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La résurrection programmée du nucléaire français

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Alors que les choix stratégiques de la dernière décennie menaçaient une filière nucléaire française qui pâtissait de l’engouement médiatique pour le renouvelable, un revirement semble avoir été amorcé depuis 2017.

D’ordinaire peu enclin à l’optimisme, le président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a surpris l’ensemble des acteurs de la filière lors de ses vœux à la presse, le 29 janvier 2018. Connu pour son inflexibilité, Pierre-Franck Chevet dressait en 2016 un constat alarmant. Mais, c’est une constante dans l’industrie de l’atome, les années se suivent et se ressemblent rarement.

L’année de tous les rebondissements

Le président de l’ASN a donc salué, « des signes positifs » et des « améliorations ». En réalité 2017 a été une année faste pour la filière nucléaire française.

Pourtant certaines décisions et engagements politiques auraient pu faire croire à un avenir plus sombre. Si le débat sur l’avenir du nucléaire est essentiel et préoccupe légitimement une partie importante de la population, les prismes idéologiques semblaient avoir pris le pas sur le pragmatisme qui devrait être de rigueur lorsque l’on traite de politique énergétique.

Paradoxalement (au regard de sa dimension décarbonnée), certains responsables d’associations et candidats politiques en étaient arrivés à souhaiter la fin du nucléaire pour des raisons écologiques. Ces prises de position, parfois démagogiques, ont infusé dans une opinion publique peu formée sur le sujet, et a priori plus favorable à la diffusion des énergies renouvelables.

En réalité, se priver du nucléaire ferait, à coup sûr, augmenter nos rejets de Co2. L’exemple allemand est là pour nous le confirmer : les énergies renouvelables ne suffisent pas à compenser la fermeture des réacteurs. Nous serions donc forcés de recourir au gaz et au charbon, énergies éminemment polluantes.

Contre l’avis de la plupart des scientifiques et industriels du secteur, la loi de Transition énergétique du 17 août 2015 fixait l’objectif d’une réduction à 50% de la part du nucléaire d’ici 2025.

Nommé ministre de la Transition écologique après l’élection d’Emmanuel Macron, Nicolas Hulot reprenait cet objectif à son compte et annonçait, le 10 juillet 2017, envisager la fermeture de 17 réacteurs d’ici 2025.

Le pragmatisme remis au goût du jour

Cependant, après que le ministère s’est penché de plus près sur la question, notamment dans le cadre de la rédaction de la PPE en 2018, le discours a rapidement changé. Nicolas Hulot déclarait ainsi, le 8 novembre 2017, que la baisse de la part du nucléaire dans les proportions fixées par la loi de transition énergétique était impossible à atteindre, « sauf à renier tous nos engagements climatiques ». Une remarque qui rappelait donc, en creux, le rôle que joue le parc nucléaire pour l’atteinte de ces engagements.

Le 17 décembre, le président de la République annonçait lui même vouloir fermer les centrales thermiques et à charbon, au nom de la lutte contre le réchauffement climatique. « Il faut choisir sa bataille », avait-il alors déclaré en vantant les mérites du parc nucléaire français. Une prise de position décisive, tranchant avec l’atmosphère « anti-atome » qui semblait régner alors.

Le parc nucléaire français, l’un des plus performants au monde, est évidemment un allié de poids dans la lutte contre le réchauffement climatique, et doit être assumé comme tel. D’après les experts, il est le complément indispensable à la multiplication des énergies renouvelables et à une transition énergétique efficace.

Dans la lignée des orientations choisies par Emmanuel Macron et alors que la PPE doit être mise en forme d’ici la fin de l’année 2018, Nicolas Hulot a d’ailleurs expliqué vouloir privilégier « le réalisme ». Le ministre souhaite établir un « calendrier très précis » de fermeture de réacteurs, qui cette fois ne sera pas édicté en fonction de « critères symboliques ».

La complémentarité avec les énergies renouvelables

Deux scénarios semblent pour l’heure envisagés, avec pour objectif de réduire la part de l’atome, mais cette fois dans un délai plus raisonnable, autour de 2035. Le premier, baptisé Ampère, prévoit une baisse de 14,5 GW, ce qui équivaudrait à la fermeture de 16 réacteurs, impliquant un triplement de la capacité de production en énergies renouvelables.

Le second, nommé Volt, table sur une réduction de la part du nucléaire à 56% en 2035, ce qui représenterait la fermeture de neuf à dix réacteurs. Ce  scénario, qui prévoit d’opérer les premières fermetures entre 2025 et 2030, correspond aux attentes des acteurs de la filière, notamment EDF.

En effet, le 30 janvier 2018, Philippe Sasseigne, directeur du parc nucléaire français d’EDF, annonçait que, excepté pour les deux réacteurs de la centrale de Fessenheim, l’entreprise ne souhaite pas fermer de réacteur avant 2029. Une volonté qui s’inscrit dans la politique de pérennisation des réacteurs amorcée en 2016, et visant à augmenter de 10 ans la durée de vie des centrales. Quatre milliards d’euros par an sont actuellement consacrés à ce plan.

Les choix de la PPE devront donc prendre en compte les intérêts des acteurs du nucléaire, pour parvenir à mettre en place une coopération étroite entre les pouvoirs publics et les producteurs d’énergie. Cela permettra notamment d’établir une politique énergétique cohérente, d’autant plus qu’EDF est dans le même temps au premier rang du développement des énergies renouvelables, en particulier grâce à son plan solaire.

Si les pouvoirs publics semblent désormais avoir mis de côté les idéologies partisanes, et paraissent vouloir privilégier le pragmatisme, la pression de l’opinion publique peut constituer un enjeu crucial pour les prochaines années. De ce point de vue, l’appétence pour les « énergies vertes » ne se substituera pas à une véritable pédagogie énergétique.

Comme l’explique Michel Gay, auteur de « Vive le nucléaire heureux », dans une tribune datant du 29 janvier 2018 :« Pour succéder aux énergies fossiles, les pays qui voudront être les champions de l’énergie nucléaire, propre, disponible, sans émissions de gaz à effet de serre, et quasiment inépuisable devront d’abord être les champions de l’explication populaire et du courage politique ».

 

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