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Le Brexit divise les Tories

Theresa May espérait regrouper ses forces lors du congrès Tories en vue de la dernière ligne droite des négociations du Brexit. La grand-messe des conservateurs aura en définitive surtout montré au grand jour l’étendue de leurs divisions.

Le Parti conservateur britannique s’est réuni de lundi à mercredi 3 octobre à Birmingham pour son congrès annuel. La Première ministre Theresa May y a appelé ses troupes à l’unité pour réussir les négociations du Brexit. « Nous entrons dans la phase la plus difficile des négociations », a souligné la dirigeante. « Mais si nous restons unis et gardons notre calme, je sais que nous pouvons obtenir un accord satisfaisant pour le Royaume-Uni ».

Cette dernière défend mordicus le « plan de Chequers » – un accord proposé par le Royaume-Uni pour organiser la sortie de l’Union européenne. Elle avait même tenté de lancer un ultimatum, indiquant qu’il s’agissait de la dernière chance pour la négociation du Brexit. Si le texte était loin de faire l’unanimité dans son propre pays, il a été rejeté par les dirigeants européens, qui estiment certains points inacceptables.

Aussi, Theresa May va devoir lâcher du lest avant de revenir à la table des négociations lors du prochain sommet européen, qui débute le 18 octobre. Pour rappel, il est prévu que la sortie de Londres doit être finalisée par un accord définitif d’ici la mi-novembre au plus tard. Aussi, les quatre jours de congrès devaient la renforcer pour les négociations à venir et lui permettre de sonder sur quels dossiers son gouvernement pouvait reculer.

Au lieu de cela, le grand raout des Tories aura surtout souligné les divisions au sein du parti. Ce schisme a été souligné par l’offensive commune de l’eurosceptique Jacob Rees-Mogg, l’ex-ministre chargé du Brexit, David Davis, et l’ancien chef de la diplomatie britannique, Boris Johnson. Ils espèrent renverser Mme May et reprendre les rennes de la négociation. Leurs propositions semblent toutefois très incomplètes – et il est très peu probable que les 27 les valident.

Theresa May dispose actuellement d’une très courte majorité au Parlement grâce à l’appui du petit parti ultra-conservateur nord-irlandais DUP. Aussi a-t-elle besoin d’un soutien appuyé de sa coalition si elle veut que son plan de sortie soit validé. Entre les frondeurs et les menaces de la cheffe du DUP, Arlene Foster, rien n’est acquis, loin de là. Et ce d’autant qu’une des questions les plus épineuses du Brexit est le sort de l’Irlande du Nord et sa frontière avec la République d’Irlande.

Mme Foster a d’ores et déjà averti qu’ « il ne peut pas y avoir de frontière en mer d’Irlande, il ne peut pas y avoir de différentiel réglementaire entre l’Irlande du nord et le reste du Royaume-Uni », plaçant Mme May dans une position très inconfortable. A cela il faut ajouter l’opposition et une frange Torie qui appelle à un nouveau référendum – totalement exclu par Mme May. Aussi, le spectre du « no-deal » (une sortie de l’UE sans accord) est plus que jamais présent.

Ce climat de tension a fait émerger des désaccords entre le gouvernement et le patronat britannique – pourtant historiquement allié des conservateurs, qui ont défendu l’intérêt des marchés le milieu des affaires. Ces derniers craignent qu’un no-deal Brexit ne soit catastrophique pour l’économie du Royaume-Uni. Aussi, ils ont multiplié les appels au gouvernement, mais se sont heurtés aux plus eurosceptiques de la majorité.

Leurs inquiétudes semblent confirmées par un début de décrochage : le Brexit a déjà coûté entre 2 % et 3 % de PIB britannique d’après UBS. En outre, il couterait 500 millions de livres sterling par semaine – soit plus que l’économie de 350 millions de livres sterling par semaine promise par Boris Johnson pendant la campagne du référendum. Nombre des promesses des pro-brexit s’avèrent être fausses, ce qui tent la situation encore un peu plus.

Steve Baker, ancien secrétaire d’Etat chargé du Brexit, a ainsi estimé que le CBI [le principal groupe patronal britannique] « manipule » les anglais avec la peur du no-deal, et à ce titre est une « menace grave à la stabilité politique et à l’avenir économique du Royaume-Uni ». Le 24 juin dernier, Boris Johnson, avait, lui, esquivé une question sur les inquiétudes du patronat par un retentissant « fuck business ».

Pas très gentleman, Iain Duncan Smith, un ancien leader du Parti conservateur, avait quant à lui comparé l’attitude du CBI face à l’UE à la politique d’apaisement menée contre Adolf Hitler dans les années 1930. Ambiance.

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