Trump a finalement botté en touche sur la construction de son mur frontalier après 35 jours de shutdown. S’il a tenté de minimiser, il s’agit bien d’un revers conséquent pour le Président américain.
Donald Trump a finalement signé un accord mettant temporairement fin au shutdown le plus long de l’histoire des Etats-Unis (35 jours). Pour mettre un terme à la paralysie de l’administration nationale du pays et reprendre le financement des services publics fédéraux, le Président américain a été contraint d’abandonner – au moins un temps – la construction du fameux mur qu’il veut ériger à la frontière avec le Mexique (5,7 Mds$). L’impasse sur le budget privait en effet quelques 800 000 fonctionnaires fédéraux de salaire. La situation est désormais débloquée jusqu’au 15 février prochain, où il faudra s’accorder sur un budget définitif.
Cet accord ne met toutefois pas fin au désaccord entre le Président Républicain et l’opposition Démocrate sur le financement du mur anti-migrants. Il sera pour Trump bien délicat d’abandonner sa promesse de campagne la plus emblématique (on entendait encore ses électeurs scander spontanément son slogan « Buid that wall ! » dans les derniers rallies). Elle se heurte cependant de plein fouet aux admonestations de l’opposition, redevenue majoritaire dans une des deux chambres du Parlement. Celle-ci est en ordre de bataille derrière Nancy Pelosi, la nouvelle présidente de la Chambre des représentants, celle qui a su tordre le bras à Trump.
Trump sanctionné par l’opinion publique
« Il est triste qu’il ait fallu aussi longtemps pour parvenir à une conclusion évidente », se délectait-elle au lendemain de la signature de l’accord. Et pour cause : la victoire est totale. La majorité des Américains tiennent Donald Trump pour responsable du blocage (n’avait-il pas « assumé » sa volonté de se lancer dans ce bras de fer à la télévision ?). Or, un sondage de la chaîne conservatrice Fox News révèle en effet que 75 % des personnes interrogées considéraient le shutdown comme « un problème majeur ». Aussi, devant la pression croissante de l’opinion publique, le camp républicain risquait fort de se fracturer s’il gardait le cap plus longtemps.
Le mécontentement des américains est parfaitement illustré par le plaidoyer du responsable des garde-côtes américains, Karl Schultz, qui estimait « inacceptable que des hommes et des femmes [les fonctionnaires privés de revenus par le shutdown] se tournent vers les banques alimentaires et les dons pour vivre au quotidien ». La paralysie des institutions aura par ailleurs coûté 11 milliards de dollars aux Etats-Unis, en raison de la baisse de l’activité économique dans le pays, d’après les services du budget du Congrès (CBO). A cette coquette somme, il faut ajouter « les effets sur les travailleurs et les entreprises individuelles devraient être encore plus importants ».
Sauver la face
Au moment de la signature de l’accord, Trump s’est dit « très fier » d’être parvenu « à un accord pour mettre fin au shutdown ». Et le soulagement devait être réel. Le lendemain, toutefois, il faisait volte-face sur Twitter, afin de préparer le terrain pour la reprise des négociations lundi prochain. Il faut en effet désormais parvenir à un budget définitif d’ici mi-février. « Seuls les idiots, ou ceux qui ont un agenda politique, ne veulent pas du mur ou d’une barrière en acier, pour protéger notre pays contre le crime, la drogue et le trafic d’êtres humains. Nous y arriverons ! » a-t-il tempêté. Trump a promis que le mur sortirait de terre « d’une façon ou d’une autre », avant de poursuivre :« j’utiliserai les pouvoirs qui me sont conférés pour répondre à cette urgence ».
Ces bravades ont des airs de méthode Coué. De fait, le recul – si temporaire soit-il – de Trump l’a mis dans une position de faiblesse. Il ne dispose pas de réels arguments ou de moyens de pression pour faire céder les Démocrates d’ici à la fin de l’échéance. Restent donc les poses, une sorte de fuite en avant pour récupérer les faveurs de la base conservatrice dure, qui se rallie cor et cris derrière slogan de campagne « Make America Great Again », et qui vit très mal cette déroute. La polémiste ultraconservatrice Ann Coulter, un des soutiens les plus indéfectibles de Trump, a ainsi accusé le président d’être une « mauviette » après la signature de l’accord. A cette base, il faut vite donner un os à ronger.
La lassitude des indépendants
Mais l’obsession de Trump – et de certains électeurs américains – pour ce mur pourrait bien s’avérer contreproductive. Un récent sondage de l’agence de presse AP a montré que seulement 35 % est convaincu que le mur renforcerait la sécurité des Etats-Unis – soit environs un tiers. Des résultats qui nous rappellent que si on simplifie souvent la scène politique américaine à un bi-partisanisme forcené, chacun des partis ne dispose en réalité que d’une base stable d’environs un tiers d’électeurs. Ceux qui restent se revendiquent comme des « indépendant » et sont le précieuse manne électorale qu’il faut convaincre pour l’emporter.
Or un peu plus de 60% des américains sont mécontents de la politique de l’administration Républicaine, si on en croit le dernier sondage réalisé par la chaine de télévision NBC et le Wall Street Journal. Signe que Trump perd du terrain chez les indépendants. Une base dont il ne pourra se passer s’il veut garder la présidence – rappelons qu’il a été élu avec 46,1% de suffrages (3 millions de voies de moins qu’Hillary), grâce au système des grands électeurs. Une situation fragile qui ne lui permet pas de chute de popularité trop marquée.
Le Président des riches ?
En résistant au raz de marrée Démocrate que certains espéraient lors de élections de mi-mandat (midterms), Trump s’était imposé comme un candidat solide pour la présidentielle de 2020. Il tenait bon malgré une politique très marquée à droite et les scandales à répétition. Mais il est probable que la Bérézina du shutdown soit finalement l’affaire qui ait plus durablement endommagé son image et son statut de meneur chez les Républicains. Il porte en effet désormais les stigmates de ce bras de fer absurde pour un mur dont la majorité des américains se désintéresse.
Ayant fait de la menace migratoire sa ligne politique principale pour les midterms – et plus largement sa réélection – Trump s’est enfermé dans cette posture d’ « homme du mur ». Et plus il la tient, plus il apparait comme un milliardaire déconnecté, qui prive 800 000 fonctionnaires de salaire pour une histoire d’égo – alors même qu’une majorité d’entre eux vit sur la corde raide, d’un salaire à l’autre. Sa ligne politique est d’affirmer que le bien des plus favorisés était déterminant pour la bonne santé économique des Etats-Unis. Mais sa nouvelle image lui vaudra toutes les peines du monde pour faire passer la pilule auprès des électeurs les moins favorisés.