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Madagascar : la lutte contre la corruption au cœur de la campagne présidentielle

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Alors que la Grande Île s’apprête à élire un nouveau président de la République, la lutte contre la corruption reste l’enjeu prioritaire à Madagascar. Celle-ci fait de timides débuts, et pourrait être sérieusement mise à mal si l’un des deux anciens présidents parvenait à reconquérir le pouvoir.

A Madagascar, le défi numéro 1 reste sans conteste la corruption, endémique, qui concerne la quasi-totalité des acteurs économiques et administratifs du pays. En 2015, l’ONG Transparency International classait la Grande Ile à la 123e place de son Indice de Perception de la Corruption. Bien décidé à lutter contre ce fléau, le gouvernement du président Hery Rajaonarimampianina muscle son jeu. Il vient d’inaugurer le premier Pôle anti-corruption (PAC) au sein de la capitale, Antananarivo.

Première des six PAC prévus par les autorités malgaches, cette juridiction autonome sera chargée d’instruire les affaires de grande délinquance économique et financière, ou encore d’infractions financières, minières ou douanières transmises par les services compétents, dont le Service de renseignements financiers (SAMIFIN), la police et la gendarmerie. Une vingtaine de magistrats ont été spécialement recrutés et formés pour l’occasion. Ils bénéficieront d’une autonomie financière et d’une parfaite indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif.

Deux anciens présidents aux bilans désastreux

Il faut dire que Madagascar revient de loin. L’île a été marquée par plusieurs années de gestion calamiteuse durant les présidences successives de Marc Ravalomanana et d’Andry Rajoelina, le second ayant destitué le premier en 2009 – et les deux se présentant à nouveau à l’élection présidentielle de 2018. Elu en 2002, réélu en 2006, Marc Ravalomanana est à la tête d’un empire de l’agroalimentaire, qu’il est accusé d’avoir favorisé, lorsqu’il était au pouvoir, grâce aux ressources de l’Etat.

Sourd aux revendications sociales d’une population très majoritairement pauvre, se contentant d’une opposition fantoche et de médias aux ordres, Marc Ravalomanana est renversé par un coup d’Etat et contraint de s’exiler en Afrique du Sud à partir de 2009. La même année, la justice malgache a condamné l’ancien président, en son absence, à quatre ans de prison et 70 millions de dollars d’amende pour avoir usé de l’argent public afin de s’offrir un jet privé.

Les Malgaches n’ont, hélas, pas gagné au change avec son successeur, Andry Rajoelina. Impliqué lui aussi dans plusieurs scandales de corruption, l’ex-président a notamment trempé dans l’affaire dite du « bois de rose », du nom de ce bois précieux exploité le plus souvent illégalement. Son implication a été démontrée par des journalistes allemands et confirmée par Albert Zafy, lui aussi ancien président malgache, selon qui Andry Rajoelina, « c’est l’art de l’usurpation, (…) de la corruption (et des) magouilles ».

En 2013, un rapport du secrétariat d’Etat américain accable à son tour la gestion d’Andry Rajoelina, dressant une liste des « abus » perpétrés lorsqu’il était au pouvoir : « Madagascar est dirigé par un régime (…) non-élu et illégal », est-il écrit. Parmi les atteintes aux droits de l’Homme sur l’île figurent « les assassinats arbitraires (…), l’incapacité du gouvernement de transition à assurer l’Etat de droit, ce qui a amené à une intensification de l’injustice au sein de la société (…) et l’impossibilité pour les citoyens de choisir leurs gouvernants », dénonce dans son rapport la diplomatie américaine.

Andry Rajoelina a décidé de se présenter à l’élection présidentielle 2018 entouré d’une équipe qui ne devrait pas améliorer son image. Au premier rang desquels l’ancien député français David Douillet, épinglé par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) pour avoir sous-évalué son patrimoine, ou encore un certain Mamy Ravatomanga, un multimilliardaire poursuivi par la justice française pour avoir constitué des avoirs illicites, d’une valeur de 4,3 millions d’euros.

Une lutte contre la corruption laborieuse mais déterminée

Le retour aux affaires de l’un de ces deux anciens présidents n’augurerait donc rien de bon pour Madagascar. Certes, sur l’île la lutte contre la corruption est laborieuse, pénalisée par les insuffisances au niveau de l’appareil judiciaire ; au moins a-t-elle le mérite d’être enclenchée. Le 1er septembre 2016, une nouvelle Stratégie nationale de lutte contre la corruption (SNLCC) a été présentée officiellement. Le renforcement du cadre juridique et institutionnel s’est depuis traduit par quelques beaux succès, comme dans l’affaire concernant Claudine Razaimamonjy, celle autour des permis de conduire biométriques ou encore par le gel des comptes d’un célèbre opérateur soupçonné de trafic de bois de rose.

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