et le G7, ainsi que les représentants de la société civile, ont demandé au peuple congolais de s’engager massivement dans des actions — pacifiques —, comme des manifestations, pour contraindre Joseph Kabila à respecter la Constitution. Le bloc d’opposition a même réussi à faire émerger un nom pour prendre la suite de ce dernier : Moïse Katumbi.

L’ex-gouverneur de la région du Katanga jouit d’une forte cote de popularité en RDC et, par conséquent, est une, si ce n’est la bête noire du régime. Celui-ci l’avait d’ailleurs logiquement poussé à l’exil en juin 2016 au terme d’un procès politique, sans pour autant entamer sa volonté d’être candidat à l’élection présidentielle.

Depuis, il s’est même mué en opposant numéro 1 à Joseph Kabila, n’hésitant pas à critiquer la tournure dictatoriale des derniers mois, qui pousse selon lui le pays droit dans le mur. « Notre Congo ne cesse de dégringoler, affirmait-il il y a quelques semaines à La Libre Afrique. L’économie est par terre, les vrais investisseurs ne viennent plus et le peuple congolais est la première victime. C’est lui qui souffre tous les jours un peu plus. » Si la situation empire, Joseph Kabila, qui a remporté une bataille d’influence auprès de l’UA, pourra alors se vanter d’avoir gagné une triste guerre. 

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