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La crise du SPD pourrait faire vaciller la majorité en Allemagne

Réagissant à la débâcle historique du SPD aux élections européennes (15,8 % des voix, son plus mauvais résultat à l’échelle nationale depuis la fin de la seconde guerre mondiale), la cheffe des sociaux-démocrates, Andrea Nahles, jette l’éponge. Celle qui avait pourtant annoncé concourir à sa propre succession quelques jours plus tôt, afin de tenter de réaffirmer son autorité, a finalement décidé de raccrocher les gants. « Les débats à l’intérieur du groupe parlementaire et de nombreux retours venus de l’intérieur du mouvement m’ont convaincue que je ne dispose plus du soutien nécessaire à l’exercice de mes fonctions », a-t-elle annoncé, dimanche matin, dans un e-mail adressé aux quelque 400 000 adhérents du SPD.

De fait, la formation de centre-gauche s’est retrouvée largement devancée par des Verts (20,5%) lors des européennes. Un revers que nombreux attribuent à la politique défendue par Mme Nahles, notamment sa volonté de maintenir à tout prix son union avec l’Union chrétienne-démocrate (CDU) d’Angela Merkel afin de rester au gouvernement.  Elle faisait partie des rares membres du SPD à plaider pour un maintien dans la GroKO, cette majorité établie dans la douleur après les législatives de 2018. Elle est depuis vivement critiquée par le camp social-démocrate. « La prochaine étape, c’est la fin de la GroKo, tout le reste ne déboucherait sur rien », avait récemment écrit un responsable du SPD, Harald Christ.

Com de crise à Berlin

Difficile de dire s’il représente une majorité du parti – et faute de vote pour défendre la position d’Andrea Nahles, le parti ne sera pas fixé de sitôt. Il faudra attendre le mois de septembre, pour les élections régionales de mi-mandat, pour voir si les électeurs du parti veulent claquer la porte. Ce vote s’annonce en poutre particulièrement difficile dans trois régions de l’ex-Allemagne de l’Est, où les électeurs du SPD, le plus vieux parti de la vie politique allemande, se tournent vers les ultranationalistes de l’AfD. En tout cas, sa démission fait le jeu des frondeurs de la SPD, partisans d’un passage à l’opposition.

Le risque a en tout cas été pris au sérieux par la chancelière Allemande, qui, malgré un désamour profond pour les prises de position à chaud, a réagi en renouvelant son soutien à la « grande coalition » formée avec le SPD. « Ce que je veux dire au nom du gouvernement, c’est que nous allons continuer notre travail avec tout notre sérieux et surtout notre sens des responsabilités », a insisté Angela Merkel lors d’une brève allocution en marge d’une réunion de son parti à Berlin. Et pour cause : la CDU, elle aussi affaiblie pour le scrutin européen, a beaucoup à perdre en cas d’élections anticipées.

Les chrétiens-démocrates sont en effet arrivés en tête de ce vote, mais avec un score historiquement bas (28,9%). En outre, Annegret Kramp-Karrenbauer, la nouvelle dirigeante du parti censée remplacer Mme Merkel à la fin de son mandat, s’est mise dans l’embarras en polémiquant avec le célèbre youtubeur allemand Rezo, qu’elle a accusé de « manipulation électorale » lorsque celui-ci a vivement critiqué l’action climatique du gouvernement. La réponse ne s’est pas faite attendre : 70 youtubeurs allemands ont mis une vidéo commune en ligne dans laquelle ils appellent comme Rezo à ne voter en aucun cas pour la CDU et le SPD. Celle qu’on surnomme AKK a essayé de préciser son propos lundi et mardi, réaffirmant son attachement à la liberté de la presse, mais le mal était fait.

Une sortie délicate

Le coup est dur pour Mme Merkel a toujours qui avait annoncé son intention de démissionner à la fin de son quatrième mandat, en 2021, afin de porter à plein les fautes de ses mandats successifs et assurer que son parti reste majoritaire. Mais alors que son poulain multiplie les faux pas et où son bilan européen est passé au crible par une presse allemande – parfois très critique sur son manque d’ambition en matière de construction européenne été ses réserves croissantes dans la relation franco-allemande pour assurer la survie de sa coalition – rien n’est moins sûr. Paradoxalement, la Chancelière paie aussi son geste de générosité pour les migrants – avec l’arrivée d’un million de réfugiés – malgré un marché du travail en demande et avec un taux de chômage qui est resté au plus bas.

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