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La question catalane au cœur d’une fracture espagnole

Les drapeaux espagnols aux fenêtres de Madrid sont le symbole de l’opposition à l’indépendance de la Catalogne.

Le paysage politique a été bouleversé en Espagne depuis la crise catalane de 2017. Le parti d’extrême droite nationaliste Vox est rentré au Parlement, une première depuis la fin du franquisme. La question de l’indépendantisme catalan a marqué la campagne des législatives et risque encore d’avoir des répercussions dans le jeu des alliances.

Habituellement cantonnés aux stades de football, des drapeaux espagnols ont fleuri sur plusieurs balcons d’immeubles de Madrid depuis le 1er octobre 2017. Ce jour-là avait lieu le référendum sur l’indépendance de la Catalogne. Moins de deux ans après le début de cette crise qui divise profondément l’Espagne, l’extrême droite fait son entrée au Parlement espagnol. En décembre, Vox avait déjà réalisé une percée historique aux élections régionales anticipées en Andalousie.


Aux élections générales de dimanche 28 avril, le parti Vox, mené par Santiago Abascal, a obtenu 24 sièges, 10,26 % de voix. Aux législatives de 2016, la formation ultranationaliste en récoltait seulement 0,2%. La crise catalane a divisé l’opinion publique et Vox, crée en 2013, a été la voix de cette fracture entre pro et anti-indépendance. Le parti ultranationaliste souhaite « rendre sa grandeur à l’Espagne ».

« Vox libère la parole d’un nationalisme espagnol »

« Vox est apparu au tournant de la crise catalane, explique Jean-Baptiste Harguindeguy, politologue et enseignant chercheur à l’Université Pablo de Olavide, à Séville. Il joue sur les symboles et sur le sentiment d’appartenance ».
« Vox libère la parole d’un nationalisme espagnol qui défend une identité chrétienne, l’histoire du royaume, des traditions symboliques (tauromachie, folklore) et la souveraineté territoriale unitaire », souligne Barbara Loyer, géopolitologue spécialiste de l’Espagne et professeure à l’Institut français de géopolitique.

Un paysage politique fragmenté

Le Parti Populaire paye pour sa gestion ratée de la crise catalane. Un parti déjà affaibli par les scandales de corruption : « Cela a marqué la politique espagnole, explique Jean-Baptiste Harguindeguy. Ciudadanos, puis ensuite Vox ont capitalisé sur ces crises. »

« Le parti socialiste espagnol a été débordé sur sa gauche aux élections législatives de 2011, le Parti Populaire est débordé sur sa droite en 2019. »

Barbara Loyer, géopolitologue spécialiste de l’Espagne

Le PP est en berne, avec seulement 66 sièges, contre 137 en 2016. « L’électorat du Parti Populaire était varié avec une frange très conservatrice qui est restée disciplinée tant qu’aucune autre offre politique n’est arrivée, précise Barbara Loyer. Le PSOE (parti socialiste espagnol ndlr) a été débordé sur sa gauche aux élections législatives de 2011, le PP est débordé sur sa droite en 2019. C’est le même phénomène. La désertion par une partie des électeurs des positions centristes des deux grands partis. »

Ciudadanos est un des gagnants de l’élection de dimanche. Un scrutin qui chamboule le paysage politique et qui voit la gauche catalane (Esquerra Republicana de Catalunya – Sobiranistes) obtenir 15 sièges, six de plus qu’en 2016.

Des négociations difficiles

Les indépendantistes vont donc peser dans le jeu des alliances. Les socialistes arrivent en tête mais n’ont pas obtenu la majorité pour gouverner seuls. Le parti va devoir négocier car l’accord envisagé avec Podemos ne suffirait pas à former une majorité. Le PSOE devra donc peut-être rechercher une coalition avec les indépendantistes. « Les nationalistes périphériques (indépendantistes catalans, nationalistes basques ndlr) ont le vent en poupe. Cela signifie que le problème territorial espagnol va durer encore longtemps et l’on ne voit pas immédiatement de solution » explique Barbara Loyer.

« On craint un schéma identique : un référendum ou rien. »

Jean-Baptiste Harguindeguy, politologue et enseignant chercheur à l’Université Pablo de Olavide

L’entente entre indépendantistes et PSOE n’est pas au beau fixe, depuis le vote du budget en février, rejeté par les groupes indépendantistes catalans. « Le référendum d’indépendance, qui était une force au départ, est devenu un handicap pour Sánchez, précise Jean-Baptiste Harguindeguy. Certains indépendantistes n’ont pas quitté cette idée. Ils n’ont pas voté le budget et tout s’est terminé avec ces élections anticipées. On craint un schéma identique : un référendum ou rien. »

Une alliance entre les socialistes et Ciudadanos semble également compromise. Le parti centriste a marché aux côtés du Parti Populaire et de Vox le 10 février, lors d’une manifestation contre le gouvernement en place. « Le futur a gagné, le passé a perdu dit Pedro Sánchez. Difficile de savoir quel futur ce sera » estime Barbara Loyer.

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