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L’entreprise de télécoms Huawei accusée d’espionnage pour la Chine

Malgré de bonnes performances, le géant des télécoms chinois Huawei est pris dans une accumulation de scandales autours de suspicions d’espionnage, ce qui pourrait faire dérailler son entrée sur le marché européen.

Rien ne semblait pouvoir stopper le constructeur de mobiles chinois Huawei Technologies. Porté par une percée qualitative et par les achats « patriotiques » des chinois sur fond de guerre commerciale avec les Etats-Unis, la compagnie de télécoms a encore une fois connu une année de vaches grasses avec une croissance spectaculaire de 40,9 %. Le cabinet TrendForce rapporte ainsi que le groupe a accru ses livraisons de smartphones de 30% en 2018, et ce un marché mondial en baisse de 3,3%. Il aurait écoulé pas moins de 205 millions d’unités en 2018.

Et le géant chinois ne s’arrêterait pas là : en 2019, année où le marché mondial devrait décroître d’environ 5%, Huawei devrait encore augmenter ses ventes de 16%, pour atteindre 225 millions – soit plus qu’Apple (211 millions), même si le coréen Samsung Electronics garderait une confortable première place (293 millions). Pour y parvenir, l’entreprise chinoise comptait sur un positionnement agressif sur le marché mondial de la 5G, notamment en Europe. C’était en tout cas les prévisions avant que le groupe ne soit rattrapé par deux scandales.

 

Une dangereuse escalade avec le Canada

On le sait, en Chine les affaires économiques ne sont jamais vraiment séparées des affaires d’état. Aussi, quand le Canada a procédé, le 1er décembre dernier, à l’interpellation de Meng Wanzhou, la directrice financière et numéro 2 du géant des télécoms, le dossier promettait de prendre des proportions diplomatiques sans précédent. Cette dernière n’est nulle autre que la fille de Ren Zhengfei, créateur de la marque Huawei et ancien ingénieur militaire de l’armée chinoise. Elle est soupçonnée d’avoir monté un réseau afin de contourner les sanctions américaines contre l’Iran.

La riposte n’a pas tardé : deux ressortissants canadiens – un ex-diplomate, Michael Kovrig, et un consultant qui traitait notamment avec la Corée du Nord, Michael Spavor – ont été arrêtés. Depuis Pékin a procédé à l’arrestation d’un total 13 citoyens canadiens. Faute de rétraction canadienne, et alors que la haute cadre allait être extradée aux Etats-Unis, Pékin a joué son va-tout : Robert Lloyd Schellenberg, un canadien de 36 ans, a été condamné lundi à la peine de mort en Chine à l’issue d’un nouveau procès pour trafic de drogue. Il était détenu depuis 2014, pour avoir tenté d’envoyer quelques 222 kilos de méthamphétamine vers l’Australie.

 

Des suspicions d’espionnage

Si l’affaire est un vrai casse-tête diplomatique, elle risque de sérieusement écorner l’image de Huawei au moment même où le groupe se lance à l’assaut des marché occidentaux. Plusieurs pays ont ainsi décidé de restreindre l’accès de l’entreprise à leurs marchés – notamment les États-Unis, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Ces derniers avancent des motifs de « sécurité nationale ». Huawei est en effet accusé laisser Pékin espionner ses télécommunications à l’étranger. Aussi, le Canada, le Japon et la Corée du Sud ont aussi pris leurs distances avec le constructeur.

En Europe, l’opérateur national Deutsche Telekom a décidé de « réévaluer sa stratégie d’achats » envers Huawei. De même, Orange ne fera pas appel à Huawei en France, au motif qu’il est « normal » d’avoir « les mêmes exigences en matière de sécurité » qu’avec les autres opérateurs. Certains pays ont également conditionné le renouveau des licences du groupe à l’obtention de « nouveaux éléments » et de « justifications » de la part de Huawei. On peut citer le Royaume-Uni, l’Italie, l’Allemagne, la Belgique, la Norvège ou encore la France.

 

La licence de Huawei menacée sur le marché européen

La situation de Huawei s’est encore davantage fragilisée sur le marché européen après l’arrestation de son directeur des ventes, Wang Weijing. Les services de contrespionnage polonais (ABW) ont appréhendé le cadre, ainsi qu’un ancien agent polonais de l’agence de sécurité intérieure la semaine dernière. Il leur est reproché d’avoir travaillé avec les services spéciaux chinois. « L’agence de sécurité intérieure a lancé des actes de procédures et des perquisitions en lien avec ces activités ont été menées dans de nombreux endroits », a précisé le vice-ministre à la coordination des services spéciaux.

Ne bénéficiant d’aucune immunité diplomatique, le directeur de Huawei sera détenu pendant un minimum de trois mois. En outre, le ministre polonais de l’Intérieur Joachim Brudzinski a appelé les pays membres de l’Union européenne exclure de Huawei de leurs marchés respectifs. Tout en précisant vouloir conserver de « bonnes relations avec la Chine, qui soient intensives et attrayantes pour les deux parties », le ministre polonais a appelé les institutions européennes et ontaniques à se saisir promptement de la question.

« Huawei se conforme à toutes les lois et réglementations en vigueur dans les pays où elle opère, et nous exigeons que chaque employé respecte les lois et réglementations en vigueur dans les pays où il est basé », s’est défendu la direction du groupe. Du côté chinois on parle de pressions américaines pour freiner la croissance de leur compagnie prodige. Qu’il s’agisse de protectionnisme déguisé ou non, cette affaire vient couper l’herbe sous le pied du géant de la tech chinois au moment où il caracole en tête de son secteur, et juste avant le lancement du réseau 5G en Europe.

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