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Déchets radioactifs aux Etats-Unis : comment sont-ils gérés au pays de Donald Trump ?

Le secteur nucléaire américain est le premier mondial. Pourtant, la prose en charge des déchets nucléaires accuse un retard non négligeable par rapport aux pays européens. Une situation à laquelle le Congrès a décidé de remédier, en augmentant l’enveloppe pour le développement de partenariats autour de nouvelles technologies nucléaires. Une aubaine pour l’entreprise française Orano qui a d’ores et déjà signé un contrat majeur, renforçant sa position de leader aux Etats-Unis.

En mai dernier, l’effondrement d’un tunnel de stockage de déchets radioactifs aux Etats Unis a relancé le débat entourant les déchets nucléaires. Alors que les associations antinucléaires dénonçaient un « Fukushima en puissance », le département américain de l’Energie américain concédait qu’il existait «des inquiétudes à propos d’un affaissement dans le sol couvrant un tunnel ferré près d’une ancienne installation de produits chimiques ». Cet accident a remis au premier plan la question du stockage. Du fait de leur nature radioactive, des risques d’infiltration dans le sol et du risque possible de propagation d’incendie il est en effet nécessaire d’isoler ces déchets à long terme le temps de leur dangerosité.

Le nucléaire aux Etats-Unis

Avec pas moins de 99 réacteurs nucléaires (pour 99,9 GW de capacité disponible), les Etats-Unis possèdent le parc le plus important au monde. A titre de comparaison, en 2009, la production électrique des Etats-Unis représentait environ 8 fois celle de la France avec 4000 TWh dont environ 800 TWh est d’origine nucléaire. Les centrales sont majoritairement concentrées à l’Est du pays, dans 30 Etats. L’industrie du nucléaire aux Etats-Unis occupe une place considérable sur le marché des énergies. Elle génère entre 40 et 50 milliards de dollars par an et a produit 19,7% de l’énergie du pays en 2016. Le secteur entretient à lui seul pas moins de 100 000 emplois directs. Et pourtant il ne prévoit aucune solution d’enfouissement des déchets à haute valeur radioactive.

Gestion du combustible usé

Au cours des 4 dernières décennies, les Etats-Unis ont déjà produit 76.000 tonnes de combustibles usés – et il faut compter environ 2 000 tonnes supplémentaires par an au rythme actuel. Les combustibles usés sont pris en charge dans 75 sites d’entreposage : 65 sur des sites de réacteurs en fonctionnement, 7 sur des sites de réacteurs en démantèlement et 3 sur des sites de réacteurs démantelés. La technique retenue est le stockage à sec, ou des services dits de « pool to pad ». Les déchets sont placés dans des boites métalliques qui sont elles-mêmes placées dans de sarcophages de béton. Cette méthode offre l’avantage de ne pas nécessiter de source d’énergie.

Aux Etats-Unis, les déchets sont emballés directement, sans être retraités – pas comme en France. « Les Etats-Unis ont fait le choix de stocker les combustibles usés directement. En France, ils sont retraités. L’une des conséquences est une diminution importante du volume à stocker. Par ailleurs, dans le projet français, il n’y a pas de matière fissile stockée, donc il n’y a pas de risque d’intrusion pour récupérer les matières à d’autres fins, par exemple le terrorisme», explique Gérald Ouzounian, directeur international de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs. « Nous avons par endroit l’équivalent de 30 ou 40 ans de déchets accumulés dans des piscines conçues pour durer cinq ou dix ans », s’alarme Mary Olson, de l’organisation anti-nucléaire Nuclear Information and Resource Service.

Conscient du haut risque environnemental posé par cette situation, l’Etat s’est engagé à fournir une solution d’enfouissement aux opérateurs privés qui gèrent l’exploitation des réacteurs et le stockage des déchets.  En 1987, le Congrès a modifié la loi NWPA (Nuclear Waste Policy Act) afin d’ouvrir la voie au projet de Yucca Mountain, dans le Nevada – un site de stockage unique pour les déchets nucléaires dans une galerie de 8 km de long autrefois utilisée pour tester des bombes A. Le projet controversé avait été abandonné sous l’administration Obama par les démocrates, mais ces derniers sont désormais minoritaires à l’assemblée. Ce changement de majorité a permis d’exhumer un rapport sur la capacité du site à accueillir un site de stockage de combustibles usés mis aux oubliettes depuis 2010, ce dernier certifiant que Yucca Mountain est « parfaitement sûr ». En février 2018, l’administration Trump a d’ailleurs demandé d’inclure 120 millions de dollars dans le budget fédéral 2019 pour la relance de ce projet.

Une multitude d’entreprises comme le français Orano accompagnent le nucléaire américain

Il existe actuellement une multitude d’entreprises engagées dans la production d’énergie et la prise en charge des déchets nucléaires. On compte une vingtaine de prestataires majeurs venant d’horizons variés : l’américain transatomic et ses réacteurs nucléaires à sels fondus, le japonais Hitachi  et ses réacteurs à neutrons rapides à caloporteur sodium (RNR-Na), le français Orano (anciennement Areva) et le réacteur nucléaire à très haute température ou VHTR (pour Very High Temperature Reactor) ou encore EskomI, une compagnie sud-africaine qui utilise un réacteur modulaire à lit de boulets – une technologie allemande.

Cette multiplicité d’acteurs entraine une grande variété d’offres dans la gestion des déchets nucléaires. Aussi, en janvier 2018, le Département d’Etat à l’Energie (DOE) des Etats-Unis a annoncé son intention de consacrer au moins 30 millions de dollars pour soutenir le développement de nouvelles technologies nucléaires à travers une série de partenariats public-privés et améliorer le niveau global de ses services.

Dernière entreprise à tirer son épingle du jeu dans cette nouvelle dynamique, Orano TN, la filiale d’Orano en charge du cycle du combustible nucléaire, a signé fin février un accord pour l’entreposage à sec du combustible usé basé sur sa technologie NUHOMS (Nuclear Horizontal Modular Storage) avec un nouveau client sur la période 2018-2025. Ce nouvel accord signé en février 2018 va encore renforcer une position déjà confortable du groupe français aux Etats-Unis. Orano est en effet la première entreprise en nombre d’emballages chargés sur des sites nucléaires. Elle intervient déjà sur 23 réacteurs pour des services à forte valeur ajoutée « pool to pad ».

« Nous sommes honorés de poursuivre notre partenariat de long terme avec notre client tant dans l’entreposage à sec de combustibles usés que dans les services associés que nous proposons. L’expérience unique de nos équipes, leur relation étroite avec le client nous ont permis de proposer une solution sûre et compétitive pour gérer ses combustibles usés » a réagi Frédéric de Agostini, Directeur d’Orano TN.

Autre projet à émerger dans cette nouvelle donne : un partenariat entre Framatome, filiale d’EDF spécialisée dans la conception de réacteurs nucléaires et l’américain Lightbridge Corporation. Cette coentreprise paritaire sera nommée Enfission. Elle aura pour objectif de développer, fabriquer et commercialiser des combustibles nucléaires innovants.

 

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