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La réforme des retraites est votée en Russie, malgré la grogne

Mercredi, les députés russes ont adopté les amendements entérinant la réforme des retraites. Cette réforme a provoqué beaucoup de mécontentement dans le pays malgré les concessions annoncées par Vladimir Poutine.

Elle avait été annoncée le 14 juin – le jour de lancement de la Coupe du monde de football en Russie. Moscou voulait retarder l’âge du départ à al retraite. Comme l’avait prévu fin août le président Vladimir Poutine, le texte de réforme a été validé en deuxième lecture par la Douma, la chambre basse du Parlement russe. Il fait passer l’âge de la retraite de 60 à 65 ans chez les hommes, et de 55 à 60 ans pour les femmes. L’amendement porté par le gouvernement a été approuvé par 326 voix pour, 59 voix contre et une abstention. Il doit encore être approuvé en troisième lecture puis par les sénateurs — généralement une formalité — avant d’être promulgué par Vladimir Poutine.

Il s’agit du premier allongement de l’âge de la retraite depuis la fin de la période soviétique – ce qui a causé une vague de colère sociale en Russie. Aussi, afin de ménager les mécontents, le gouvernement a décidé de limiter la hausse de l’âge de départ pour les femmes – il était initialement prévu à 63 ans. En outre, la réforme a été assortie de plusieurs mesures sociales pour tempérer ses opposants, notamment le départ anticipé pour les mères de familles nombreuses, le maintien d’avantages pour certaines professions comme les mineurs et l’introduction de sanctions pénales pour les entreprises licenciant des employés proches de l’âge de la retraite.

Enfin, le parti Russie unie (au pouvoir) s’est engagé à se servir d’une partie des économies réalisées grâce au nouveau régime pour revaloriser les pensions de retraite de 8 % par mois d’ici à la fin de l’année. Il a par ailleurs rappelé que l’ancien système a été élaboré dans les années 1930. Mais rien n’a su calmer la grogne dans un pays où l’espérance de vie des hommes plafonne à 66 ans (selon la Banque mondiale). Aussi, beaucoup disaient que le texte privait de facto les hommes de leur retraite. Si bien que ce vote a provoqué parmi les manifestations les plus importantes depuis l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine (100 000 personnes selon les organisateurs).

Selon un récent sondage, plus de 80% des Russes sont contre la réforme. Une pétition signée par un million de personnes demandant l’abandon de la réforme a été remise au gouvernement la veille du vote. Mais Poutine a tenu bon : « Sur le long terme, si nous faisons preuve d’hésitation aujourd’hui, cela peut menacer la stabilité de la société et la sécurité du pays », a justifié le président russe, qui met en garde contre « l’hyperinflation et la hausse de la pauvreté ». Mais il peine à convaincre. Pour la première fois, sa politique vient entamer sa popularité : il a vu son approbation chuter à 64 % en juillet, contre 80 % en mai, selon le centre russe d’études de l’opinion (VTsIOM).

« Au lieu d’un développement du pays, des régions et d’une amélioration de la qualité de vie, nous avons de la géopolitique, des mégaprojets (d’infrastructures) et une hausse des dépenses pour la sécurité et la Défense. Et les gens sont priés de se serrer la ceinture » estime l’analyste politique Konstantin Kalatchev. « Les autorités vont tenter de ne pas permettre des manifestations de masse dans la rue, mais l’avenir ne s’annonce pas sous les meilleurs auspices » juge-t-il. Son analyse fait écho à la frustration des manifestants et à l’argumentaire déployé par l’opposant numéro un au Kremlin Alexeï Navalny.

Cette réforme lui a également valu de vives critiques du parti communiste, pourtant historiquement plutôt favorable à la politique du Kremlin. « Nous organisons aujourd’hui une manifestation dans toute la Russie contre cette réforme cannibale », a commenté le dirigeant communiste Guennadi Ziouganov. Son parti propose de taxer les revenus des oligarques plutôt que de faire travailler les russes plus longtemps. Depuis leur substantielle progression lors des dernières élections régionales, ces derniers essayent de surfer sur le mécontentement croissant à l’égard de la politique économique de Russie unie – même si leur regain de popularité est pour l’instant davantage dû à un vote protestataire qu’à une véritable adhésion à leur programme.

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