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Le clan Bouteflika plus que jamais isolé

Sous pression de l’armée et lâché par le Rassemblement national démocratique, le Président algérien Abdelaziz Bouteflika et ses proches sont très isolés. En face, le mouvement social qui demande un changement de régime en Algérie ne faiblit pas.

La rumeur qui circule au sein des ambassades dit que l’état de santé du Président algérien est au plus bas. Abdelaziz Bouteflika est portant rentré à la mi-mars après deux semaines en Suisse pour des « examens médicaux périodiques ». S’il peinait à récupérer après l’accident vasculaire cérébral de 2013, qui l’a laissé cloué à une chaise roulante et pratiquement incapable de s’exprimer, le long plus d’un mois à une contestation sans précédent contre sa candidature à un 5e n’aura certainement pas aidé.

Face à la colère de la rue, les alliés du dirigeant commencent à déserter les uns après les autres. Première déconvenue, mardi 26 mars, le chef d’état-major de l’armée algérienne, le général Ahmed Gaïd Salah, figure clé du cercle rapproché du Président qui exerce le pouvoir en Algérie, a proposé l’application de l’article 102 de la Constitution. Ce texte prévoit un intérim en cas d’incapacité du Président à assumer ses fonctions « pour cause de maladie grave et durable ».

Une rupture entre l’armée et le régime

« Il devient nécessaire, voire impératif, d’adopter une solution pour sortir de la crise, qui répond aux revendications légitimes du peuple algérien, et qui garantit le respect des dispositions de la Constitution et le maintien de la souveraineté de l’État », a déclaré le général. Le coup est d’autant plus dur qu’il était connu sous le surnom du « fidèle ». Salah avait été placé à son poste en 2004 par Bouteflika en personne. Sa demande marque une rupture nette entre l’armée et le clan présidentiel.

La procédure exposée dans cet article est initiée par le Conseil constitutionnel – il refuse pour l’heure d’obtempérer. Elle donne le pouvoir au Parlement, à la majorité des deux tiers, de constater un « état d’empêchement » du Président. Alors, le président du Conseil de la nation (chambre haute), prend l’intérim pour une durée maximale de quarante-cinq jours, puis, des élections sont organisées après 90 jours si l’état de santé du chef d’état ne s’améliore pas.

Comme pour enfoncer le clou, le Rassemblement national démocratique (RND), principal parti allié du Front de libération nationale (FLN) d’Abdelaziz Bouteflika, a lui aussi définitivement tourné le dos au dirigeant le lendemain de cette annonce. Ainsi, le secrétaire général, l’ex-Premier ministre Ahmed Ouyahia, récemment limogé pour tenter de calmer la rue, « recommande la démission du président de la République (…) dans le but de faciliter la période de transition ».

Sauve qui peut

Si l’éloignement de Salah du clan Bouteflika risque bien de s’avérer fatal au régime, qui tentait de se maintenir au travers d’une transition pour le moins suspecte, il n’est pas certain que cela soit suffisant pour le mettre à l’abri de la disgrâce dont fait l’objet la classe dirigeante algérienne. Cette dernière, trop occupée à préserver les intérêts acquis, a clairement « surestimé la patience du peuple », comme le soulignait justement l’historienne Karima Dirèche. Or, Salah est considéré comme un acteur central de ce « système », justement visé par la contestation.

Force est de constater que la contestation ne faiblit pas, malgré les promesses de transition du pouvoir. Aussi, si le régime tombe, il est probable que SAlah tombe avec. Certains estiment cependant qu’avec cette annonce, l’armée essaie de gagner du temps pour mieux organiser la récupération – de fait, elle n’a jamais été politiquement neutre. Pour d’autres, l’armée, qui ne se limite pas à l’état-major, veut accompagner la transition. Elle semble en effet la seule institution à pouvoir rester debout au terme de ce tumulte, et il en faudra bien une pour assurer la continuité de l’état, et éviter de renouer avec le chaos qu’avait connu l’Algérie en 1992.

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