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Présidentielles au Cameroun : Transparency International dénonce le déploiement de faux observateurs

Une polémique fait surface au lendemain de l’élection présidentielle camerounaise, alors que l’organisation Transparency International dément avoir envoyé des observateurs, contrairement à ce qu’a affirmé la télévision nationale.

Nouvelle controverse autour des présidentielles camerounaises. Après la revendication unilatérale de victoire par l’opposant Maurice Kamto dès le lendemain du vote – provoquant le courroux du président sortant, Paul Biya – c’est désormais l’identité des observateurs déployés sur le terrain qui fait débat. « Nous n’avons pas déployé d’observateurs au Cameroun dans le cadre de la présidentielle » s’est étonné Charles Nguini, président de la branche camerounaise de l’ONG Transparency International. L’avocat note que « ces personnes avaient reçu une formation pour utiliser la plateforme de dénonciation mise en place pour signaler des dysfonctionnements du scrutin. Mais elles ne travaillent pas pour Transparency et leur démarche ne correspond pas à nos méthodes »

Même son de cloche à la tête de l’organisation : il ne s’agit pas de leurs équipes. « Les personnes répertoriées dans le rapport n’ont aucune affiliation avec Transparency International », a déclaré Patricia Moreira, directrice générale de l’ONG basée à Berlin en Allemagne. « Nous n’avons pas envoyé de mission internationale d’observation des élections au Cameroun. Notre section locale au Cameroun a mis en place un mécanisme de rapport destiné au grand public et a travaillé avec un réseau de citoyens pour signaler les irrégularités éventuelles à la section. Cependant, aucune de ces activités ne fait partie d’une mission d’observation électorale officielle ».

Et pourtant, dans un reportage diffusé sur la télévision nationale CRTV, on voit bien une Américaine, qui se présente comme une responsable de l’ONG, et déclare que « le déroulement du dépouillement du scrutin est une véritable leçon de démocratie ». Le scrutin « a été d’une grande sérénité et d’une grande émancipation démocratique », ajoutait un individu nommé Raphaël Kalfon, qui s’est également présenté comme un observateur de l’ONG. Le ton était globalement dithyrambique. « J’ai trouvé la manière de faire d’Elecam [la Commission électorale camerounaise] très pédagogique. Il y avait des livrets dans chaque bureau… Il y avait vraiment des normes et des choses faites qui étaient très claires », insistait un autre prétendu observateur.

« Je m’étonne de l’ampleur que prend cette polémique », a réagi Charles Ndongo, le directeur de la CRT. Pour ce dernier, l’identité des observateurs n’est pas contestable. « Nous avons encore les rushs de cette conférence de presse qui montrent clairement cela » a-t-il affirmé. Pour autant Me Charles Nguini nie formellement les faits : « Je ne peux pas vous dire qui ils sont. (…) Nous avions mis sur pied une plateforme de dénonciation de la fraude électorale, dénommée Corruption No Sissia. Dans ce cadre, nous avons déployé une cinquantaine de volontaires dans trois régions pilotes. À côté de cela, nous avons formé d’autres organisations qui, elles, se sont chargées de former ces individus. Ces derniers sont donc venus derrière une autre organisation camerounaise ».

Certains observateurs apparaissant dans le reportage ont été retrouvés par la presse. Ils expliquent que l’affaire est une « mauvaise interprétation », et qu’ils « n’ont jamais prétendu être de Transparency International ». Pour l’ONG, cependant, il s’agit d’une « tentative délibérée d’usurper l’identité de Transparency International ou de sciemment décrire des individus non affiliés comme des employés du mécanisme de surveillance de la corruption [ce qui] est totalement inacceptable ». Celle-ci a déploré qu’« en période cruciale » toutes les parties n’aient pas agi « de manière responsable et intègre dans leurs communications autour de l‘élection et de ses résultats ».

Cette annonce n’a pas manqué de faire réagir l’opposition. Le porte-parole du candidat Maurice Kamto a réclamé l’ouverture d’une enquête publique ce mercredi. « En ce moment, vous devez savoir qu’il y a des opérations pour frauduleusement changer les résultats. Les fraudes se poursuivent à une échelle que vous n’imaginez pas. Nos tendances et les remontées que nous avons du terrain montrent très clairement le sens de la victoire », a-t-il avancé Olivier Nissack. Le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) estime que « l’écart ne peut plus être rattrapé par le président sortant ».

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