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Le traitement-recyclage des combustibles usés : une stratégie française à préserver ?

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Au terme de neuf mois de consultation et de concertation, les conclusions de la PPE ont révélé, fin novembre 2018, la volonté de réduire à 50 % la part du nucléaire dans le mix électrique d’ici 2035. Si la fermeture de 14 réacteurs a été annoncée, quid de la stratégie de traitement et de recyclage ?

Pilier du modèle énergétique français avec plus de 70 % de l’électricité produite sur le territoire, le secteur du nucléaire était forcément au cœur des débats de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), dont les conclusions ont été présentées le 27 novembre par Emmanuel Macron. Dans cette feuille de route pour les dix prochaines années, le chef de l’État a réaffirmé le rôle majeur de l’atome dans la production d’une énergie décarbonée, fiable et à bas coût afin de se passer des énergies fossiles à l’horizon 2050. Source d’une électricité à 97 % sans carbone, le nucléaire permet en effet à la France d’émettre deux fois moins de C02 par habitant que l’Allemagne et de respecter l’objectif fixé en la matière par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) d’ici là … Si l’énergie atomique est retenue dans la quasi-totalité des scenarios imaginés par les experts du GIEC, le gouvernement français a néanmoins décidé de fermer 14 de ses 58 réacteurs pour atteindre 50 % du mix électrique national d’ici 2035. Cette mesure devrait prendre effet dès l’été 2020 avec l’arrêt des deux unités de Fessenheim, suivi de quatre à six autres avant 2030 et des six à huit restants à l’échéance 2035. Toutefois, le président français a rappelé que cette trajectoire pourrait être ajustée en fonction de la réduction des émissions de CO2 au niveau national, de l’évolution du prix de l’électricité et de la sécurité d’approvisionnement. Il n’a ainsi pas exclu la possibilité de construire de nouveaux réacteurs, même si cela n’interviendra pas avant 2021, selon lui. Autrement dit, compte tenu de la récente hausse des émissions de gaz à effet de serre dans le pays et du retard pris par le développement des énergies renouvelables, il se peut que le nucléaire occupe une place plus importante que prévu. « Le nucléaire est une part importante de notre avenir, confirme Philippe Knoche, directeur général d’Orano (ex-Areva). Si on regarde dans le monde, il y a 60 réacteurs en construction et cela permet de prévoir une augmentation de la production d’électricité nucléaire par rapport à celle des 400 réacteurs qui sont en fonctionnement aujourd’hui. Il y a aussi un avenir en termes de compétences, d’emploi. On recrute, et la filière en France c’est 220 000 emplois hautement qualifiés. »

Le traitement-recyclage, un processus efficace pour l’économie et l’environnement

Le maintien de l’atome dans la stratégie énergétique nationale s’explique notamment par le savoir-faire de l’industrie française en matière de traitement et de recyclage pour la gestion des combustibles usés. Grâce aux progrès réalisés depuis plus de 40 ans, 96 % de la matière – composée de 95 % d’uranium et d’1 % de plutonium – est aujourd’hui réutilisable pour fabriquer de nouveaux combustibles. La technologie développée depuis 1976 sur le site de la Hague (Manche) permet ainsi d’économiser 25 % d’uranium naturel dans la matière première, de sorte qu’1 gramme de plutonium (ou 100 grammes d’uranium) produit l’équivalent d’1 tonne de pétrole, d’1,5 tonne de charbon, de 2,5 tonnes de bois ou de 11 MWh d’électricité. Elle a également contribué à réduire par cinq fois le volume de déchets ultimes (4 % des combustibles usés), qui ne représentent plus que 5 grammes par habitant et par an, soit le poids d’une pièce d’1 euro. Leur toxicité a également été divisée par dix grâce à un processus de traitement efficace et maîtrisé. Une fois acheminés à la Hague, les combustibles usés sont plongés dans une piscine isolée pour une durée de cinq ans afin de baisser en température et en radioactivité. Après ce long séjour, les composants sont séparés. Les matières non-recyclables sont alors conditionnés pour être stockées dans des espaces dédiés, tandis que le plutonium et l’uranium sont purifiés pour être réutilisés sous forme de mélange d’oxyde appelé MOX. Assemblé sur le site de Melox (Gard) également géré par Orano, ce nouveau combustible, qui peut ensuite être réenrichi, permet de produire 10 % de l’électricité issue de l’énergie nucléaire et d’alimenter 7 % des ménages français. Des proportions qui devraient même doubler, voire tripler, à l’avenir, à en croire Orano. « Le recyclage du combustible nucléaire contribue donc, dans une certaine mesure, à la préservation de l’environnement », analyse Pascal Aubret, directeur du site de la Hague. Pas étonnant, dès lors, que le gouvernement ait décidé de poursuivre la méthode déjà en place pour la gestion des combustibles usés.

L’avenir du traitement-recyclage français

« La stratégie de traitement-recyclage du combustible nucléaire sera préservée sur la période de la Programmation pluriannuelle de l’énergie et au-delà, jusqu’à l’horizon des années 2040 », a assuré le ministère de la Transition écologique et solidaire. À l’heure de la lutte contre le changement climatique, l’énergie nucléaire fait partie des instruments pour décarboner le modèle énergétique mondial, contrairement à l’image encore largement présente dans l’opinion publique. « Le nucléaire est une énergie d’avenir qui doit rester compétitive et sûre en continuant de traiter ses déchets et d’en réduire le volume, prédit Philippe Knoche. Face au dérèglement climatique, en opposant nucléaire et renouvelable, en refusant les solutions existantes au motif de leurs défauts hypothétiques, nous courons le risque de nous tromper d’enjeu. » Pour palier la fermeture annoncée de plusieurs réacteurs et donc la baisse d’approvisionnement à venir en combustibles usés français, Orano a prévu de continuer à investir dans ses usines de recyclage, de conversion et d’enrichissement à hauteur de 300 millions d’euros par an. Rien qu’à la Hague, le numéro un mondial du recyclage des matières nucléaires et de fabrication du MOX a déjà traité 23 605 tonnes provenant des centrales françaises, mais aussi 5 482 tonnes venant d’Allemagne, 2 944 tonnes du Japon, 771 tonnes de Suisse, 673 tonnes de Belgique, 418 tonnes des Pays-Bas et 193 tonnes d’Italie. Pour rester leader, le groupe français entend également poursuivre ses innovations dans les nouveaux types de combustibles, comme étendre la technologie MOX (pour l’instant limitée aux réacteurs de 900 MW) aux réacteurs de 1 300 MW. De quoi garder une longueur d’avance sur une concurrence désormais mondiale.

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