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Mis à mal aux Etats-Unis, Huawei tente de s’accrocher en Europe

Double peine pour Huawei. La Maison Blanche vient d’annoncer son intention d’interdire à la compagnie chinoise l’accès au marché américain. Pour se faire, elle accuse le géant technologique d’espionnage et de menacer leur sécurité nationale. Mais la nouvelle, si mauvaise soit-elle, n’est pas arrivée seule : Google a également suspendu dimanche ses accords de licences et, de fait, n’équipera plus les futurs smartphones du chinois avec son système Android. ette semaine noire pourrait bien de porter un coup d’arrêt à la croissance phénoménale du groupe.

La décision de Google va en effet empêcher Huawei d’acquérir les technologies de l’américain, a l’exception de la version Open Source (source publique) – qui elle est libre d’accès – du système d’exploitation Android. Ce dernier utilisé sur l’intégralité de ses appareils. En conséquence, les appareilsHuawei ne pourront plus être mis à jour, et seront donc vulnérables à des failles sécuritaires. En outre, les détenteurs d’un téléphone Huawei ne pourront plus se servir des applications de Google comme Gmail, Google Play Store, Youtube, Google Map ou encore Chrome.

Si ces applications sont déjà pratiquement toutes déjà bloquées en Chine, cette mesure est en revanche beaucoup plus problématique en Europe, où Huawei vend près d’un tiers de ses smartphones. A cela il faut ajouter la fâcheuse tendance de l’actuelle administration américaine à essayer de tordre le bras à ses alliés, les forçant à s’aligner sur sa position. Mike Pompeo, secrétaire d’État des États-Unis, leur demande depuis février de bannir Huawei sans quoi la Maison Blanche pourrait cesser de « partager des renseignements » sensibles.

Une Europe divisée

Ces appels n’ont pour l’instant pas été suivis par l’Union européenne, et certains états membres ont tout bonnement rejeté la demande américaine. Au salon Vivatech, Emmanuel Macron a ainsi rappelé qu’une « guerre technologique ou commerciale » n’était pas appropriée, avant de prôner la « coopération » et le « multilatéralisme ». Tout indique que Berlin se rallie à cette position, le président de l’agence de réseau fédérale de l’Allemagne, Jochen Homann, ayant récemment estimé que « si Huawei répond à toutes les exigences, il peut prendre part au déploiement du réseau 5G » national.

En mars, la Commission européenne prônait « une démarche coordonnée de sécurisation des futurs réseaux 5G » et « une évaluation » des fournisseurs de la future infrastructure, sans interdire Huawei. Mais ailleurs l’actualité dessert le groupe. Après ce qui s’apparente à un vol massif de données aux Pays-Bas par des « portes dérobées » dans les appareils de la marque chinoise, une enquête a été ouverte. La fuite concernerait trois grands opérateurs nationaux – Vodafone, KPN et T-Mobile/Tele2. Il y a quelques semaines, un rapport de Bloomberg révélait déjà que Vodafone avait découvert des portes dérobées dans l’équipement Huawei avaient été utilisée en Italie.

Ces annonces ont plongé l’Europe en plein dilemme, alors qu’elle doit se prononcer sur la participation de Huawei au développement de son réseau 5G. Ses concurrents européens, Nokia et Ericsson, sont en effet plus chers et réputés moins performants. Malgré cela, ils pourraient remporter la manche contre le « rival systémique » chinois. L’opérateur britannique EE a ainsi d’ores et déjà annoncé qu’il allait se séparer progressivement des équipements Huawei. Londres a pour sa part décidé d’autoriser une participation de Huawei au réseau 5G, et mais uniquement aux infrastructures les moins « sensibles », comme les antennes

Double opération de séduction

Aujourd’hui, la seule certitude pour le groupe chinois est que refus d’alignement avec Washington des européens n’est pas, de fait, un alignement avec sa position non plus. Dans le même temps, l’Australie et le Japon ont en effet interdit aux fournisseurs chinois de construire des réseaux 5G, et Taiwan a pris des mesures contre lui. Aussi, pour ne pas perdre sur tous les fronts, le géant des télécoms s’est lancé dans une véritable opération de séduction en Europe, entre vœux pieux et mises en garde contre l’attitude léonine de Washington.

Abraham Liu, représentant de Huawei en Europe, a demandé aux autorités européennes de réagir à cette « attaque contre l’ordre libéral fondé sur des règles » internationales. « Maintenant, cela arrive à Huawei. Demain, cela peut arriver à n’importe quelle autre compagnie internationale » a-t-il estimé. Le groupe s’est même dit disposé à signer des accords de non-espionnage avec les pays européens. Un engagement inhabituel pour le groupe qui nie systématiquement les accusations d’installer des « portes dérobées » dont il fait l’objet.

En mars, Yu Chengdong, PDG du groupe d’entreprises grand public de Huawei, avait déclaré que la société travaillait sur un système d’exploitation mobile propre. Un tel système pourrait séduire l’important marché chinois, au vu de ses tendances nationalistes, et porter préjudice aux entreprises américaines qui comptent sur ce dernier pour leur croissance. Mais le jeu n’est pas non plus clair fait. Le cabinet Eurasia Group juge en effet qu’ « en cas de coupure totale de l’accès à la technologie américaine », Huawei « ne survivrait probablement pas sous sa forme actuelle ».

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