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L’Aquarius au cœur des divisions européennes

La saga de l’Aquarius montre une Europe divisée. Alors que la Panama a finalement radié le navire de son registre, plusieurs pays européens ont signé un accord pour se répartir les migrants à son bord.

L’Aquarius bateau humanitaire qui secourt les migrants en Méditerranée cherchait encore récemment un port européen pour débarquer quelques 48 migrants sauvés de la noyade après que leur embarcation ait coulé, malgré une altercation virulente avec une navette des garde-côtes libyens. Alerté par les autorités italiennes, le navire allemand loué par l’ONG française SOS Méditerranée s’est sans délai rendu sur place pour récupérer les naufragés, au large des côtes libyennes.

Ce lundi, les ONG SOS Méditerranée et Médecins sans frontières (MSF), responsables de l’Aquarius avaient demandé lundi, d’accoster à Marseille à titre exceptionnel et pour des raisons humanitaires, citant la fermeture des ports italiens par la nouvelle majorité. L’exécutif français avait toutefois refusé. De son côté, la Commission européenne a estimé qu’en vertu du droit international c’était la Libye et non l’Union européenne qui était responsable du bateau (- il se trouve dans ses eaux territoriales.

L’équipage du navire controversé a toutefois actuellement d’autres préoccupations que l’accueil de ces réfugiés : le Panama a annoncé samedi qu’il allait retirer son pavillon au bateau. Le pavillon, hissé à l’arrière d’un navire, joue un rôle similaire à celui d’une plaque d’immatriculation et sert à identifier sa nationalité. Il est alors soumis aux lois de ce pays. Ce type d’identification est obligatoire pour permettre à un bateau de naviguer ou d’accoster dans un port.

Et pourtant, « l’administration maritime panaméenne a entamé une procédure d’annulation officielle de l’immatriculation du navire Aquarius 2, ex-Aquarius (…) après la réception de rapports internationaux indiquant que le navire ne respecte pas les procédures juridiques internationales concernant les migrants et les réfugiés pris en charge sur les côtes de la mer Méditerranée ». Ce dernier ne sera donc plus autorisé à prendre la mer, à moins de trouver un autre pavillon.

D’après les autorités maritimes du pays – un des plus grands armateurs mondiaux, « maintenir ce pavillon impliquerait de sérieuses difficultés politiques pour le gouvernement panaméen et pour la flotte panaméenne qui travaille dans les ports européens ». Il semblerait en effet que Panama ait reçu des mises en garde d’états, lassés de voir l’Aquarius aller repêcher quotidiennement des migrants – souvent en violation des eaux territoriales – avant de les amener sur les cotes européennes en violation des procédures d’asile et de leur volonté politique.

« Cette révocation résulte de la pression économique et politique flagrante exercée par le gouvernement italien et condamne des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants en fuite à rejoindre le cimetière marin qu’est devenu la Méditerranée », a dénoncé Médecin Sans Frontière dans un communiqué. « Elle porte un coup violent à la mission humanitaire vitale de l’Aquarius, le seul navire de recherche et de sauvetage non gouvernemental encore présent en Méditerranée centrale ».

Gibraltar avait déjà révoqué le pavillon de l’Aquarius en août dernier pour « non-respect des procédures juridiques internationales » comme il refusait de suspendre ses activités de sauvetage. Le bateau n’était en effet pas enregistré pour de telles sorties dans le territoire britannique. MSF et SOS médecins pointaient déjà Rome du doigt. Les occupants du navire ont prévenue qu’ils n’abandonneraient pas leur mission humanitaire, et ce même sans pavillon.

Si les augures sont sombres pour l’Aquarius, une bonne nouvelle est toutefois tombée dans la nuit de mardi à mercredi : une solution européenne de « répartition solidaire » a été trouvée pour l’accueil des désormais 58 migrants actuellement à son bord. En vertu de cet accord, la France accueillera 18 des migrants, l’Allemagne et l’Espagne 15 chacune et le Portugal 10. En août dernier, le Portugal a déjà passé un accord similaire avec les gouvernements espagnol, français, allemand, italien et luxembourgeois pour l’accueil de 141 migrants, déjà secourus par l’Aquarius.

A l’approche des élections européennes – et avec la montée des partis populistes en trame de fond – la question des migrants est particulièrement volatile. Ils exigent une politique de fermeté à l’égard de ceux qu’ils qualifient de « passeurs » et leurs « complices » humanitaires. Cela explique la proportion prise par l’accueil de ce groupe de taille peu importante. Les gouvernements en place craignent qu’une main tendue ne renforce l’opposition xénophobe. Et pour cause : en juin dernier, 56 % des Français se prononçaient contre l’accueil de l’Aquarius.

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