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L’ambassadeur américain à Bruxelles appelle à faire front contre la Chine

Pour l’ambassadeur de Washington à Bruxelles, l’UE et les Etats Unis doivent surmonter leurs différends et lutter de consort contre l’ « agression économique » de la Chine. Ce dernier promet un « accord très ouvert » avec l’UE au terme de ce rapprochement. Cette main tendue indirectement par Trump cache une situation politique délicate pour ce dernier.

L’ambassadeur des Etats-Unis auprès de l’Union européenne, Gordon Sondland, nommé à son poste à la fin du mois de juin, a lancé un appel à ses homologues européens. D’après ce dernier, Washington et Bruxelles devraient surmonter leurs différends afin de faire front contre l’« agression économique » de la Chine. « Je vois de vraies opportunités pour que les relations transatlantiques deviennent une force qui limitera l’agression économique et les pratiques commerciales injustes de la Chine », explique-t-il dans une tribune publiée dans Politico Europe.

« Nous partageons tous un intérêt à ce que la Chine élargisse l’accès à son marché et élimine les pratiques commerciales injustes » insiste l’ancien magnat de l’hôtellerie. « Ensemble, nous pouvons insister pour que la Chine prenne les mesures nécessaires pour permettre à son économie de fonctionner de manière plus équitable ». Une position qui supposerait que les deux blocs s’accordent pour un abaissement des barrières commerciales pour lutter ensemble contre Pékin.

Sur fond de tensions majeures entre la Maison Blanche et les dirigeants des pays membres – guerre commerciale, retrait de l’accord iranien, soutien de Trump aux plus ardents des eurosceptiques, ses pressions répétées pour forcer les européens à augmenter leur budget militaire… – celui qui s’était engagé à « renforcer l’étroit partenariat entre l’UE et les Etats-Unis » a certainement eu fort à faire. Son engagement passe en effet pour un veux pieu compte de de l’unilatéralisme prôné par le Président américain, qui tire à boulets rouges sur Bruxelles depuis son arrivée au pouvoir.

En juillet dernier, sur la chaîne CBS, Donald Trump avait même qualifié l’Union européenne de « principal ennemi » des Etats Unis en matière commerciale. Une petite attention qui vient s’ajouter à la longue liste de doléances de Bruxelles et qui alimente les tensions grandissantes entre les deux alliés historiques. Seulement, Trump ne s’est pas uniquement lancé dans bras de fer avec l’UE. Il a également décidé d’en découdre avec la Chine, comme le suggère la tribune de M Sondland. Et pour l’instant, dans un conflit commercial comme dans l’autre, les choses n’ont pas vraiment tourné en sa faveur.

« Le véritable jackpot serait d’avoir un PIB combiné de 40 000 milliards de dollars pour faire bloc face à la croissance chinoise, au vol de propriété intellectuelle, aux activités illicites et à la militarisation en mer de Chine, bref, toutes ces choses que nous avons enjoint à la Chine de ne plus faire » plaide la tribune. Seulement, si l’Union européenne partage plusieurs critiques américaines à l’égard de la Chine, elle rejette cette approche unilatérale, préférant se tourner vers des institutions comme l’Organisation mondiale du Commerce ou l’ONU pour négocier.

« Le jour où nous aurons réglé nos différends avec l’Europe et que nous serons sur la même longueur d’ondes, nous pourrons agir de concert ; ce sera un moment fort. C’est ce que le président [Trump] attend », assure l’ambassadeur. Selon lui, les États-Unis seraient prêts à conclure « un accord très ouvert avec l’UE, sans droits de douane, sans entrave au libre-échange, sans subventions, dont la souplesse profiterait aux deux côtés ». Un changement de ton notable, qui souligne avec netteté que Washington a besoin de soutien européen, ses taxes n’ayant pas su faire plier Pékin.

En outre, Trump se trouve actuellement en difficulté politique aux Etats-Unis. Il dégringole dans les sondages alors que les scandales s’accumulent autour de lui et de son équipe. Or, une perte de sa majorité lui serait politiquement fatale. Aussi à l’approche des midterms (législatives de mi-mandat), il tente de battre le rappel, et de conforter son électorat en accumulant les victoires. Avec le réchauffement des relations avec la Corée du Nord, il a marqué un point – certes symbolique, mais suffisant pour les électeurs américains, pour la plupart peu au fait des subtilités de la diplomatie.

La réécriture de l’Alena (traité unissant les Etats Unis au Canada et au Mexique) en AÉUMC constitue elle aussi un signal positif pour son électorat. Trump s’était en effet engagé à le renégocier lors de sa campagne. Il convient toutefois de noter que là encore, le nouvel accord est très similaire à l’ancien, loin de la révolution annoncée par la Maison Blanche. La tentative américaine d’éliminer les mesures de protection des industries culturelles et médiatiques du Canada a, par exemple, échoué. En outre, les trois pays peuvent maintenant contester les droits antidumping et compensateurs de l’autre pays.

Sur sa lancée, Trump espère désormais cumuler un dernier trophée avant de se lancer dans les midterms : un accord renégocié avec Bruxelles. Seulement les européens, très remontés contre la politique de Washington, ne seront pas faciles à convaincre. Et ce d’autant que l’opinion publique européenne est assez défavorable aux Etats-Unis. Aussi, il est fort à parier que Bruxelles vende son soutien au prix fort. Reste à savoir quelles concessions Washington va mettre  sur la table, et si les négociations qui suivent aboutiront à temps pour le vote américain.

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