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Glyphosate : entre réflexes politiques pavloviens et intérêts économiques

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Pour Jose Bové, « Le scandale du glyphosate se poursuit. On en reprend tous pour cinq ans, paysans, consommateurs. Le principe de précaution est foulé aux pieds. Bayer et Monsanto ont réussi à tordre le bras à Mme Merkel. C’est la victoire du business sur la science ».

Pas vraiment plus modérée, Corinne Lepage parle d’une « scandaleuse décision sur le glyphosate. La santé est le parent très pauvre de la Commission et la responsabilité politique, morale et juridique des décideurs est immense ».

Mais il semblerait que la réalité soit moins manichéenne et plus complexe que les déclarations des dirigeants écologistes français. Les pays qui s’opposaient au renouvellement du glyphosate, comme la Belgique, la France ou l’Italie, n’étaient pas uniquement motivés par des argument écologiques ou moraux. D’ailleurs, président français a aussitôt annoncé que l’herbicide serait interdit dans l’Hexagone « dès que des alternatives auront été trouvées ».

En réalité, « la France et l’Italie ont un plan B », comme le révèle le magazine américain Politico. Il s’agit d’un produit plus naturel que l’herbicide présent dans le célèbre Roundup de Monsanto. « Des représentants du gouvernement et des dirigeants d’entreprises chimiques ont déclaré qu’une collaboration franco -belgo-italienne, dont les origines remontent à 2015, vise à détrôner le géant agrochimique du Missouri », affirme le magazine.

 

Un produit naturel, mais peu efficace

Selon les informations de Politico, cette nouvelle substance qui doit supplanter le glyphosate repose sur l’acide pélargonique, un produit chimique naturel présent dans de nombreuses plantes, en particulier les chardons. Le fabricant principal est une société appelée Jade, basée à la périphérie de Bordeaux et qui a un accord de distribution exclusif avec la société chimique italienne Novamont.

Les autorités alimentaires et chimiques européennes ont d’ores et déjà approuvé l’acide pélargonique à des fins commerciales dans l’UE, mais elles affirment qu’il devra être accompagné d’un avertissement indiquant qu’il peut provoquer des affections cutanées. En outre, si les désherbants à base d’acide pélargonique semblent être des concurrents sérieux du glyphosate, ils s’avèrent pour l’instant moins efficaces, plus couteux et plus dangereux pour les utilisateurs.

D’ailleurs, les autorités européennes ayant approuvé l’acide pélargonique sont les mêmes qui s’étaient prononcées en faveur du glyphosate il y a à peine quelques mois. L’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) avait annoncé dès mars 2017 qu’elle ne considérait pas le glyphosate comme cancérogène, un avis partagé notamment, mais pas seulement, par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).

 

Étude concluante

Ce n’est pas tout. Une vaste étude menée aux États-Unis sur l’exposition de la communauté agricole aux pesticides n’a quant à elle trouvé aucun lien significatif entre le glyphosate et les cancers. Publiée le 9 novembre dans la revue scientifique Journal of the National Cancer Institute (JNCI), l’Agricultural Health Study (AHS) est la seule étude épidémiologique de longue durée menée à ce jour sur cette question. Quelque 54 000 agriculteurs américains manipulant le glyphosate ont été suivis pendant plus de vingt ans. Et le résultat est concluant : l’AHS « ne trouve pas d’association entre le célèbre herbicide et les cancers “solides”, ni avec les cancers du sang (dits “lymphomes non hodgkiniens”) que plusieurs études précédentes ont pourtant liés à son utilisation ».

Publiée dans l’un des journaux spécialisés les plus prestigieux en la matière, l’étude a été entièrement financée par des fonds publics, et aucun des auteurs n’a de conflit d’intérêts déclaré.

Même le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), seule agence internationale à classer le glyphosate comme « cancérogène probable » pour l’homme, a reconnu l’indépendance des chercheurs et le sérieux des résultats de l’AHS.

Tout cela invite à considérer à nouveau le débat autour de la molécule controversée et sa possible interdiction « au plus tard dans trois ans », selon les déclarations du président français. Non seulement l’intention de certains gouvernements européens de remplacer le glyphosate pourrait être motivée par des intérêts économiques et industriels, mais elle devra justifier l’interdiction d’un produit dont l’efficacité n’a jamais été remise en question et dont les prétendus risques sur la santé humaine ne cessent d’être démentis.

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