Site icon La Revue Internationale

Présidentielle en RDC : que cache le report de l’annonce des résultats ?

L’annonce des résultats de la présidentielle du 30 décembre dernier a été reportée d’une semaine alors que les spéculations sur un maintien du régime par al force vont bon train.

Les résultats de la présidentielle en République démocratique du Congo (RDC) devaient être révélés par la Commission électorale indépendante (Céni) dimanche 6 janvier au plus tard. Depuis ? Silence radio – littéralement. Internet et RFI ont été coupés dans un pays sous tension. Le dépouillement n’avait atteint que 53% des suffrages au moment de l’annonce, d’après le président de la Céni, Corneille Nangaa.

Ce vote pour désigner le successeur du président Joseph Kabila, que la constitution congolaise empêche de briguer un troisième mandat – bien qu’il soit resté plus de 18 and au pouvoir – oppose trois candidats principaux : le dauphin de M. Kabila, Emmanuel Ramazani Shadary, le fils du ténor de l’opposition, Félix Tshisekedi et l’ancien chef d’entreprise, Martin Fayulu. Il pourrait marquer la première transition démocratique dans le pays.

« Nous n’avons pas pu organiser d’observation internationale réelle, donc ni de l’UE, ni des Etats-Unis, ni de l’ONU. Il y a un peu d’observation de l’Union africaine, mais il y a surtout eu de l’observation interne de la CENCO, la conférence des évêques » déplorait le Ministre des Affaires étrangères belge, Didier Reynders. « Aujourd’hui, avec des milliers d’observateurs, la CENCO est manifestement déjà capable de donner l’orientation du résultat parce que les écarts sont très importants » a-t-il renchérit.

Pour nombre d’observateurs, ce report atteste de la mise en danger du clan Kabila au pouvoir depuis 1997. Soulignons toutefois qu’il est difficile d’avoir de la visibilité sur la situation tant toute communication autre que celle de la Céni semble muselée. Un ras le bol croissant s’était toutefois fait ressentir à l’égard du pouvoir à mesure que ses manœuvres pour rester à la tête du pays se sont toutefois faites de plus en plus évidentes ces dernières années.

De plus, la quasi-unanimité des quelques personnes mobilisées sur le terrain afin de surveiller la bonne tenue du scrutin, a estimé qu’il avait été entaché de graves irrégularités, notamment l’interdiction d’accès ou expulsion des observateurs des bureaux de vote. En outre, il fait suite à une série de tergiversations dans l’organisation de nouvelles présidentielles – elles ont été reportées depuis plus de deux ans et auraient initialement dû avoir lieu en novembre 2016.

Cela il faut ajouter une série d’interdictions pour plusieurs candidats de se présenter – dont l’opposant Moïse Katumbi, exilé en Belgique – et l’interdiction à des citoyens de pouvoir voter dans plusieurs villes. Toutes ces manœuvres attestent d’une véritable volonté du régime de se maintenir à la tête du pays – et font craindre une explosion de violences en cas d’usurpation de ce scrutin. Au lendemain des élections de 2006 et de 2011, déjà, le régime s’était préservé sur fond de controverse démocratique.

La Conférence épiscopale congolaise a d’ailleurs renvoyé M. Shadary à sa « responsabilité » en cas de « soulèvement de la population » s’il n’annonce pas des résultats « conformes à la vérité des urnes ». Grâce à quelques 40.000 observateurs déployés dans des bureaux de vote un peu partout dans le pays, elle affirme déjà connaitre le nom du vainqueur – par une large majorité. Ces mises en garde impliquent clairement qu’il ne s’agirait pas de Shadary. Les mêmes sources semblent indiquer que ce serait Fayulu qui serait le grand gagnent de ce vote.

Les doutes sur les intentions du pouvoir, qui contrôle plus ou moins inconditionnellement la Céni, ont atteint un nouveau niveau à l’annonce du report. Dans une correspondance adressée au Congrès américain, Donald Trump a indiqué qu’il avait déployé des troupes au Gabon, pays voisin, en prévision d’éventuelles violences. Cette manœuvre vise à mettre Shadary sous pression au cas où il comptait s’appuyer sur l’armée pour s’imposer par la force.

Une transition sans violence serait un exemple encourageant pour la RDC et ses voisins d’Afrique centrale, où les alternances démocratiques sont très rares. Pour autant, le nouveau dirigeant devra encore composer avec un Joseph Kabila très influent, puisque la Constitution lui réserve un siège de sénateur à vie et qu’une grande partie de l’administration lui est encore fidèle. Une particularité qui promet de créer d’importantes tensions même si la passation de pouvoirs était réglée sans violence.

Quitter la version mobile