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Sommet intercoréen : le drôle de paix progresse

La multiplication des annonces et initiatives symboliques lors du sommet intercoréen installe un climat apaisé dans cette région historiquement volatile. Mais quelle est la véritable portée de ces initiatives ?

Le président sud-coréen Moon Jae-in s’est rendu une nouvelle fois à Pyongyang pour un sommet tenu du 18 au 20 septembre avec le leader nord-coréen Kim Jong-un. Au terme de ces trois jours, les avancées sont nombreuses et encourageantes. S’il ne s’agit pas vraiment d’une première – les deux présidents Kim Dae-jung et Roh Moo-hyun avaient, en 2000 et en 2007, participé aux deux premiers sommets intercoréens de l’histoire – il s’agit d’une avancée spectaculaire au vu du climat de tension qui régnait sur la péninsule il y a moins d’un an.

Pour toutes les rencontres préalables, les deux dirigeants se sont vus sur la zone démilitarisée qui sépare les deux pays (DMZ). Cette fois, le président Sud-coréen s’est rendu à Pyongyang. Moon Jae-in a ainsi pu gravir le Mont Paekt, une montagne sacrée, dont l’accès n’est plus possible pour les Sud-Coréens que par son versant chinois depuis la guerre. Ce nouveau rapprochement qui marque un tournant décisif, alors que les deux pays se sont engagés à resserrer leurs liens économiques, et Kim Jong-un s’est engagé à une visite à Séoul.

Les deux pays ont par ailleurs annoncé une candidature commune aux Jeux d’été de 2032. « Le Sud et le Nord ont convenu de participer conjointement et activement aux compétitions internationales, y compris les Jeux olympiques d’été de 2020 et de coopérer en vue d’une candidature commune pour accueillir ensemble les Jeux olympiques d’été de 2032 » explique le communiqué diplomatique publié au terme de ce déplacement. Cette décision suppose un niveau de coopération et de confiance mutuelles inédit. Les deux Corées ont désormais jusqu’à 2025 pour bâtir leur candidature.

Ce rapprochement diplomatique s’est également concrétisé par l’ouverture d’une « ambassade » commune. Vendredi, Pyongyang et Séoul ont en effet inauguré un bureau de liaison commun dans la localité nord-coréenne de Kaesong, qui abrite des bureaux séparés pour le Nord et le Sud. « Un nouveau chapitre de l’histoire s’ouvre ici aujourd’hui », a justement souligné le ministre sud-coréen de l’Unification Cho Myoung-gyon. Si avant les relations diplomatiques entre les deux Corées se faisaient au téléphone, elles pourront désormais être en contact constat et direct.

Mais la plus grande avancée de cette rencontre reste l’ « accord verbal sur la dénucléarisation » consenti par Kim-Jong-un. Ce dernier s’est dit prêt à fermer le site de tirs de missiles balistiques intercontinentaux de Tongchang-ri en présence d’experts internationaux, contre des mesures réciproques américaines. Ce dernier voudrait obtenir de Washington une « déclaration de fin de guerre » officielle. Les spécialistes sont toutefois circonspects face à cette annonce, soulignant que Pyongyang avait déjà plusieurs fois annoncé qu’elle n’avait nul besoin de tests supplémentaires.

Pour autant, ce sommet semble avoir relancé l’intérêt de Washington pour Pyongyang. Les échanges avec la Maison Blanche semblaient de fait dans l’impasse depuis la rencontre du 12 juin à Singapour entre le président américain Donald Trump et le dirigeant nord-coréen. Une visite à Pyongyang du secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, prévue en août dernier, a ainsi été annulée en dernière minute. En réaction la Corée du Nord a dénoncé les méthodes de « gangster » des Américains, accusés de vouloir obtenir son désarmement unilatéral sans faire de concession.

Moon Jae-in avait joué un rôle clé pour en permettre la rencontre Trump-Kim. Ce dernier n’a eu de cesse depuis son arrivée au pouvoir de réaliser un véritable travail de fond pour l’apaisement de la situation da la péninsule coréenne, là où la visite de Trump semblait davantage être un coup de com’ pour rassurer un électorat fébrile. Une désinvolture mal vécue par le Nord. A l’aune de ces trois jours de romance diplomatique, Kim Jong-un a envoyé à Donald Trump une lettre pour lui demander un nouveau sommet.

S’il semble pressé de normaliser ses relations avec Washington et ses alliés, c’est à cause des multiples sanctions internationales dont son pays fait l’objet. Aussi, il joue sur plusieurs terrains afin de trouver le meilleur angle pour permettre le développement économique de son pays, encore plombé par son isolationnisme, des crises alimentaires majeures et une grogne croissante d’une population excédée par la mainmise de l’état sur tout. En se plaçant comme le leader modéré, qui ouvre la voie à la transition, Kim Jong-un essaie ainsi d’assurer la survie de sa lignée.

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