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Medef, la valse des prétendants

La campagne pour prendre les rênes du MEDEF est lancée. Quels sont les enjeux, qui sont les candidats ? Etat des lieux des forces en présence, alors que l’organisation patronale doit se refonder pour continuer à peser dans la vie économique française.

Qui pour remplacer Pierre Gattaz ? A la tête du Medef depuis près de cinq ans, le débonnaire patron de Radiall et fils d’Yvon Gattaz s’apprête à passer la main, à la suite de l’élection qui désignera son successeur. Celle-ci se tiendra le 3 juillet prochain, au terme d’un scrutin complexe, censitaire et opaque, marqué par des jeux de pouvoir et d’influence.

Une élection complexe et opaque

Les postulants ont jusqu’au 3 mai pour déposer leur dossier de candidature, qui doit être soutenu par 50 signatures de membres de l’Assemblée générale (AG) ayant voix délibérative. Les candidats retenus seront ensuite auditionnés, le 22 mai, par le Conseil exécutif du Medef, qui exprimera son avis auprès de l’AG. AG de 560 membres auxquels reviendra, le 3 juillet, la responsabilité d’élire le futur président, à l’issue d’un scrutin majoritaire à deux tours – qui se déroulera, a priori, sous forme électronique.

Pour ajouter à la complexité, l’élection du président du Medef est, cette année, concomitante avec les renouvellements de l’AG, du Conseil exécutif et du Comité statutaire de l’organisation patronale. Autant d’occasions, pour les influenceurs et barons du CAC 40, d’avancer leurs pions, de favoriser leur poulain ou de mettre des bâtons dans les roues de leurs adversaires.

Un Medef à la croisée des chemins

L’élection de son futur président intervient à un moment charnière de l’histoire du Medef. Saluées par une partie du patronat, les réformes économiques et sociales engagées par Emmanuel Macron n’en bouleversent pas moins l’équilibre sur lequel reposait le dialogue social dans l’Hexagone. Code du travail, indemnisation des chômeurs, formation professionnelle, apprentissage… : les réformes passées ou à venir remettent profondément en cause le paritarisme de négociation et le paritarisme de gestion.

D’un côté, l’Etat reprend la main sur des domaines comme l’assurance chômage ; de l’autre, les négociations redescendent au niveau des branches et des entreprises. En d’autres termes, la gouvernance et la représentativité du Medef sont plus que jamais contestées. Ces bouleversements remettent en cause l’existence même de l’organisation patronale, qui pourrait se retrouver marginalisée.

Autant dire que le prochain président du Medef sera attendu au tournant. Il – ou elle – ne pourra faire l’impasse sur un renouvellement en profondeur de l’organisation, de son rôle et de son fonctionnement interne. La campagne qui s’ouvre doit donc être l’occasion d’un véritable débat de fond, sans tabous. Les candidats seront-ils à la hauteur des défis à venir et de l’inévitable refondation du mouvement qu’ils aspirent à présider ? Tour d’horizon des candidats sur la ligne de départ d’une campagne qui fera date.

L’intellectuel

Ancien cadre du Medef, Jean-Charles Simon devrait faire campagne en défendant un programme résolument libéral. S’il n’a, faute d’assise assez large, presque aucune chance d’accéder à la présidence, celui qui a lancé son cabinet d’intelligence statistique et d’analyse économique n’en contribuera pas moins à alimenter le débat et à élever le niveau des échanges. « Iconoclaste » pour Challenges, il porte un projet de rupture avec le paritarisme.

L’opportuniste

Créateur d’une modeste entreprise de négoce, Aera, Fabrice Le Saché, jeune entrepreneur orienté à l’international, ambitionne avant tout de se faire un nom. Il souhaite apporter sa pierre au débat sur la rénovation du Medef et, s’il accroche suffisamment la lumière, gagner une place de choix dans le futur organigramme de l’organisation.

Les hommes de l’appareil

Depuis vingt ans, Frédéric Motte mène une carrière d’élu local dans les Hauts-de-France, et de mandataire patronal, tout en assurant ses fonctions de patron de Cèdes Industries, qui sous-traite la fabrication d’équipements pour les grands donneurs d’ordre industriels au sein d’une vingtaine de PME régionales. Sa candidature viserait davantage à parasiter la campagne de ses homologues issus, comme lui, des territoires, qu’à le porter à la tête du Medef. In fine, il devrait négocier son ralliement au favori en échange de son maintien à la vice-présidence du mouvement. Un maintien qui n’est pas gagné d’avance : tout vice-président en charge des territoires qu’il soit, Frédéric Motte n’est, pour l’heure, soutenu par aucun Medef territorial.

Le garant de la mainmise de l’UIMM (Union des industries et métiers de la métallurgie), Alexandre Saubot a, quant à lui, passé l’essentiel de sa carrière au sein de grandes entreprises et organisations représentatives. Vice-président du Medef en charge des questions sociales, il est surtout patron de la toute puissante UIMM. Un atout qui pourrait finalement jouer contre lui, son prédécesseur, Pierre Gattaz, étant lui aussi issu de la même fédération. Peu charismatique, il lui est reproché de s’être montré trop conciliant avec le gouvernement lors des négociations sur le compte pénibilité – une usine à gaz qui empoisonne la vie de beaucoup d’entrepreneurs.

Le challenger

Inconnu du grand public, Patrick Martin n’en affiche pas moins un solide profil d’entrepreneur, ayant multiplié le chiffre d’affaires de l’entreprise familiale par 15 en vingt ans. Bien que président du puissant Medef Auvergne-Rhône-Alpes, il est néanmoins absent des hautes sphères du Medef – il n’est ni vice-président de l’organisation ni même membre de son Conseil exécutif. Patrick Martin manque par ailleurs d’expérience à l’international. Auto-proclamé candidat des entreprises de terrain, des Medef territoriaux et des petites branches professionnelles, il devra se démener pour faire émerger sa candidature et engranger le soutien de quelques branches de poids s’il espère l’emporter en juillet prochain. Un tour de force qu’il compte réaliser grâce à un programme de refonte de l’organisation, qu’il estime urgent de dépoussiérer.  

Le favori

On ne présente plus Geoffroy Roux de Bézieux. Vice-président du Medef, candidat malheureux en 2013, le médiatique patron espère que son heure est venue. Charismatique, populaire auprès des start-up technologiques, il peut aussi compter sur le soutien de quelques branches. Cela suffira-t-il ? Rien n’est moins sûr : Geoffroy Roux de Bézieux devra surmonter la rancune des soutiens de Jean-Dominique Senard, dont il contribué à saborder la candidature. Il devra aussi s’assurer du soutien de fédérations comme l’UIMM ou d’autres branches importantes (banque, assurance, BTP, etc.). Mais pour beaucoup, Roux de Bézieux est davantage un financier et un deal maker qu’un véritable chef d’entreprise. Enfin, son égo et son goût prononcé pour l’apparat compteraient plus dans sa décision de se lancer dans la course que le souci de relever les défis auxquels le Medef fait face.

Car les enjeux qui seront, espérons-le, au cœur de cette campagne, sont les plus importants que le Medef rencontre depuis vingt ans. Aux candidats d’avancer leurs propositions, leur vision de l’entreprise de demain. L’occasion d’un débat de fond ne doit pas être manquée.

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