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RDC : 2018 sera-t-elle (enfin) l’année des élections ?

Le président Kabila, dont le mandat a expiré fin 2016, a fixé le calendrier et le budget alloué aux scrutins présidentiel et législatifs que les Congolais réclament depuis plus d’un an. Mais parallèlement à cela, le gouvernement continue de réprimer dans le sang les manifestations pacifiques organisées par l’opposition.

La République démocratique du Congo (RDC) a tourné le dos à 2017 comme elle a entamé 2018 : dans la confusion la plus totale. Dimanche dernier, alors que des rassemblements, dans plusieurs quartiers de la capitale, Kinshasa, se mettaient en place à l’appel des catholiques du Comité laïc de coordination (CNC), huit personnes, selon le décompte des Nations unies (ONU), ont été tuées dans des affrontements avec les forces de l’ordre. Et le 1er janvier, au petit matin, les réseaux Internet et de téléphonie mobile de la ville étaient toujours coupés, comme l’avait exigé le gouvernement la veille de la Saint-Sylvestre.

Libertés fondamentales bafouées

Une mesure très mal perçue par la population et certains commerces – cybercafés en tête –, qui ont estimé que le pouvoir, en décidant de rompre tout moyen de communication, n’avait pas respecté les citoyens congolais. Qui ne sont pas dupes et se doutent bien des réelles raisons qui ont poussé les autorités à imposer aux opérateurs l’arrêt de leurs services. Celles-ci souhaitaient simplement éviter que des rassemblements, comme ceux du 31 décembre dernier, se mettent en place ; le message des manifestants ? Un appel au départ du pouvoir de Joseph Kabila, dont le mandat a officiellement pris fin en décembre 2016.

Voilà un an, en effet, que le chef de l’Etat congolais – en place depuis 2001 – s’accroche à son trône et balaye d’un revers de main les appels de la population à la tenue d’élections présidentielle et législatives. Qui devaient avoir lieu, d’après l’Accord de la Saint-Sylvestre signé entre le pouvoir et l’opposition le 31 décembre 2016, courant 2017. Une échéance à plusieurs reprises repoussée par M. Kabila, qui a enchaîné les pirouettes pour justifier son maintien au sommet de l’Etat. Et bafouer également les libertés les plus fondamentales, en réprimant, de manière parfois sanglante, les manifestations qui ont jonché 2017.

Polémique autour des « machines à voter »

Un excès de pouvoir manifeste qui pourrait toutefois s’arrêter cette année. Une date vient effectivement d’être fixée pour les différentes élections par la Commission électorale nationale indépendante (Céni) – soupçonnée à plusieurs reprises l’an dernier de complaisance à l’égard de Kinshasa – : le 23 décembre prochain. Ce qui laisse tout de même une année pleine à M. Kabila pour faire ses valises, un délai que certains membres de l’opposition et l’Eglise catholique n’ont pas hésité à dénoncer. Leur crainte ? Que l’ex-chef de l’Etat louvoie à nouveau sur son départ et le retarde.

Une polémique autour des « machines à voter », le terme employé par la Céni, a d’ailleurs déjà éclaté. Alors que jusqu’à présent le vote électronique était interdit en RDC, c’est ce moyen qui a été retenu pour les scrutins de décembre prochain. Une source d’inquiétude pour l’opposition et certains experts, estimant que le pays n’était pas encore tout à fait prêt. « Et si ces machines tombent en panne dans le Congo profond, ce serait quoi l’alternative ? », se sont-ils ainsi demandé. Le vote sera-t-il abandonné ou décalé ? L’hypothèse est plus que probable : en Côte d’Ivoire ou au Nigéria, par exemple, un tiers des machines utilisées pour l’identification des électeurs est tombé en panne.

Par ailleurs, d’après un diplomate occidental, « la décision d’utiliser plus de 100 000 machines de vote électronique pour la première fois, le jour du vote, sans tests, sans études de faisabilité, sans avis juridique, consensus national ou transparence pourrait saper l’élection la plus importante de l’histoire du Congo ».

Moïse Katumbi, successeur pressenti

Les membres de l’opposition surveilleront en tout cas de très près la préparation des élections de la fin d’année. Pour ces derniers comme pour les Congolais qui réclament le départ de Joseph Kabila depuis plus d’un an, la chose est entendue : celui-ci doit avoir lieu en 2018. Pas après. L’alternance démocratique, c’est ainsi ce qu’a réclamé sèchement l’opposition unifiée, en décembre dernier, lors d’un rassemblement. Où étaient présents, entre autres, Félix Tshisekedi, le fils de l’ancien opposant au président, Etienne Tshisekedi, et Moïse Katumbi, candidat déclaré – de longue date – à la présidentielle et pressenti pour remplacer M. Kabila.

L’ex-gouverneur du Katanga jouit d’une popularité très grande en RDC, qu’il a été obligé de fuir en 2016 à l’issue d’un procès politique, dans le cadre d’une affaire immobilière farfelue, dont même la juge avait reconnu à l’époque qu’il s’agissait d’un coup de Kinshasa. Pas de quoi décourager M. Katumbi pour autant, qui a depuis multiplié les appels à manifester à l’endroit de l’opposition congolaise. Qui pourrait bien voir son vœu démocratique se réaliser. Deux ans après. 

 

E.Diabaté

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