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Grosse brouille entre Israël et les populistes européens

La Pologne a annulé sa participation à un sommet des pays d’Europe centrale (groupe de Visegrad) prévu aujourd’hui en Israël après une brouille sur le rôle des Polonais dans l’Holocauste. Une brouille qui montre les limites des rapprochements entre régimes nationalistes, assez rapidement divisés par des priorités contradictoires.

Ce mardi, Jérusalem devait accueillir les représentants du groupe de Visegrad (Hongrie, Pologne, République Tchèque et Slovaquie) pour un sommet traitant de question géopolitiques – en particulier de l’Union européenne envers qui tous les participants partagent des griefs. Aussi, cette initiative d’un nouveau type suscitait de fortes attentes des deux côtés. Elle aurait également fait taire les critiques du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu, qui le disent de plus en plus isolé sur la scène internationale. La rencontre a toutefois été annulée lundi, sur fond de tensions autour du rôle des Polonais dans l’Holocauste.

« Nous avons été confrontés à une déclaration honteuse du nouveau ministre des Affaires étrangères d’Israël, et dans ce contexte toute participation de représentants de l’Etat polonais au sommet du V4 en Israël devient un très gros point d’interrogation » s’est indigné Varsovie, après une sortie du ministre israélien des Affaires étrangères, Israel Katz, avait déclaré la veille à la chaîne internationale basée en Israël i24 News que « de nombreux Polonais avaient collaboré avec les Nazis ».  Quelques heures plus tard, le premier ministre tchèque, Andrej Babis, a annoncé que le sommet n’aurait pas lieu. La Pologne envisagerait même de rappeler son ambassadeur en Israël.

Si la déclaration de M Katz a mis le feu aux poudres, les tensions entre les deus pays remontent en réalité au vote par la majorité ultraconservatrice en janvier 2018 d’une loi polonaise controversée. Ce texte pénalisait l’attribution des exactions commises durant la seconde guerre mondiale à la nation ou à l’Etat polonais. Pour le Parti Paix et Justice (PiS, ultraconservateurs) au pouvoir, en Pologne on trouve des victimes mais pas de bourreaux. Après une première vague d’indignation, en Israël amis aussi à Bruxelles, le gouvernement polonais avait toutefois entamé une marche arrière partielle. Un député de la majorité avait alors accusé son gouvernement de « ramper devant les milieux juifs ».

 

Le symptôme d’une crise plus profonde

L’abandon de cette rencontre est un revers important pour Israël. Depuis deux ans, M Netanyahu opérait en effet un rapprochement avec les frondeurs de l’UE – en particulier le groupe de Visegrad. Ils partagent en effet un certain penchant pour l’autoritarisme et font de la défense des frontières ainsi que l’ethnonationalisme des priorités nationales. Aussi, ces 4 pays sont moins regardants sur le durcissement de la politique d’Israël que les dirigeants libéraux de l’Europe occidentale.

Or, ces derniers dictent largement la politique internationale de l’UE – par exemple un retour au paramètres traditionnels de résolution du conflit avec les Palestiniens, le refus de reconnaitre Jérusalem comme capitale israélienne ou encore la rapprochement avec l’Iran.  Aussi, s’adressant au V4, M Netanyahu espérait briser le consensus européen. En amont de cette rencontre, le Premier ministre israélien avait d’ailleurs évoqué parmi les sujets à l’ordre du jour son projet « d’avancer sur les intérêt commun [autour] d’une guerre avec l’Iran ».

Après une première passe d’armes causée par la réaffirmation de la collaboration de certains polonais par Benyamin Netanyahu lui-même, ce dernier a essayé d’apaiser la colère de Varsovie pendant trois jours – prétextant même une mauvaise traduction. Les choses semblaient sur le point de se débloquer jusqu’à une sortie impromptue de son nouveau ministre des Affaires étrangères :« les Polonais ont été nourris à l’antisémitisme au sein de leur mère », lançait Israël Katz. Plus question pour Vasrsovie de faire le déplacement après une telle déclaration.

 

 

Les limites de l’ambiguïté politique de Netanyahu

L’abandon de ce sommet – censé renforcer le Premier ministre israélien – le laisse dans une position encore plus fragile, alors que les législatives se rapprochent dangereusement. Il en ressort encore davantage isolé. Mais cette crise le met surtout dans l’embarras en montrant les limites de sa politique de complaisance vis-à-vis de l’ultradroite européenne. Une position qui faisait écho à la progressive dérive à droite de son parti, le Likoud, de plus en plus proche des ultrareligieux israéliens.

Alors qu’il a bâti son succès sur une image d’homme fort et téméraire (tant en matière de politique internationale que d’économie), il est aujourd’hui contesté au sein de sa propre mouvance politique – par la droite, qui plus est. Israël Katz, ministre par intérim des Affaires étrangères, est en effet pressenti comme son potentiel successeur à la tête du Likoud. Son attaque semble indiquer qu’il souhaite pousser Netanyahu vers la sortie.

Ce faisant, il répond à une attente d’une partie de la droite religieuse israélienne, qui a perdu patience devant les bravades antisémites de nombre d’élus des partis avec lesquels leur dirigeant a choisi de s’allier. Le pragmatisme de M Netanyahu semblerait en effet en train de se retourner contre lui. Et les révisions douteuses de l’histoire polonaise ne sont pas le seul point de contention. Près de 3 000 néonazis à Budapest ont pu défiler en toute impunité, le 9 février dernier. La rhétorique du dirigeant Hongrois, Viktor Orbán, est elle-même à la limite de l’antisémitisme – en particulier ses attaques contre le milliardaire philanthrope George Soros, décrié comme un « maître des marionnettes » juif qui manipule les politiques occidentales. Cet allié fait mauvais genre en Israël.

La ligne « illibérale » de ces deux états en faisait des candidats utiles pour tenter de diviser l’UE. Mais ces trois gouvernements se retrouvent aujourd’hui pris en otage par les franges les plus réactionnaires de leurs camps respectifs. Ces derniers refusent de voir les bénéfices politiques d’un rapprochement avec Israël, contraire à leurs valeurs les plus fondamentales. Et ce faisant, ils rappellent des limites importantes qui pénalisent les mouvements politiques nationalistes souhaitant opérer un rapprochement international : à l’heure des comptes, ça sera toujours la politique du « me first », ce qui revient rapidement à opposer un pays contre l’autre.

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