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Brésil : Jair Bolsonaro aux portes du pouvoir

En pole position lors du premier tour, avec 46 % des voix, le candidat d’extrême droite, Jair Bolsonaro est en bonne position pour accéder à la présidence brésilienne, dans un pays profondément divisé.

Ce dimanche 7 octobre, le candidat du Parti Social Liberal (PSL, extrême droite) est arrivé en tête du premier tour des élections présidentielles brésiliennes. Avec plus de 48% des voix, Jair Bolsonaro est en position de force pour un second tour qui l’opposera au candidat du Parti des travailleurs (PT, gauche), Fernando Haddad. Cet ancien maire de Sao Paulo désigné au pied levé pour remplacer le très populaire ex président Luiz Inácio Lula aujourd’hui incarcéré, a quant à lui recolleté 29% des voix. Il était initialement inscrit comme candidat à la vice-présidence avant d’être propulsé candidat officiel du PT lorsque son mentora jeté l’éponge. D’après l’institut de sondages brésilien Datafolha, Bolsonaro l’emporterait toutefois au second tour par une courte marge (44 % contre 42 %).

Une poussée de popularité que l’opposition attribue principalement à une campagne massive de fausses informations sur le réseau de messagerie WhatsApp (un projet de persécutions des églises évangéliques, de confiscation de l’épargne des citoyens ou l’idée que les enfants à partir de cinq ans deviendraient propriété de l’État). Mais la réalité est plus complexe. Rappelons, par exemple, que Bolsonaro vient de sortir de l’hôpital après avoir frôlé la mort le 6 septembre dernier. Il avait été poignardé à l’abdomen par un ancien militant de gauche lors d’un bain de foule à Juiz de Fora, dans l’Etat de Minas Gerais (sud-est).

Bolsonaro bénéficie également d’une image d’homme neuf, « anti système », jamais pris dans un scandale de corruption, contrairement aux principales figures des deux grands partis traditionnels de la scène politique brésilienne. Une réputation qui ne fait pas justice à ses sorties misogynes (« Je ne vous violerai pas car vous ne le méritez pas, vous êtes très laide »), racistes (« Ils ne font rien ! Ils ne servent même pas à la reproduction »), homophobes (« Je serais incapable d’aimer un fils homosexuel. Je ne serai pas hypocrite : je préférerais que mon fils meure dans un accident plutôt que de le voir apparaître avec un moustachu. »), et son amour de la dictature militaire brésilienne (« Il n’y a jamais eu de dictature, ni de torture. C’est un mensonge de la gauche »).

S’il coiffe au poteau tous les autres dirigeants populistes qui ont émergé au cours de ces dernières années, à l’exception peut être du président philippin Rodrigo Duterte, le « Trump tropical » est aussi un ultralibéral – tendance rare chez les populistes. Il s’est ainsi engagé à la vente (ou la fermeture pure et simple) de 150 entreprises publiques, réformer les retraites à la baisse et assurer l’indépendance totale de la banque centrale brésilienne. Il a également lancé l’idée saugrenue de privatiser l’Amazonie. Malgré ces controverses, sa popularité a largement été alimentée par la haine croissante des Brésiliens contre le PT, pris dans de multiples scandales de corruption. Mais il a également su parler à toutes les classes sociales brésiliennes.

« [Les classes populaires] suivent notamment l’avis de l’église évangélique, très populaire dans cette tranche de la population, qui appelle clairement ses fidèles à voter pour Bolsonaro car il défend la famille traditionnelle et Dieu », souligne Juliette Dumont, maître de conférence en histoire à l’Institut des hautes études de l’Amérique latine. « Du côté des classes moyennes, certains pensent qu’il vaut mieux moins de liberté pour aller mieux. On est dans un pays où le chômage et la violence explosent, et les inégalités sociales se creusent. Il y a une vraie détresse » ajoute-t-elle. « Enfin, chez les très riches, le discours est celui de dire que le Parti Travailliste conduira le pays dans une crise comme celle au Venezuela. »

En cas de victoire, la rupture ouverte avec l’ordre républicain proposée par Bolsonaro fait craindre certains observateurs un retour à la dictature trente ans après son abolition, dans un pays divisé, plombé par la pire crise économique de son histoire récente et particulièrement volatil. En 2016, lors du vote d’impeachment contre l’ancienne présidente Dilma Rousseff, Jair Bolsonaro a dédié son vote aux militaires qui ont torturé des centaines de civils. « Il ne faut pas oublier qu’au Brésil, les institutions judiciaires sont déjà fragilisées, l’exécutif est décrédibilisé, et le Congrès sera extrêmement polarisé », note Juliette Dumont. Le second tour de la présidentielle aura lieu le 28 octobre prochain.

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