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Glyphosate : les politiques s’accordent sur un statu quo

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La manifestation des agriculteurs, vendredi 22 septembre dernier, contre la décision d’interdiction du glyphosate du gouvernement Philippe a-t-elle ouvert les yeux des responsables publics ? A en voir la série de couacs et de contradictions dans la communication de l’exécutif autour de l’épineuse question du glyphosate, ça n’est pas impossible. En effet, la grogne des agriculteurs, déjà éprouvés par une année 2016 difficile, semble avoir trouvé un écho au sein du gouvernement, qui fait mine de changer son fusil d’épaule. Et pour cause : la profession, déjà sinistrée, est vent debout contre la réforme. D’après Frédéric Arnoult, président des Jeunes Agriculteurs d’Île-de-France, « Emmanuel Macron veut être le Monsieur Propre du monde, mais est le fossoyeur de l’agriculture. »

 

L’intéressé poursuit : « Comment on peut vouloir vendre du rêve aux Français sur une alimentation saine, alors qu’on nous enlève nos moyens de production ? » Le glyphosate est en effet le composant principal du Roundup, le pesticide le plus utilisé au monde, et ce depuis 40 ans. Ce dernier est devenu très populaire parmi les agriculteurs du fait de son efficacité contre les mauvaises herbes et sa faculté à préserver des sols durement touchés par des années de labour mécanique. Aussi, s’il, a mauvaise presse, la mobilisation des agriculteurs montre que le glyphosate n’est pas un herbicide diabolique mais un composant essentiel une agriculture française en pleine mutation devant les impératifs climatiques, économiques et environnementaux.

 

Un coût insupportable pour l’agriculture ?

François de Rugy, président de l’Assemblée Nationale et député écologiste historique, a déclaré lui-même que l’interdiction immédiate du glyphosate serait une décision économiquement « irresponsable ». Il s’explique : « J’ai toujours défendu l’idée qu’on les remplace progressivement en donnant un peu de temps, mais en le faisant. C’est déjà le cas pour les particuliers et les collectivités locales, qui dans l’entretien des jardins et espaces verts ne pourront plus utiliser ce produit ». Une prudence qui va dans le même sens qu’une étude IPSOS récente, qui souligne que « les conséquences économiques du retrait de cette molécule se chiffreraient à plus de deux milliards d’euros par an pour le seul secteur agricole, en prenant en compte uniquement les coûts directs ».

De façon surprenante, ce dernier a été rejoint par Marine Le Pen qui estime que l’  on ne peut pas interdire le glyphosate avant d’avoir trouvé un remplaçant, les agriculteurs ne peuvent pas s’en passer, c’est mener leurs exploitations à la mort. »

 

Des dangers surévalués

Le statu quo est désormais partagé par les politiques de tous bords, donc, mais ces derniers mettent-ils en danger notre santé ? Rien n’est moins sûr, si l’on fait la balance des arguments scientifiques.

Si pendant longtemps, le glyphosate a été le bouc émissaire parfait, c’est qu’on lui prêtait tous les maux. En réalité la molécule n’est utilisée en France que comme un herbicide périodique : « Cette substance est principalement utilisée pour « nettoyer » le sol avant l’implantation d’une culture (80 % des utilisations). Il ne s’agit donc pas d’un usage récurrent mais bien saisonnier (1,2 traitement en moyenne par an) et le glyphosate n’est utilisé que sur 33 % de la surface agricole. » La liste des fausses idées sur le glyphosate est longue. Il est très souvent présenté par les lobbys écologiques comme un dangereux tueur, alors que l’évaluation scientifique de sa dangerosité fait encore actuellement l’objet d’un débat.

 

Si on lit souvent que le glyphosate est un agent « cancérogène probable », la réponse n’est pas aussi simple. On trouve d’un côté, le CIRC, qui défend mordicus que le produit est nocif. SI l’établissement jouit d’une réputation honorable, il est pourtant bien seul à défendre cette opinion. En face, l’ANSES française, le BfR allemand, l’EFSA et l’EChA européen, l’EPA américain, l’ARLA canadienne, l’APVMA australienne, l’EPA néo-zélandaise, la Commission Japonaise de Sécurité Alimentaire, l’OFAG et l’OSAV suisses – et même la maison-mère du CIRC, l’OMS dans le cadre de la Réunion Conjointe FAO/OMS sur les Résidus de Pesticides (JMPR) –démentent que le produit soit lié à une hausse des cas de cancer. Seulement, la couverture du débat ne fait que trop peu état de ce déséquilibre pourtant éloquent en faveur de la molécule.

 

Une diabolisation qui fait débat

En début d’été, la Commission a proposé aux Etats de renouveler pour 10 ans la licence d’exploitation du glyphosate. Le 4 octobre prochain, l’Union européenne examinera la question. Réagissant à cette annonce, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) avait déjà mis en garde contre « une distorsion de concurrence » en défaveur des agriculteurs français. Une crainte confirmée par Phil Hogan, le commissaire européen à l’agriculture, qui s’est dit « très inquiet » de l’annonce du gouvernement français, qui risquait de l’isoler – ce choix n’est en effet partagé que par un seul autre pays membre de l’UE, peu connu pour sa tradition agricole : Malte.

Devant le tollé, le ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot, a choisi de choisi de botter en touche de renvoyer la décision d’interdiction à la fin des Etats généraux de l’alimentaire. « Je ne peux pas être à votre place, mais je ne suis pas idiot, et je sais bien dans quelle difficulté vous êtes » a-t-il expliqué aux manifestants, assurant ne pas être « un dogmatique ». Ce dernier était pourtant il y a peu encore un des principaux tenants du discours inverse, responsable de l’incompréhension qui entoure le glyphosate en France.

Son changement de positionnement semble bel et bien indiquer que la diabolisation de l’herbicide ne constitue plus, en soi, un argument.

 

 

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