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Brexit : la débâcle continue

Alors que le gouvernement britannique peine à trouver une majorité pour soutenir son projet de Brexit, les mauvaises nouvelles s’accumulent – tant sur les conséquences du divorceque sur ses perspectives d’aboutir.

A cinq jours du vote sur le Chequers Plan – la proposition de Brexit négociée par Theresa May et l’Union européenne – au parlement Britannique, le « risque calculé » de la dirigeante est plus fragile que jamais. A mesure que la validation de ce texte semble de plus en plus relever du miracle, ses effets apparaissent comme étant beaucoup moins miraculeux. Une étude du think tank Changing Europe estime en effet que le divorce pourrait couter 5,5 % du PIB par habitant d’ici 2030. Une révision à la hausse des estimations de la London School of Economics, du King’s College et de l’Institute for Fiscal Studies, qui tablaient tous les trois sur près de 2%. Cet impact est principalement imputable à une réduction de l’immigration et aux nouveaux coûts de transaction engendrées par al sortie de l’union douanière.

Les experts mettent toutefois en garde contre un Brexit « sans accord », qui entraînerait un déclin encore plus important – entre 3,5% et 8,7% du PIB. « Le PIB n’est pas tout et des décisions comme celles du Brexit impliquent un certain nombre de compromis », font remarquer Anand Menon et Jonathan Portes, auteurs du rapport. « Nous pensons qu’il est important que le parlement et le pays tout entier fassent leurs choix sur la base des meilleures preuves disponibles. » La nouvelle estimation vient noircir l’horizon, alors qu’un rapport du National Institute of Economic and Social Research datant du 26 novembre dernier a établi que le Brexit coûtera au Royaume-Uni 115 milliards d’euros de plus par an que s’il était resté dans l’UE.

La paralysie induite par ce long et tortueux procédé – qui promet en outre des résultats incertains – commence elle aussi à se faire ressentir. Ce mardi, la Banque d’Angleterre (BoE) a ainsi mis en garde contre la délocalisation en Europe d’environ 4 000 emplois dans la banque et l’assurance d’ici à la date fixée pour le Brexit, fin mars prochain. Sam Woods, un gouverneur adjoint de la BoE, a par ailleurs estimé que d’autres emplois pourraient quitter le Royaume-Uni à partir du mois d’avril, selon les conditions du Brexit et la réaction des marchés. L’institution prédit aussi que le divorce provoquera une hausse massive du taux de chômage à 7,5%, tout comme l’inflation qui devrait atteindre 6,5%, tandis que les prix de l’immobilier plongeront de 30%.

Dans le même temps, les chances de voir l’accord si durement négocié par le gouvernement validé par la Chambre des communes se sont également amincies. Plus de 90 des 315 députés conservateurs ont pris position contre le Chaquers Plan, alors qu’il faudrait 320 votes pour qu’il passe. L’opposition, quand à elle, le rejette en bloc – même les DUP d’Irlande du Nord, qui fait pourtant partie de la coalition gouvernementale. Et ce désaveu n’est pas qu’une posture : mardi 4 décembre au soir, la majorité du parlement a reconnu le gouvernement coupable d’« outrage au Parlement » pour ne pas avoir rendu public l’intégralité de l’analyse juridique officielle de l’accord sur le Brexit.

Ces divisions au parlement sont le reflet d’une société britannique qui se déchire autour du Brexit. Une pétition en faveur d’un second référendum, portée par des députés de tous bords politiques (notamment le chef des libéraux-démocrates, Vince Cable, la codirigeante des Verts, Caroline Lucas, le député travailliste Chuka Umunna et Justine Greening, députée du Parti conservateur), a été remis au 10 Downing Street ce lundi. Elle compte plus d’un million de signatures. La perspective d’un nouveau vote semble ainsi émerger, malgré le refus catégorique de Mme May d’organiser un second scrutin.« Que vous ayez voté “Leave” or “Remain”, personne n’a voté pour cette pagaille », a commenté Chuka Umunna.

Un avis qui semble trouver des échos chez les plus ardents partisans du « Leave ». Ainsi, Nigel Farage, qui a dirigé le parti europhobe et anti-immigration Ukip pendant près de dix ans, a annoncé sa démission mardi soir. D’après lui, le Brexit proposé n’est pas celui que les anglais voulaient. « C’est le cœur lourd que je quitte l’Ukip. Ce n’est pas le parti du Brexit dont notre nation a cruellement besoin », a-t-il expliqué. « Les Partis conservateur et travailliste ayant ouvertement rompu leurs promesses sur le référendum et les élections législatives, l’Ukip devrait se situer haut dans les sondages. Je dois toutefois admettre avec regret que je pense maintenant que ce ne sera plus le cas ».

Autre mauvais présage pour les eurosceptiques : la Cour de Justice de l’Union européenne a estimé que Londres avait la possibilité de révoquer unilatéralement l’article 50, qui organise sa sortie de l’UE. D’après Manuel Campos Sanchez-Bordona, avocat général à la CJUE, « l’article 50 du traité sur l’Union européenne autorise la révocation unilatérale de cette notification (…) à condition que la révocation ait été décidée conformément aux exigences constitutionnelles des États membres ». En d’autres termes, le Royaume-Uni peut, de son propre chef, et sans contradicteur possible, choisir de mettre un terme au Brexit. Ce nouvel élément risque lui aussi d’affecter le débat en cours au parlement britannique.

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