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Autriche : Kurz annonce des législatives anticipées en septembre

Le Chancelier autrichien Sebastian Kurz (ÖVP) a annoncé ce samedi des législatives anticipées au déut du mois de septembre. Il répond ainsi aux appels du président autrichien, Alexander van der Bellen, qui a plaidé, dimanche ; pour la tenue d’un tel vote « au plus vite » alors que la coalition au pouvoir vole en éclats. Heinz-Christian Strache, parton du FPÖ (extrême droite) a en effet été contraint de démissionner sous pression de la majorité, après la diffusion d’une sidérante vidéo tournée secrètement dans une villa d’Ibiza en juillet 2017.

On y voit le dirigeant ultranationaliste et un de ses lieutenants, Johann Gudenus, en pleine palabre avec la prétendue nièce d’un oligarque russe. Strache s’engage à lui fournir de juteux contrats d’État, en échange de dons illégaux en faveur du parti de la liberté d’Autriche (FPÖ). Lors de ces échanges, il est également question du rachat du principal quotidien autrichien, le Krone Zeitung, et de la privatisation de la radio-télévision publique ORF, afin de remodeler la sphère médiatique autrichienne « comme l’a fait Orban en Hongrie ».

M. Strache et M. Kurz avaient formé en décembre 2017 un gouvernement de coalition, pour un mandat de cinq ans. La droite autrichienne a en effet à 5 reprises depuis 1983 formé des alliances avec l’extrême droite – bien que ces alliances n’aient guère dépassé les trois ans. Confronté à des présomptions « lourdes » « d’abus de pouvoir » contre son partenaire, Kurz a demandé la démission du numéro deux de son gouvernement, provoquant également son départ de la direction du FPÖ, parti dont il tenait les rênes depuis le départ du sulfureux Jörg Haider.

La fin de la collation ÖVP-FPÖ

L’affaire aurait pu en rester là, mais le Chancelier autrichien a également demandé le départ de Herbert Kickl, tête pensante du FPÖ. Ce dernier était à la tête du ministère de l’intérieur – une position délicate à occuper alors qu’une enquête s’ouvre sur les écarts de son chef de parti. « Il est clair que M. Kickl ne peut pas enquêter sur lui-même » a estimé lapidairement Sebastian Kurz, après avoir retardé plusieurs fois sa prise de parole devant la presse. Selon les médias autrichiens, le jeune chancelier conservateur aurait un temps cherché à négocier le maintien de son gouvernement de coalition.

Le FPÖ a annoncé en fin de journée retirer les 6 ministre qui prenaient part au gouvernement. Plus que « l’Ibiza-gate », c’est le départ de Kickl qui – semble-t-il – a été la goutte d’eau. Il était toutefois demandé par une partie conséquente de l’opinion publique, mais aussi de l’administration. Le Ministre s’est en effet retrouvé au centre de nombreuses polémiques. Il a notamment provoqué un scandale national en faisant perquisitionner, dès son entré en fonction, le siège des services de sécurité intérieure (BVT) afin d’y faire saisir des documents sensibles pour son parti.

Après quelques 516 jours de gouvernance commune, M. Kurz avait déjà eu bien des couleuvres à avaler Dérapages xénophobes, proximité avec la mouvance identitaire, détournement de l’appareil d’état à des fins partisanes… Les motifs de brouille avec le FPÖ étaient déjà nombreux. Aussi, avec ce schisme, il reprend une tactique employée par son prédécesseur Wolfgang Schüssel (2000-2007), qui s’était lui aussi séparé du FPÖ et avait convoqué en 2002 des législatives anticipées emportées haut la main en captant l’électorat déçu par l’extrême droite.

L’extrême droite dans l’embarras

L’affaire clôt une jeune relation – un an et demi à peine – entre le jeune et dynamique chancelier autrichien et les ultranationalistes. Cette alliance était pourtant pressentie chez les populistes comme celle qui écarterait le tabou encore bien ancré en Europe d’un rapprochement avec leurs formations. Beaucoup espéraient un inversement de popularité similaire à ce qui s’est passé en Italie – où la Ligue du Nord de Salvini, au départ minoritaire dans la coalition, a su prendre la pole position au Mouvement 5 étoiles, plombé par une absence d’identité réelle et d’expérience politique.

Sous l’effet de « l’Ibiza-gate », c’est en réalité l’inverse qui s’est produit. Un premier sondage publié lundi, fait état d’un recul du FPÖ de 5 points dans les intentions de vote (18%) tandis que le parti conservateur de Sebastian Kurz a lui progressé, pour atteindre 38%. Un coup dur pour le camp ultranationaliste, qui espérait une poussée aux élections du 26 mai avec l’ambition de devenir la troisième force du Parlement européen. Un pari impossible si le FPÖ, un temps l’incarnation de la réussite de l’extrême droite sur le continent, s’effondre.

En outre, la crise politique autrichienne aura gâché le grand raout organisé dimanche à Milan par Salvini, mais aussi le FPÖ. Il fragilise aussi le dirigeant populiste hongrois Viktor Orban, qui perd l’un de ses plus fidèles soutiens au sein du PPE. Le chef de file des conservateurs européens, l’Allemand Manfred Weber, qui cherche déjà à évincer Orban de sa formation, a dit tirer une « leçon claire » de cette affaire : « il ne faut donner à ces radicaux aucune influence sur notre Europe ». Qu’elle ait des conséquences ou non sur le maintien d’Orban, elle creuse en tout cas un fossé de plus entre la droite et l’extrême droite à la veille d’un vote crucial.

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