Site icon La Revue Internationale

Que faut-il attendre sommet entre les Etats-Unis et la Corée du Nord ?

Les efforts de réconciliation lancés par le Président sud-coréen Moon Jae-in ont connu un succès inattendu ces dernières semaines alors que Pyongyang a convenu d’un sommet entre les dirigeants des deux Corées. Il s’agit d’un dénouement aussi surprenant que bienvenu après le rapprochement déjà opéré à l’aune des JO d’hiver. Il s’agira de fait du troisième sommet intercoréen de l’histoire – une histoire marquée par une guerre meurtrière, des provocations, et des escarmouches incessantes, mais aussi par la dangereuse course à la bombe nucléaire de la Corée du Nord – qui suit de près l’élection d’un dirigeant modéré en Corée du Sud.

Plus étonnant encore, après des efforts diplomatiques colossaux de Séoul, ce rapprochement devrait désormais mener à un sommet entre Donald Trump et le numéro un nord-coréen, Kim Jong-un. « Qui sait ce qu’il va se passer ? », s’est interrogé Donald Trump, « peut-être que je vais vite m’en aller, ou peut-être que l’on va s’asseoir et conclure le plus grand accord au monde ». Mais la situation est en réalité plus complexe. Déjà, il faudra qu’après des mois de fermeté, le président Trump joue la carte de la réconciliation tout en ne donnant pas l’impression qu’il vient présenter ses respects – une ligne politique tout en finesse pour un dirigeant qui n’a pas toujours fait preuve d’une grande subtilité. 

Un « accord est en préparation » a assuré la Maison Blanche vendredi dernier, précisant toutefois qu’elle attendait des mesures « concrètes » de la part de Pyongyang. L’histoire américano-coréenne est en effet marquée par un précédent peu engageant : il y a dix-huit ans, l’ancien leader nord-coréen Kim Jong-il et l’ancien Président américain Bill Clinton avaient décidé d’arrêt tests de missile balistiques de Pyongyang en échange d’une levée partielle des sanctions qui visaient le pays. L’accord avait néanmoins été désavoué par son successeur, Georges W Bush, dès son arrivée à la Maison Blanche, arguant de tentatives d’enrichissement d’uranium en catimini.

Cette annonce constitue malgré tout un espoir de détente bienvenu. Il est cependant légitime de se demander à quoi attribuer cette soudaine invitation au dialogue par la Corée du Nord, après des mois de menaces. « A moi », a répondu Donald Trump, comme toujours fort en gueule. D’autre expliquent que maintenant que son programme nucléaire militaire a été mené à bien, Kim Jong-un souhaite installer une trêve pour commencer à négocier la fin des sanctions économiques qui ciblent son pays, déjà très mal en point. Une situation qui laisserait peur de place aux mesures « concrètes » demandées par Washington.

Pour ceux qui veulent croire à la bonne foi de Pyongyang, cette annonce est une ouverture positive. « Les sommets interviennent généralement au terme d’un long processus de négociations à un niveau inférieur où beaucoup de détails sont réglés », a observé Robert Kelly, professeur associé à l’Université nationale de Busan. Il existe tout de même un risque d’après ce dernier : que Trump « s’affranchisse de décennies de politique conjointe entre Séoul et Washington, au sujet de laquelle il n’a aucune idée, pour conclure un accord qui serait une ‘victoire’ qu’aucun autre responsable américain ne validerait. »

Les ouvertures du président Clinton avaient elles aussi été douchées par le Pentagone, qui lui reprochait de ne pas exiger assez en retour, et appelaient à un renforcement du l’arsenal militaire américain. « Trump peut vouloir ce sommet mais je ne suis pas sûr que le Pentagone le laissera faire, tant les militaires préfèrent miser sur la poursuite et la modernisation de la défense antimissile américaine » souligne ainsi Pascal Boniface, directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). L’un des atouts de Trump – son côté iconoclaste – serait donc ici sa plus grande faiblesse.

D’autres se sont montré beaucoup plus réservés sur la question. Ils craignent en effet qu’un échec de négociation précipitées ne paralyse durablement le réchauffement actuel. « Cette initiative diplomatique spectaculaire menée par deux dirigeants connus pour leur instinct et leur théâtralité peut nous amener plus vite qu’on ne le pense à la guerre » mettait en garde Victor Cha, l’ancien patron des affaires asiatiques au Conseil national de sécurité de George W. Bush. « Si l’on échoue au sommet, il n’y a plus de recours possible à la diplomatie », explique-t-il.

Quitter la version mobile