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Nathalie Berny : « L’environnement a toujours été un champ de bataille »

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A l’approche des élections européennes, quel bilan pour la politique environnementale et climatique de l’Europe des dernières années ? Explications de Nathalie Berny, maître de conférences à Science po Bordeaux et travaillant sur les politiques environnementales au Centre Émile Durkheim.

La Revue Internationale : Quelle est l’implication de l’Union européenne en matière de politique climatique et environnementale ?

Nathalie Berny : Le climat et l’environnement sont bien deux choses différentes. Dès les années 1980, le climat était inscrit à l’agenda de l’Union européenne. Les trois institutions, d’abord le Parlement et la Commission, puis le Conseil en 1990, ont adopté des positions favorables à une politique européenne. L’Union européenne a ensuite été leader dans les négociations climatiques et a dépassé les attentes en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixées par le protocole de Kyoto.

Sur le volet environnemental, l’UE a mis en place des mesures relatives, entre autres, à la gestion des déchets, à la qualité de l’eau, de l’air, à la protection de la nature et même aux nuisances sonores. On ne s’en aperçoit pas mais l’UE change notre vie quotidienne, par exemple, les normes énergétiques des appareils électro-ménagers ou la qualité des eaux de baignade.

Peut-on dire que l’Europe est une bonne élève ?

L’Union européenne est une force motrice majeure : 80% du droit environnemental des Etats membres vient de la législation européenne. La législation européenne est reconnue comme la plus complète au monde. Sur les questions climatiques, avec ces deux paquets énergie-climat adoptés à la veille de deux conférences climatiques importantes, Copenhague en 2009 et Paris en 2015, l’UE a démontré son leadership grâce à des politiques publiques menées en interne (efficacité énergétique, énergies renouvelables, réduction des gaz à effet de serre).

Cela a été possible grâce aux négociations entre Etats membres. Mais avec la crise économique, les politiques d’austérité, l’environnement n’était pas au cœur de leurs préoccupations. Il ne comptait d’ailleurs pas parmi les priorités affichées par la Commission Juncker en 2014. Cependant, lors du dernier Conseil européen informel avant les élections européennes, le 9 mai, plusieurs pays, dont la France, ont soutenu l’objectif proposé par la Commission d’une économie décarbonée à l’horizon 2050. Ils souhaitaient également un engagement budgétaire significatif de l’UE pour y parvenir.

La pollution ne connait pas les frontières

Nathalie Berny
Comment développer une politique environnementale commune en Europe ?

L’environnement a toujours été un champ de bataille et il y a toujours eu des débats sur les modes d’action à Bruxelles et ailleurs. On pense au dossier glyphosate. En Europe, la coopération régionale est évidente et nécessaire : la pollution ne connait pas les frontières. L’Union européenne est un levier, mais par définition, cela nécessite le soutien des gouvernements. Le Parlement européen s’est montré le plus souvent ambitieux pour cette politique. Il participe avec le Conseil à l’adoption des mesures proposées par la Commission européenne qui peut aussi s’inspirer du droit national.

Le Parlement n’a pas un pouvoir de contrainte sur la politique des Etats membres, mais il a exigé dès les années 1980 des rapports sur l’application du droit communautaire de l’environnement. C’est encore aujourd’hui un problème très préoccupant. La Commission peut lancer une procédure d’infraction contre un Etat membre et décider de saisir la Cour de Justice si celui-ci continue de ne pas respecter ses obligations. L’UE est aussi un ordre juridique.

Quels sont les futurs enjeux pour l’Union européenne ?

Il n’y a pas que le climat, on peut penser à des problèmes impactant les citoyens européens, par exemple la qualité de l’air qu’on estime à l’origine d’environ 400 000 morts par an. En fait, nombre d’enjeux sont listés par le 7ème programme d’action pour l’environnement, Bien vivre dans les limites de notre planète. Le constat est déjà fait : nous vivons au-dessus de nos moyens. Ce document de travail de la Commission, adopté en 2013, fixe des objectifs très ambitieux à l’horizon 2020. Tous restent d’actualité. La lutte contre la dégradation continuelle de la biodiversité et des sols, la protection des ressources en eau douce font partie des priorités. Beaucoup dépendra de la réforme de la PAC (Politique agricole commune), qui a engendré un effet catastrophique sur les écosystèmes, car elle est basée sur le modèle d’agriculture productiviste.

L’Union européenne va peser dans les négociations internationales à venir et devra prendre des mesures plus ambitieuses que jamais.

Nathalie Berny

Cela pose la question de l’intégration de l’environnement dans toutes les autres politiques européennes. L’Europe a une responsabilité vis-à-vis du reste du monde, car son empreinte écologique est importante. Cela signifie changer nos modes de vies. L’Union européenne va peser dans les négociations internationales à venir et devra prendre des mesures plus ambitieuses que jamais. Le Parlement européen a un rôle essentiel à jouer dans cet agenda. Il faut une prise de conscience face aux défis climatiques et environnementaux. On sait que le coût d’adaptation est important mais en cas d’inaction, les répercussions seront bien pires dans les années à venir.

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