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Financement du terrorisme : la crise du Golfe s’invite à Bruxelles

Le 1er février, le Brussels International center for Human Rights (BIC) organisait un colloque sur le financement du terrorisme et la crise diplomatique du golfe persique. Si cette association, jeune de moins d’un an, n’est pas liée de manière institutionnelle aux instances communautaires, elle a tout de même pour habitude de travailler étroitement avec plusieurs responsables européens.

Invités de marque de ce colloque l’ancienne Garde des Sceaux Rachida Dati, députée européenne, et Jack Schickler membre du cabinet de Julian King, commissaire pour l’Union européenne à la sécurité et chargé de la lutte contre le terrorisme. Si l’ancienne ministre a maintenu sa présence, le second a préféré décommander.

 

Derrière l’organisateur, l’ombre des Emirats Arabes Unis

Selon plusieurs observateurs présents sur place, le débat serait rapidement devenu un réquisitoire, tourné en grande partie contre le régime de Doha. Si les jeux diplomatiques à l’œuvre dans la région, et la relation des différents émirats avec certains groupes terroristes sont des sujets essentiels, ils sont également éminemment complexes. Attribuer la paternité exclusive du terrorisme international au Qatar pouvait donc paraître surprenant, surtout de la part de responsables politiques.

C’est l’hebdomadaire Jeune Afrique qui a finalement levé le voile, dans son édition de la semaine dernière, en attirant l’attention sur les sulfureux parrains de l’événement. Ainsi, le directeur exécutif du BIC, l’organisateur du colloque, n’est autre que Ramadan Abou Jazar, lobbyiste belge auparavant chargé de l’antenne bruxelloise de l’ONG norvégienne GNRD (Global Network for Rights and Development). L’association, qui a fait faillite en 2016, avait fait l’objet d’investigations de la police norvégienne pour ses transactions douteuses, des faits de blanchiment supposés et le caractère suspect de ses fonds en provenance… des Emirats Arabes Unis.

On trouvait également parmi les intervenants du colloque Ali Rashid al-Nuami, responsable de l’organisation Hedayah, association émiratie en charge du contre-terrorisme, financée directement par le gouvernement de l’émir Ben Zayed.

 

La vengeance de Rachida Dati

Selon un article du Monde, publié le 6 octobre dernier, Ali Rashid al-Nuami aurait confié une enveloppe considérable à Mohammed Dahlan, ancien responsable du contre renseignement palestinien, reconverti en lobbyiste. Banni par le Hamas, l’homme de 56 ans est depuis devenu une pièce centrale de la stratégie d’influence émiratie, régulièrement accusée d’ « arroser » de nombreux décideurs européens.

Le livre des journalistes français Christian Chesnot et Georges Malbrunot, intitulé « Nos chers émirs », avait lui aussi mis au jour les pratiques entre émissaires des pays du golfe et responsables politiques français.

Rachida Dati y était directement mentionnée. « Je dirais du bien du Qatar, mais pas gratuitement », aurait-elle déclaré avant d’essuyer un refus de Doha pour un don de 400 000 euros à une de ses associations. La députée se serait depuis engagée dans certains réseaux d’influence hostiles au Qatar, comme le BIC, et a pour habitude de critiquer publiquement le petit émirat. Prise à partie par une question dans la salle sur l’absence de représentants qataris dans le panel, l’ex-ministre a botté en touche, non sans agiter une certaine forme de mystère. « Je ne suis pas la puissance invitante ! »

Est-ce que la participation de l’eurodéputée au colloque du 1er février dernier était un énième émanation de cette vieille rancoeur ? Rien n’est moins sûr. 

 

En Europe, les colloques à l’encontre de Doha pullulent

En réalité, le colloque du BIC n’est pas un épiphénomène, dans la mesure où d’autres événements peu ou prou similaires ont vu le jour ces derniers mois.

Depuis la crise du Golfe, les colloques anti-Qatar essaiment en Europe. En France, l’imam Chalgoumi, responsable de l’association culturelle des musulmans de Drancy, a par exemple apporté son soutien à un symposium anti-Qatar financé par le royaume de Bahreïn.

Le 10 octobre dernier, Roland Dumas, Georges Malbrunot et François Asselineau avaient eux aussi participé à un colloque similaire organisé à Paris, par une association égyptienne réputée proche du Maréchal Al-Sissi.

A Londres, un chef autoproclamé de l’opposition, Khalid Al-Hail, fondateur du Parti national démocratique du Qatar, a quant à lui organisé une vaste et luxueuse réception dont le thème était la possibilité d’un changement de régime – forcé – au Qatar.

Selon plusieurs sources relayées dans les médias britanniques, l’événement, censé présenter la dissidence qatarie, faisait en réalité la part belle aux représentants étrangers, avec la présence notable de généraux israéliens et de diplomates… émiratis.

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