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Le parlement européen lance une procédure de sanction contre la Budapest

Le gouvernement hongrois se retrouve dans le collimateur de Bruxelles, qui a saisi l’article 7 du traité sur l’Union européenne, afin de mettre un terme à la violation « systémique » des valeurs européennes par le gouvernement de Viktor Orban.

Les tensions entre Bruxelles et Budapest ne sont pas neuves. Depuis l’arrivée au pouvoir du parti Fidesz en 2010, son provocateur dirigeant a multiplié les attaques contre l’Union européenne et ses élites « déconnectées ». Cependant, à l’été 2018, Viktor Orban a franchi un cap en rendant l’aide aux migrants criminelle en Hongrie, avant d’instaurer une taxe de 25 % visant les organisations dont les programmes et les activités soutiennent directement ou indirectement la migration – elle doit être payée par le donateur qui finance l’activité.

Julia Ivan, directrice d’Amnesty International Hongrie déplore que les ONG, qui subissent « déjà des menaces contre la vie des défenseurs des droits de l’homme », voient leur situation devenir « vraiment très dangereuse ». Orban a par ailleurs pris plusieurs mesures à l’encontre de l’enseignement supérieur dans son pays, en particulier contre l’Université d’Europe centrale, créée par le financier américain George Soros. La dernière prive de licence les universités sans campus dans leur pays d’origine. Il a également asphyxié économiquement le plus important journal d’opposition, Nepszabadsag.

En Parallèle, le Fidesz a entrepris la modification totale de la Constitution hongroise afin de renforcer le contrôle de l’exécutif sur la justice, les médias et autres contre-pouvoirs – notamment une autorité d’état qui sanctionne la diffusion d’informations « non nuancées ». Il a enfin imposé un mode de scrutin uninominal à un tour favorisant son parti au détriment de l’opposition. En réaction à cette déferlante de mesures autoritaires, le Parlement européen a été saisi pour prononcer sur un « risque clair de violation grave par la Hongrie des valeurs sur lesquelles l’Union est fondée » ce mardi.

Les eurodéputés européens ont estimé que Budapest avait exercé une « menace systémique » sur ces valeurs – définies par le traité sur l’Union européenne comme le « respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités ». Ledit traité permet en effet à l’Union européenne de suspendre tout ou partie des droits d’un Etat membre de l’UE si elle constate une « violation grave et persistante par un État membre des valeurs » européennes

Les eurodéputés ont en effet constaté des attaques répétées contre l’indépendance de la justice, la liberté des médias, la liberté académique et des mesures visant spécifiquement à pénaliser l’accueil réservé aux migrants – ainsi que les associations tentant de leur venir en aide. De fait, par bien des égards, Orban incarne la vague populiste qui prend de l’essor en Europe et en remet en cause les fondamentaux – il même a récemment manœuvré pour en prendre la tête, lançant l’idée qu’Emmanuel Macron serait son principal adversaire en Europe.

La résolution lançant une procédure de sanction contre le gouvernement hongrois a finalement adoptée hier par 448 voix favorables et 197 contre (48 abstentions). C’est la première fois que le Parlement européen use de son droit d’initiative pour demander au Conseil de prendre des mesures contre un état membre. Ce vote indique que Viktor Orban, qui appartenant jusque-là au Parti populaire européen (PPE, qui regroupe les diverses droites européennes et compte 218 élus) a finalement été lâché par ce dernier. Jusqu’à maintient le PPE protégeait Fidesz d’un éventuel recours.

Orban à réagi à la nouvelle en dénonçant un « chantage » du Parlement européen. « Ce rapport ne respecte pas la nation hongroise », a-t-il estimé. « Je refuse que les forces du Parlement européen qui sont en faveur de l’immigration et des migrants menacent, fassent du chantage et diffament la Hongrie et le peuple hongrois avec de fausses accusations ». A huit mois des élections européennes, cette condamnation de la ligne « dure » d’Orban, en particulier par le PPE, constitue un rude désaveu. Il pourra, en Europe, toutefois encore compter sur le soutien des souverainistes, des eurosceptiques et de l’extrême droite.

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