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L’Inde fait une entrée (un peu ratée) dans la cour des puissances militaires spatiales

La semaine dernière, Dehli faisait son entrée dans le (très exclusif) club des puissances militaires capables de s’en prendre à des satellites. De fait, l’Inde est devenue le quatrième pays à réussir cette prouesse technologique, après les Etats-Unis, la Chine et la Russie. Le test du premier missile antisatellite indien, réalisé par l’agence de recherche militaire indienne, la DRDO, portant le nom de « Mission Shakti » (« force », en hindi) visait un ancien satellite hors d’usage situé à une distance de 300 kilomètres (orbite basse).

Ce « moment de fierté » comme l’a décrit le Premier ministre Narendra Modi n’aura cependant pas ravi l’administrateur de la Nasa, Jim Bridenstine. Ce type de tirs créé en effet des milliers de débris coincés en orbite autour de la Terre. Ces derniers tournant à une très grande vitesse, ce qui en fait des menaces pour les autres objets en orbite. Le seul essai historique mené par la Chine, en 2007, avait ainsi créé à lui seul plus de 3 000 débris. Pour Washington, ce type de tests fait peser un risque de collision à la Station spatiale internationale.

« Des gens aiment tester délibérément des capacités anti-satellites et créent des champs de débris orbitaux dont nous devons aujourd’hui gérer les conséquences. Et ce sont ces mêmes pays qui viennent ensuite nous voir pour la surveillance de l’espace, à cause des débris qu’ils ont eux-mêmes créés » a fustigé M Bridenstine. Selon Analytical Graphics, une entreprise spécialisée dans le suivi des objets spatiaux, au moins fragments 24 sont à une altitude et d’une taille suffisantes pour endommager la Station spatiale internationale. Les risques de collision ont ainsi augmenté de 44% en dix jours.

Faites ce que je dis, pas ce que je fais

Dehli a répondu en minimisant et en assurant que le risque allait se dissiper avec le temps. Les déchets spatiaux seront attirés par la gravité terrestre et devraient donc se désagréger dans l’atmosphère en quelques semaines, assure-t-on. En outre, malgré le caractère purement militaire de l’opération, Narendra Modi, a démenti vouloir « créer une atmosphère de guerre ». Il s’agit pourtant bien un acte de militarisation de l’espace, ce que n’a pas manqué de souligner le ministre américain de la Défense par intérim, Patrick Shanahan. « Nous vivons tous dans l’espace. N’y mettons pas le bazar » a-t-il protesté.

Une position pacifiste qui dénote avec les appels répétés de Donald Trump à la création d’une « Force spatiale » (Space Force). Il a ainsi demandé au Pentagone de rédiger un projet de loi pour créer cette force, qui serait dotée de capacités offensives et défensives. De fait, l’armée américaine s’appuie largement sur lavantage technologique procuré par sa domination spatiale (250.000 systèmes militaires américains dépendent du GPS). Aussi, le discours de Washington sur l’espace s’apparente à un « faites ce que je dis, pas ce que je fais » – un positionnement qui rappelle le monopole nucléaire que Washington essaie de conserver.

Un durcissement des tensions avec le Pakistan

« L’Inde n’a aucune intention de se lancer dans une course aux armements dans l’espace », a toutefois répondu New Delhi. « Nous avons toujours soutenu que l’espace devait être utilisé uniquement à des fins pacifiques ». Un double discours qui mimique celui de la Maison blanche avant l’élection de Donald Trump. L’opération n’a toutefois rien fait pour passer inaperçue à deux semaines du début des élections législatives en Inde. Cette démonstration de force a d’ailleurs été dénoncée comme étant de la propagande électorale par l’opposition.

Pour Modi il était en effet important de réaffirmer son leadership, sur fond de remontée des tensions avec le Pakistan, pour le mettre à l’abri des critiques. C’est maintenant chose faite. Ce tir « n’est pas tant sur la destruction de satellites qu’une démonstration de la capacité à frapper en haute altitude, une compétence clé pour s’améliorer dans nombre de domaines – dont la défense contre des missiles balistiques nucléaires », analyse ainsi Ankit Panda de la Fédération des scientifiques américains. Les deux voisins et ennemis sont en effet tous deux dotés de l’arme nucléaire.

Il s’agit pour l’Inde, déjà militairement supérieure de bomber le torse après avoir perdu deux avions en février. M Modi, fidèle à sa rhétorique nationaliste-hindouiste, a même fait un parallèle entre ce test et le bombardement de camps de terroristes pakistanais par l’aviation indienne en février dernier. Il affirme que l’Inde peut se targuer d’une hégémonie sur Terre, dans les airs, et maintenant dans l’espace. Islamabad n’a d’ailleurs pas manqué de réagir en comparant le gouvernement indien à Don Quichotte chargeant des moulins – preuve que le principal intéressé à reçu le message.

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