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La vente de Rafale à l’Inde vire au scandale politique

De nouvelles révélations éclaboussent le redressement fiscal d’une entreprise française appartenant à l’homme d’affaires indien Anil Ambani. L’affaire concerne plus précisément une entreprise française, Reliance Flag Atlantic France, appartenant au groupe Reliance Communications. Ce conglomérat actif dans les télécommunications, les médias, la santé, l’énergie, la finance, la construction et la distribution, est dirigé par nul autre qu’Ambani.

En 2015, l’entreprise, déjà financièrement fragile, devait ainsi s’acquitter d’un montant global de 151 millions d’euros auprès du fisc français du fait de deux redressements fiscaux. Elle était en effet accusée de fraudes lors de certains achats auprès d’autres sociétés du même groupe. De fait, l’importance de cette dette fiscale menaçait sa solvabilité.

Il ressort d’une enquête menée par le Monde que cette dernière s’en soit sortie la même année, grâce à un paiement de quelques 7,6 millions d’euros à Bercy, soit une économie de 143,7 millions. L’enquête précise également que le litige a été réglé au moment même où l’Inde et la France négociaient la vente des trente-six avions de combat – une négociation au sein de laquelle Ambani a joué un rôle central d’après un mail interne de la compagnie aérienne européenne Airbus ayant fuité dans la presse indienne.

La connexion Dassault

A l’annonce de cette affaire, le groupe Reliance a démenti « tout favoritisme » à propos de ce contentieux fiscal, réglé par un accord « dans le cadre légal accessible à toutes les entreprises opérant en France ». Pourtant, l’administration fiscale avait refusé un tel traitement en 2013, avant de l’accepter en 2015. Une période lors de laquelle Ambani a rencontré plusieurs conseillers du ministre de la Défense de l’époque, Jean-Yves Le Drian.

Les suspicions entourant ce juteux contrat viennent de deux points différents. Le groupe Reliance est en effet le partenaire industriel indien du constructeur français du Rafale, Dassault, avec qui il forme une coentreprise. Ce lien qui pose des questions sur son choix, assez contre-intuitif. L’Inde possède en effet déjà un constructeur aéronautique national, Hindustan Aeronautics (HAL), mais ce dernier n’a pas été retenu pour honorer la part indienne du contrat.

« Nous n’avons pas eu le choix, nous avons pris l’interlocuteur qui nous a été donné », assure pourtant Dassault. L’administration fiscale a pour sa part indiqué « ne pouvoir donner d’informations sur un dossier en particulier sans contrevenir à loi » – une réponse qui n’écarte en rien les suspicions qui pèsent déjà sur le dossier, bien au contraire. Ainsi, pour de nombreux observateurs, Bercy aurait pu faire l’objet de pressions soit de l’Elysée, soit du ministère des finances publiques ou encore du ministère de l’économie, pour étouffer l’affaire.

Un scandale aux conséquences politiques

L’exhumation de ce dossier tombe assez mal pour le Premier ministre Narendra Modi, dont Ambani est un proche – il a récemment rappelé son soutien au dirigeant nationaliste hindou et populiste, qu’il a appelé le « leader des leaders, le roi des rois ». Aussi, l’opposition accuse M Modi d’avoir joué le rôle « d’intermédiaire » pour son ami. Et cette affaire vient ternir son image alors même que le pays entre dans une période d’élections législatives.

Le leader du Parti du Congrès dans l’opposition, Rahul Gandhi, et le porte-parole du Parti du Congrès, Randeep Singh Surjewala l’accusent désormais ouvertement de faits de « corruption ». « Alors que ce gouvernement refuse d’effacer les dettes des paysans et des étudiants qui sont dans une condition déplorable et se suicident, il facilite l’effacement des dettes pour les grandes entreprises », a réagi D. Raja, un autre ténor de l’opposition.

Réagissant à ces attaques, le ministère indien de la défense indien a dénoncé « une tentative de désinformation entièrement, tendancieuse, malveillante et inexacte ». Une prise de position qui lui a valu d’être accusé d’être devenu le « porte-parole officiel des grandes entreprises » indiennes. Il n’aura donc pas su blanchir Modi. La position du Premier ministre sortant n’est pas non plus renforcée par son refus de voir la cour suprême indienne ouvrir une enquête sur ce dossier. Et il est fort à parier que cette succession de couacs ait des conséquences dans les urnes.

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