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L’OCDE épingle vingt et un pays qui proposent des « passeports dorés »

L’OCDE a publié mardi sa « liste noire des passeports dorés » – qui proposent d’obtenir la nationalité contre d’importantes sommes d’argent – une pratique qui n’est pas sans conséquences en termes de fraude et de blanchiment d’argent.

L’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) a rendu publique, mardi 16 octobre, la liste noire des pays vendant des passeports ou des certificats de résidence dits « dorés ». Cette dernière cible les pays qui octroient la résidence ou la nationalité contre un investissement conséquent. Elle dénombre plus d’une centaine de pays (parmi eux, trois pays européens) dont les programmes « d’obtention de la résidence ou de la nationalité par l’investissement » engendrent de « hauts risques » d’être détournés de leur objet par des fraudeurs.

La pratique est née il y a 30 ans, dans les Caraïbes, à Saint Kitts et Nevis, faisant face à l’époque à une crise majeure du prix du sucre, et s’est depuis étendue à un nombre croissant de pays, en particulier ceux qui ont le plus souffert de la crise financière. Le résultats cette étude ne sont en effet pas réjouissants : « De plus en plus de juridictions offrent la résidence par l’investissement ou la nationalité par l’investissement », observe l’organisation dans sa note, en particulier dans des îles paradisiaques (Seychelles, Maurice, les Bahamas ou encore la Barbade).

La pratique existe à plusieurs niveaux – titre de séjour, nationalité – et recouvre une fourchette de prix qui peut varier de 100 000 à plusieurs millions de dollars. Le rapport se concentre sur 21 systèmes permettant un « taux d’imposition personnel faible sur le revenu provenant d’actifs étrangers » sans pour autant que le souscripteur n’ait besoin de « passer beaucoup de temps » sur le territoire où il effectue sa demande de résidence (on parle alors de « fast track ») voire une absence d’obligation de résidence.

La semaine dernière les ONG Transparency International et Global Witness ont récemment rappelé que ce commerce, parfaitement légal n’en est néanmoins pas moins sulfureux. Dans une étude conjointe,   elles critiquaient en effet « l’achat » d’une citoyenneté « au même titre que n’importe quel autre bien luxueux ». Le document mettait clairement en cause plusieurs nations, dont l’Espagne, la Hongrie, la Lituanie, le Portugal, le Royaume-Uni, Malte et Chypre. De tels titres permettent de fait à leur acquéreur, comme de pouvoir voyager sans visa en Europe ou aux Etats-Unis. Ils sont souvent utilisés afin d’échapper aux radars du fisc.

« La vente de passeports peut être destinée à contourner les règles internationales qui visaient à mettre fin au secret bancaire », déplorait à ce propos Pascal Saint-Amans, le directeur du centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE il y a quatre ans déjà. « Les efforts de la communauté internationale risquent d’être mis en échec par ce type de pratique. » « On ne sait absolument pas quels sont les bénéfices réels pour les États », précise Laurène Bounaud de Transparency France. « Il est plus certain que cela profite aux sociétés intermédiaires qui commercialisent ces passeports, qui sont souvent installées dans des paradis fiscaux » ajoute-t-elle.

Le rapport des deux ONG note que « le manque de contrôle, les pouvoirs discrétionnaires étendus et les conflits d’intérêt » ouvraient les portes de l’Europe « à la corruption ». A ce propos, la commissaire à la Justice, aux consommateurs et à l’égalité des genres Vera Jourova avait souligné « qu’en cas de doute, une personne ne devrait pas obtenir le privilège de la citoyenneté » européenne. Cette dernière avait par ailleurs critiqué le « Cyprus investment scheme » (qui permet d’obtenir la citoyenneté chypriote en échange d’investissements) avant d’annoncer une série de « recommandations » aux états membres disposant de « programmes de passeports dorés ».

Une mesure expérimentale a par l’OCDE ailleurs été testée en mars dernier : une « hot line » pour les lanceurs d’alerte souhaitant exposer les montages fiscaux permis par ces passeports dorés. Les retombées de cette initiative ont été jugées comme prometteuses par l’organisation. « On a reçu des présentations PowerPoint d’avocats fiscalistes qui jouent sur les deux tableaux », ironise à ce propos Pascal Saint-Amans, avant de conclure plus sérieusement : « Je ne comprends pas que l’Europe n’ait pas mis le doigt dessus plus tôt. »

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