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Retour des jihadistes et déchéance de nationalité

Une citoyenne britannique partie rejoindre Daech en 2015, actuellement détenue dans le camp de réfugiés dans le nord-est de la Syrie, a été déchue de sa nationalité. Une première qui n’est pas sans poser la question du devenir des citoyens apatrides.

Shamima Begum, une jeune femme de 19 ans née dans l’est de Londres, a été la première citoyenne britannique à être déchue de sa nationalité dans le sillage du démantèlement de l’Etat islamique. Une loi permet en effet de priver un citoyen de sa nationalité pour protéger « l’intérêt général » du pays. Cette mesure pose toutefois une restriction à cet outil radical : la décision ne doit pas rendre un citoyen apatride, en vertu de la convention de New York du 30 août 1961.

Actuellement détenue dans le camp de réfugiés d’Al-Hol, dans le nord-est de la Syrie avec son troisième enfant – les deux premiers sont décédés de maladie et malnutrition – cette dernière s’est dite « sous le choc ». Shamima Begum dénonce une injustice, en particulier pour son fils survivant. Cette décision a été prise pour assurer « la sécurité du Royaume-Uni et de sa population » assure pour sa part le gouvernement de Theresa May.

Pour motiver cette procédure, le ministère des Affaires étrangères explique que l’intéressée a toujours refusé d’exprimer des regrets quant à son départ – elle a une notamment maintenu que l’attentat de Manchester de mai 2017, qui avait coûté la vie à, 22 personnes, comme une mesure de « représailles » aux frappes de la coalition occidentale en Syrie. Sa famille a annoncé examiner « toutes les voies légales pour contester cette décision ».

 

Le casse-tête des citoyens apatrides

De fait, les deux options qu’ont les états pour leurs ressortissants djihadistes est d’interdire leur retour pour des questions de sécurité, ou de les laisser revenir pour les traduire en justice. Mais dans cas, la procédure pose certains problèmes, notamment celle de la future terre d’accueil pour la jeune femme. Née en Angleterre, cette dernière vient d’une famille d’origine bangladaise. Aussi, pour Londres, il revient au Bangladesh de l’accueillir au terme de son emprisonnement en Syrie.

Une option inacceptable pour le ministre des affaires étrangères du Bangladesh, Shahriar Alam. Ce dernier a catégoriquement exclu d’accueillir l’ex-djihadiste. « Shamima Begum n’est pas une citoyenne bangladaise », a expliqué M. Alam. « Elle est une citoyenne britannique de naissance et n’a jamais demandé la double nationalité avec le Bangladesh. Il n’est pas question qu’elle soit autorisée à entrer au Bangladesh ». Une position qui laisse peu d’option à Mme Begum, dont les autorités syriennes libres ne veulent plus avoir la charge.

Elle a en effet été arrêtée par les Forces démocratiques syriennes (FDS) aux côtés de son mari. Et c’est via ce dernier, originaire des Pays-Bas, qu’une solution pourrait venir. Aussi, Shamima Begum serait en train de réfléchir à demander la nationalité néerlandaise. Mais là encore, si elle se décidait à suivre son époux qui rentre pour être emprisonné, elle risque de faire face à un refus catégorique des autorités néerlandaises, pas ravies à l’idée d’accueillir les enfants perdus d’Angleterre.

 

Pas de solution miracle

Aussi, cet exemple illustre bien le casse-tête de la déchéance de citoyenneté non-multinationaux. Un enjeu qui prend de l’ampleur à mesure que Daech agonise lentement dans l’est syrien et que les autorités locales veulent se décharger au plus vite de la responsabilité des nombreuses familles des combattants tombés ou capturés. Mais les suspicions sont d’autant plus élevées concernant ceux et celles accompagné l’EI jusque dans ses derniers retranchements.

Plusieurs textes intransigeants, organisant une déchéance automatique pour citoyens partis rejoindre l’EI ont été adoptés, puis rapidement remis en cause. En janvier de cette année, la Cour constitutionnelle autrichienne a jugé illégal un programme de déchéance de nationalité visant les naturalisés autrichiens d’origine turque. Une procédure similaire devrait bientôt aboutir en Australie. Aussi, la décision du gouvernement britannique pourrait lui aussi connaitre le même sort.

En juillet dernier, un rapport du Sénat préconisait un recours plus régulier à la déchéance de nationalité pour les binationaux coupables d’actes de terrorisme. Ce document listait 44 détenus pour faits de terrorisme islamiste potentiellement concernés à ce jour (auxquels il faut ajouter quelques 90 détenus de nationalité étrangère pour des chefs similaires). Ce rapport ne fait en revanche aucune mention des non-multinationaux – et pour cause.

La France a donc, après avoir un temps tergiversé, choisi d’organiser leur retour pour les traduire en justice. Elle a toutefois précisé que le procédé se ferait « au cas par cas » – comprendre, ne reviendront que ceux qui ne peuvent être envoyés ailleurs. Même son de cloche en Allemagne – quitte à provoquer une levée de boucliers an sein de l’opinion publique.

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