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Brexit : May sur la sellette

La Première ministre britannique, Teresa May, se rendait à Bruxelles en fin de semaine dernière afin de demander un report du Brexit au 30 juin prochain – et ce alors même qu’elle avait toujours exclu de repousser la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Initialement prévu pour le 29 mars prochain, le divorce est en effet toujours paralysé faute d’accord au Parlement britannique sur la démarche à suivre. Mais pour les 27, pas question d’accepter une nouvelle échéance qui interfèrerait avec les élections européennes à venir (qui commencent le 23 mai prochain) déjà marquées par des divisions de fond sur l’avenir du projet européen.

 

Un besoin de clarifications

En l’état, les Etats membres ont accepté de repousser le Brexit au 22 mai, tout en posant comme condition que l’accord de Theresa May soit ratifié par les élus britanniques d’ici au 12 avril. Ce faisant, l’UE refuse une nouvelle fois, de porter la responsabilité d’un divorce trop désordonné. Si le plan de Chequers est une nouvelle fois débouté – il a déjà été rejeté à deux reprises par la Chambre des Communes, et la dirigeante britannique jouait la montre pour tenter de surfer sur la peur d’une sortie sans accord pour le passer de force en dernière minute – le Parlement devra choisir quelle voie suivre.

Il faut que le sort du Royaume-Uni soit en effet réglé avant que les européens retournent aux urnes – et particulier la question du maintien des britanniques au sein du Parlement européen. Les élus britanniques devront, si le deal de Mme May échoue à nouveau, voter pour spécifier si le pays compte participer aux élections européennes. En cas de vote positif, il faudra compter sur un report long du Brexit, éventuellement jusqu’à la fin 2020. En cas de vote négatif, ce sera sur un « no deal » qu’il faudra compter. Cette solution laisse May dans une très mauvaise posture, puisqu’elle serait de facto écartée du jeu en cas de nouvel échec – un échec qui est aujourd’hui plus que probable.

 

Le Parlement à la manœuvre

Si l’UE place ainsi la dirigeante britannique sur la sellette c’est qu’elle est largement perçue comme responsable de la paralysie du processus du Brexit. En outre pas, elle a admis devant les autres dirigeants européens ne pas avoir de plan B en cas de rejet de son accord. Tout jute comptait elle sur sa batterie habituelle de menaces contradictoires pour ramener le troupeau à la bergerie : la peur du « no deal » pour l’opposition, la tenue d’élections anticipées pour les récalcitrants de la majorité ou encore la révocation pure et simple du Brexit

Dans son propre pays, Mme May est très contestée – en particulier depuis son discours très critique du parlement la semaine dernière. Le Sunday Times révélait ainsi ce weekend qu’au moins onze de ses ministres conspiraient pour la pousser à la démission. Si ses opposants étaient jusqu’alors trop divisés pour parvenir à la désarçonner, les nouvelles conditions proposées par Bruxelles pourraient bien contribuer à la formation d’une alliance de fortune pour permettre son départ. Mais il sera en revanche plus délicat de trouver une majorité pour soutenir une initiative positive.

 

Deux pays irréconciliables ?

Tendant d’anticiper sa mise à la porte, un groupe de hard-Brexiters comprenant Boris Johnson, escorté de Jacob Rees-Mogg, David Davis et Dominic Raab est allé lui proposer de voter pour son deal à condition qu’elle démissionne en amont. Mme May a toutefois refusé. En face, renforcé par les résultats des dernières enquêtes d’opinion qui donnent 54 % l’opinion défavorable au Brexit, les remainers ont montré les muscles : un million de manifestants à Londres, et une pétition appelant à un nouveau référendum regroupant 5 millions et demi de signatures en quelques jours (2 000 signatures enregistrées chaque minute).

Les deux camps semblent aujourd’hui irréconciliables – chacun s’estimant trahi. Ces divisions profondes rappellent un autre enjeu souvent ignoré dans la question du Brexit : celle de la potentielle dislocation du Royaume-Uni. L’Irlande du nord et l’Ecosse ont en effet très largement voté contre le Brexit, et leur volonté de rester pourrait mener à des velléités indépendantistes faute de nouveau référendum. Rappelons à ce propos que l’apaisement des relations entre le Royaume-Uni et l’Irlande a justement été rendu possible grâce à leur adhésion commune à l’Union européenne. Une page de l’histoire des deux pays que Londres semble avoir oublié.

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