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Série noire pour Justin Trudeau

Tout semblait sourire au charismatique Premier ministre canadien, Justin Trudeau. Le leader cool, et dynamique avait façonné son image politique sur Barack Obama – une influence si criante qu’elle en flirtait avec le mimétisme – et avait s’était lancé en politique en pleine fière du « yes we can ». Rien ne semblait lui résister – surtout pas l’opposition conservatrice. Après trois ans de pouvoir, Trudeau est toutefois mis à mal par une série d’échecs et de couacs diplomatiques (avec la Russie, l’Inde et la Chine, la baisse de l’aide au développement en Afrique, la vente d’armes à l’Arabie saoudite…).

A l’approche des élections fédérales d’octobre, Justin Trudeau avait tenté de corriger le tier après l’été, notamment en affichant clairement son opposition à Donald Trump. Sa politique internationale plus volontariste lui avait valu un léger retour en grâce, mais il a rapidement été confronté à une une accusation comportement sexuel inapproprié il y a 18 ans, lors d’un festival de musique à Creston en Colombie-Britannique. Une affaire d’ingérence dans une procédure judiciaire a également fait surface le mois dernier, endommageant encore davantage son image soignée.

 

Scandales à répétition

Connu pour sa communication bien huilée (rappelons-nous de la diplomation de la chaussette), le « wonderboy » canadien se voulait un exemple de vertu et de progressisme. En attestent ses engagements pour la parité et sa politique de tolérance zéro concernant les agressions sexuelles. Un positionnement politique qui vient le hanter alors qu’il est accusé d’avoir « peloté » la journaliste Rose Knight en 2000 dans un article non signé du journal local Creston Valley Advance. L’accusation, qui n’était pas à l’origine de la victime, lui avait valu le stigmate de « faux féministe », et avait provoqué une nouvelle chute de sa popularité.

Déjà fragilisé par les critiques sa politique internationale, attaqué pour manque de substance et sa communication à outrance, il doit désormais faire face à une menace beaucoup plus sérieuse. L’entourage de Trudeau aurait proféré des pressions et des menaces « voilées » sur l’ancienne ministre canadienne de la justice, Jody Wilson-Raybould. Celle-ci aurait été pressurisée dans le cadre de la procédure judiciaire contre le géant canadien SNC-Lavalin. Ce dernier est poursuivi pour « corruption d’agents publics étrangers » et « fraude » en Libye. La société d’ingénierie aurait versé 32 millions d’euros en pots-de-vin à l’entourage de Kadhafi en échange de contrats entre 2001 et 2011.

Le Premier ministre et son équipe aurait alors demandé à Mme Wilson-Raybould d’intervenir auprès du Service des poursuites pénales afin d’obtenir un « accord de poursuite suspendue » – une violation du principe constitutionnel de l’indépendance du procureur général. Ces révélations ont été suivies de la démission de l’intéressé, rapidement suivie par le principal conseiller de Justin Trudeau, Gerald Butts. La Ministre du budget, Jane Philpott, a depuis elle aussi claqué la porte expliquant ne « plus avoir confiance dans la façon dont le gouvernement avait géré la crise » SNC-Lavalin.

 

Une crise du Parti libéral canadien

Avec cette accumulation déshonorable, le rapport de confiance entre Trudeau et ses électeurs semble être sérieusement fragilisé. En outre la mauvaise gestion par le gouvernement de la perte de deux figures de proue du parti libéral, dont l’une des premiers autochtones à la tête d’un ministère majeur et l’autre est largement considérée comme extrêmement compétente, a été calamiteuse. « Pourquoi le premier ministre dit-il aux Canadiens que nous devrions croire toutes les femmes, sauf celles qui l’accusent » ? accusait la députée conservatrice Michelle Rempel.

« Soit le premier ministre a un problème avec les femmes, soit les femmes sont simplement plus braves et ont plus de principes que les autres membres du caucus, soit la manière dont la politique est pratiquée sous le gouvernement Trudeau laisse certaines des femmes qui se sont présentées pour lui profondément désillusionnée » analysait pour sa part la chroniqueuse Christie Blatchford dans le National Post.  Les effets de ces crises à répétition en se sont pas fait attendre : pour la première fois, l’opposition est créditée de près de dix points d’avance dans les intentions de vote (40% contre 31%).

Au-delà de la popularité de Trudeau lui-même, c’est l’image du parti tout entier qui part à veau l’eau, tant il en était devenu l’incarnation. Le chef de file conservateur Andrew Scheer a d’ailleurs réclamé la démission du premier ministre « en disgrâce » à la tête d’un « gouvernement en plein chaos ». En retour, Trudeau dénonce « la politique de division » de ses adversaires, sans prendre le problème à bras le corps. Ce faisant, il porte lui-même un coup dur à la marque « Trudeau », qui dispose d’à peine sept mois pour se réinventer avant les prochaines élections.

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