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Début d’année difficile pour Jair Bolsonaro

Deux mois après la prise de fonction du nouveau Président brésilien, Jair Bolsonaro, le monde observe cet ancien militaire, partisan des « escadrons de la mort », avec attention. Porté au pouvoir avec 55,13 % des voix par une vague importante populiste, réponse à la corruption endémique, à la hausse de la violence et au spectaculaire déclin de Parti des Travailleurs, Jair Bolsonaro avait porté de remettre le pays sur le droit chemin. Il doit cependant déjà faire face à une succession de couacs d’affaires mêlant son entourage, qui entachent son image d’homme incorruptible et font douter les marchés.

 

Faux départ pour Bolsonaro ?

Tout a commencé avec une première démission – celle de Gustavo Bebianno, l’un des principaux ministres du gouvernement brésilien, sur fond de financement sulfureux du parti du Président. L’ex-dirigeant du Parti social libéral (PSL, extrême droite) aurait en effet mis sur pied un réseau de candidatures fantômes lors de la campagne pour toucher plus de subventions publiques. Le ministre du secrétariat général de la présidence a depuis été limogé au motif de « différences de points de vue » sur « des questions importantes ».

Jair Bolsonaro doit désormais faire face à aux accusations de détournement de fonds et de blanchiment d’argent visant son fils, Flávio. Déjà critiqué pour sa nomination au poste de futur sénateur fédéral – l’opposition crie au népotisme – ce dernier est désormais dans le collimateur du Conseil de Contrôle des activités financières. Ce dernier a découvert des mouvements d’argent suspects sur le compte de Fabricio José de Queiroz, son assistant personnel entre 2016 et 2017 – 287 000 euros, une somme largement supérieure à ses revenus.

Pour Bolsonaro, cette affaire est une entreprise purement politique, sans fondement et, à ce titre, est hors sujet. Pas question de lui donner du crédit. Il s’en est d’ailleurs personnellement pris à la journaliste Constança Rezende, du journal O Estado, l’un des principaux quotidiens du pays. Pour lui, elle se cache derrière des manœuvre pour « faire tomber » son gouvernement grâce à une enquête à charge. Sur twitter, il a dénoncé « des chantages, de la désinformation et des fuites » confirmant que pour lui, avec la presse la meilleure défense reste bien l’attaque.

 

Volontarisme et provocations

Malgré les turbulences, Bolsonaro avance – à l’image de sa réforme du permis du port d’armes, élargissant largement les conditions d’achat d’une arme à feu pour défendre son domicile. Il s’attèle désormais à la délicate création d’un système de retraites par capitalisation, pierre angulaire de son projet d’assainissement des finances publiques. « Aujourd’hui, les retraites représentent près de la moitié des dépenses publiques, et cette part ne fait que croître (…) il n’y a plus d’argent pour investir », note à ce propos Fidelis Fantin, du bureau d’analyse budgétaire de la Chambre des députés.

Pourtant, sa réforme ultra-libérale ne convainc pas tout le monde, et le chef d’état tâtonne, piétine. L’armée, son grand soutien, grogne (la réforme affecte en premier lieu le secteur publique). Il sait par ailleurs qu’il aura bien du mal à la faire approuver par le Congrès, où il ne dispose que de 52 sièges de députés (sur 513), et doit à se titre compter sur toute sa coalition. Des difficultés sont également à prévoir pour sa réforme du système de justice, encore plus impopulaire – elle élargit notamment le cadre du recours à la violence pour les forces de l’ordre.

Aussi, comme pour agiter un foulard rouge et détourner l’attention, Bolsonaro s’est fendu d’un tweet sulfureux ce weekend. Le Président a en effet partagé la vidéo d’un homme urinant sur un autre dans le cadre des festivités entourant le carnaval. « Il faut que la vérité soit exposée pour que la population en prenne connaissance et puisse définir ses priorités » expliquait-il. Une justification qui ne convainc pas, même chez ses soutiens. L’idée d’un président puritain qui partage des vidéos pornographiques y fait tâche.  Aussi, la diversion s’ajoute désormais à la liste des problèmes pour Bolsonaro.

 

Un soutien qui commence à s’étioler

De fait, Bolsonaro a été vivement critiqué lors des carnavals de cette année. Aussi, sa réponse semble avant tout personnelle – et c’est peut-être pour ça que la pilule ne passe pas, alors que ce tweet est assez cohérant avec la stratégie qu’il a suivie lors de la campagne. Ce premier faux pas n’est pas sans risque pour l’ancien militaire. La loi brésilienne dispose en effet que le Président doit agir d’une manière incompatible avec la dignité, l’honneur et le décorum du bureau. En conséquence, le hashtag #ImpeachementBolsonaro a été l’un des plus utilisés sur Twitter mercredi 6 mars.

Dans le même temps, le pays a publié des indicateurs économiques plus faibles qu’espérés sur le début d’année (indice de confiance, production industrielle, PIB…). Et ce au moment même où sa lune de miel avec les marchés tourne au vinaigre – la bourse de Sao Polo après avoir connu un sommet historique juste en dessous de 100.000 points, a finalement reflué pour avoisiner les 95.000 points. S’il en faudrait beaucoup plus pour que l’homme fort du Brésil rende les armes, son image s’en retrouve durablement écornée, alors même qu’il a besoin de réunir ses soutiens pour avancer.

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