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G7 Environnement, un symptôme de la paralysie du modèle multilatéral

Le G7 Environnement s’est tenu à Metz les 5 et 6 mai derniers avec pour toile de fond la publication d’un rapport alarmant de la Plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques de l’ONU (IPBES, sorte de « Giec » de l’environnement) sur l’avenir de la diversité biologique de notre planète. « La nature décline globalement à un rythme sans précédent dans l’histoire humaine et le taux d’extinction des espèces s’accélère, provoquant dès à présent des effets graves sur les populations humaines du monde entier », alerte le document.

Aussi, la France, qui prend la présidence du G7 en 2019, voulait une résolution à la hauteur des enjeux. A l’issue du sommet, les parties présentes – nommément la France, l’Allemagne, le Canada, les Etats-Unis, l’Italie, le Japon, le Royaume-Uni et l’Union Européenne – ont signé la charte de Metz pour la biodiversité. Ce texte confirme l’engagement de ces pays à lutter contre l’érosion de la biodiversité au travers un certain nombre d’actions « concrètes ». A eux se sont ajoutés le Chili, les îles Fidji, le Gabon, le Mexique, le Niger et la Norvège, qui soutiennent également l’initiative.

Un rendez-vous manqué

Si, comme d’usage, toutes les parties se sont félicitées de ce texte, pour beaucoup, le texte est loin d’être à la hauteur des attentes suscitées par le rapport de l’IPBES. De fait, les Etats-Unis ont refusé de s’associer au paragraphe 25 « sur le fait de rehausser notre ambition en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre ». Washington a, en outre, réitéré son intention de se retirer de l’Accord de Paris sur le climat. Plus largement, c’est l’administration Trump qui a bloqué les palabres jusqu’à obtenir que ce texte ne soit pas contraignant.

Aussi, pour beaucoup, la charte de Metz pour la biodiversité se résume à une déclaration de bonnes intentions sans réelle substance. A l’heure où l’IPBES appelle à un changement complet de système – notamment l’abandon du seul PIB comme mesure de la performance d’un pays, ce texte se contente de rappeler la nécessité d’ « accélérer et intensifier nos efforts pour mettre fin à la perte de biodiversité », « encourager l’engagement d’autres acteurs », notamment le secteur privé, et « soutenir l’élaboration et la mise en œuvre d’un cadre mondial de la biodiversité pour l’après 2020 ».

« Ces déclarations d’intention étaient indispensables, mais font l’impasse sur des enjeux clés, comme celui de la fin des subventions aux énergies fossiles » a réagi Lucie Dufour de Réseau action climat. Pour Clément Sénéchal, chargé de campagne politiques climatiques et forêts à Greenpeace France, « les solutions sont connues : mettre un terme à la déforestation, sanctuariser 30 % des zones de haute mer d’ici à 2030, diviser par deux la consommation mondiale de viande et de produits laitiers d’ici à 2050. Pour parvenir à ces résultats, il faut cesser de subventionner les secteurs toxiques et réguler drastiquement les acteurs économiques et financiers ». On en est donc loins.

Quel multilatéralisme dans un monde en repli vers le nationalisme ?

Cela n’est un secret pour personne, le multilatéralisme ne correspond pas à la vision que Donald Trump à pour les Etats-Unis – et l’action contre le changement climatique ne fait pas exception. De fait, ce dernier s’est positionné à contre-courant de presque toutes les positions défendues par une très large majorité des communautés internationale et scientifique. « Il est difficile évidemment, dès qu’on parle de climat, de trouver un terrain d’entente avec les Etats-Unis », admettait ainsi le ministre français de la Transition écologique, François de Rugy au lendemain de la conférence de Metz.

Pour qu’un système multilatéral fonctionne, il faut qu’aucune nation ne mette ses intérêts au-dessus de toutes les autres. Un postulat incompatible avec l’« America first » de Trump. Aussi, ce dernier s’est engagé depuis son élection dans une véritable entreprise de sape du multilatéralisme par des mesures et des prises de ciblées contre les grands organismes internationaux – de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) aux Nations unies – et les grands textes internationaux contraignants – l’environnement en tête.

Bande à part

Une fois de plus, l’administration américaine a joué des pieds et des mains pour bloquer toute résolution sérieuse. La solution n’est-elle donc pas d’avancer sans Washington ? « [Trump] est très nuisible mais il ne peut pas empêcher les Etats-Unis, avec tous leurs chercheurs, leurs villes, leurs entreprises, d’avancer dans la transition écologique. Il met seulement l’administration fédérale hors-jeu, pour un temps » analyse ainsi le diplomate émérite Hubert Védrine. « De même, s’il y avait une avancée de la coopération internationale pour préserver la biodiversité, les forêts ou les océans, il ne pourrait pas l’empêcher complètement. »

Aussi, n’est-il pas temps d’inventer le multilatéralisme de bonnes intentions, qui regroupe ls pays et acteurs privé de de bonne volonté pour continuer à avancer en dépit des blocages de Trump ? « Cela ne nous empêche pas de continuer à agir, de continuer à entraîner, en Europe et dans le monde, les pays pour avoir des objectifs plus ambitieux sur le climat » estimait ainsi François de Rugy. Malgré le rendez-vous par certains égards manqué de Metz, celui-ci se voulait encourageant pour l’avenir : « aujourd’hui heureusement, il n’y a pas eu une brèche dans l’accord de Paris de 2015 sur le climat ». La solution est donc peut-être d’avancer sans ceux qui ont décidé de faire bande à part. A en croire l’histoire, ceux-ci seront un jour où l’autre contraints de s’aligner sur les décisions du reste du monde.

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