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Viktor Orban joue le post-PPE

Malgré la condamnation de la politique de Viktor Orban par son groupe parlementaire européen, ce dernier s’est livré à une nouvelle série d’attaques contre Bruxelles. Une provocation qui souligne sa volonté se placer au centre du débat à l’approche des européennes.

L’activation par le Parlement européen de l’article 7 du traité de l’Union, le 12 septembre dernier, a marqué la première vraie rupture entre Bruxelles et Budapest. Avec 448 voix pour, 197 contre et 48 qui se sont abstenus, les eurodéputés ont montré – même à droite – leur rejet de la politique illibérale – voire pour certains liberticide – de la Hongrie et de son dirigeant Viktor Orban. Ce dernier a été l’auteur de multiples transgressions des valeurs démocratiques qui fondent l’Union ce qui a poussé les élus européens à monter au créneau pour la seconde fois dans l’histoire de son (la première fois était en décembre 2017 à l’égard de la Pologne).

Cet article prévoit une procédure pouvant mener à la suppression du droit de vote des état membres qui violent l’état de droit. Mais la véritable question qui était posée à travers ce scrutin était celle de la cohérence idéologique du Parti populaire européen (PPE), la principale formation de droite au Parlement, à laquelle appartient le dirigeant hongrois. En acceptant de largement valider les conclusions du rapport Sargentini – qui établit la liste des préoccupations européennes à propos des la politique xénophobe et autoritaire du parti de M. Orban, le Fidesz – la droite européenne semble signer son désaveu déclin des contrepouvoirs en Hongrie. La sanction a même reçu le soutien du très conservateur Chancelier autrichien Sebastian Kurz.

Si pour l’heure, le Fidesz reste membre du PPE, plutôt que de faire machine arrière et tenter de récupérer le soutien de ses pairs, Orban persiste et signe. Dans un discours délivré le 17 septembre devant son Parlement (choix ô symbolique), ce dernier a estimé « inacceptable que Bruxelles veuille priver la Hongrie de ses droits à protéger ses frontières ». Le dirigeant ultraconservateur a appelé à « la fin de la démocratie libérale », qui selon lui « est incapable de défendre la dignité du peuple, incapable de nous garantir la liberté, incapable de nous garantir la sécurité, elle ne peut plus promouvoir notre culture chrétienne ».

C’est ce type de sortie qui l’a isolé au sein de son groupe politique et qui lui a valu une sanction quasi unanime à Bruxelles. Les partis nordiques adhérents au PPE ont ainsi reproché à Orbán de « briser les règles communes » et de tenter de se dissimuler derrière le « peuple hongrois ». Même son de cloche en Allemagne. La CDU, le parti dominant au sein du PPE, a condamné le tournant illibéral d’Orabn : « On vous demande de respecter les idées d’Helmut Kohl ». Si les Républicains français et le Parti populaire espagnol semblent divisés, ils ont toutefois majoritairement soutenu le recours à de l’article 7. Mais il ne s’agit pas pour autant de la prise de conscience européiste que beaucoup attendaient.

Budapest a déclaré vouloir intenter un recours contre cette décision devant la Cour de justice de l’UE, contestant le mode de calcul de la majorité qualifiée des deux tiers des eurodéputés. Si le Parlement s’est mobilisé pour exiger que le Fidesz respecte les valeurs démocratiques européennes, la réalité du terrain est bien plus complexe. Orban dispose du soutien de Varsovie, de Rome, des ultras de Stockholm et même d’Athènes, sur beaucoup de sujets – en premier lieu l’immigration, qu’il essaie d’imposer comme principal sujet. Aussi, il veut cristallier le débat autour de ce sujet polémique afin de recomposer le spectre politique en vue les européennes de mai 2019.

Orban tente de déplacer la ligne médiane du débat, et de faire une main basse sur les valeurs conservatrices et chrétiennes européennes. Ce faisant, il écarte les plus modérés, qu’il veut faire passer comme peu pertinents au vu des profondes divisions qui existent sur la question de l’accueil des migrants. Il veut s’appuyer sur ces divisions pour porter une réforme de fond des valeurs inscrites dans les textes fondateurs européens – comme il a commencé de faire dans son pays, ce qui lui a valu les foudres de Bruxelles. En clair, rappelé à l’ordre pour ses violations de l’état de droit dans son pays, le Fidesz veut désormais s’en prendre aux textes européens invoqués par ses contradicteurs.

La thématique de la migration le protège d’un heurt direct avec une Europe pluraliste, attachée à ses valeurs historiques. Reste à savoir si l’Europe doit changer pour satisfaire les détracteurs qu’elle accueille en son sein, où si ces derniers doivent e poser la question de leur place dans le projet européen. La même s’est posée en amont du Brexit. « Les Hongrois ont choisi d’adhérer à l’Union européenne. Si on y adhère, on respecte les traités et l’État de droit. C’est ce qu’on reproche à Orban : on n’accepte pas les réformes menées en Hongrie car elles sont contraires à ce à quoi elle avait adhéré » notait justement à ce propos Clémentine Forissier, rédactrice en chef du journal politique Contexte.

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