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Johnson rappelé à l’ordre par les parlementaires britanniques

Alors que la victoire de Boris Johnson semble de plus en plus inévitable dans la course au remplacement de Theresa May, les élus britanniques lui mettent déjà des bâtons dans les roues. D’après de récents sondages menés par un think-tank proche du parti conservateur, ce dernier l’emporterait contre son rival Jeremy Hunt, par 71,8% des voix. Il risque cependant d’être privé de majorité pour mener à bien son Brexit octobre « coûte que coûte ».

Avec 315 voix contre 274, la Chambre des communes a vote un amendement empêchant le prochain Premier ministre de suspendre le Parlement pour mettre en œuvre un Brexit sans accord. Une sorte de carton jaune pour le partisan d’une sortie de l’Union européenne au plus tard e 31 octobre, qui n’avait pas fait de secret sur son recours à cette technique pour mettre un terme aux tergiversations des élus aux Commons.

Fronde chez les conservateurs

Les réticences viennent de l’opposition, certes, mais également du milieu financier et des grandes institutions du pays qui estiment qu’un no deal serait catastrophique pour l’économie britanniques. Le Bureau de la responsabilité budgétaire a ainsi annoncé jeudi que le Royaume-Uni entrerait en récession en cas de Brexit sans accord. L’OMC a elle-même mis en garde contre ce scénario, prenant ses distances avec les affirmations de Johnson et d’autres hard brexiters plus tôt dans la semaine.

Dans son propre camp également, Boris est chahuté : dix-sept députés conservateurs – dont la ministre de la culture, Margot James, démissionnaire – ont désobéi aux consignes du parti et ont voté en faveur de cet amendement. En outre, plusieurs autres députés conservateurs se sont abstenus, notamment le ministre des Finances Philip Hammond et celui de la Justice David Gauke. Un signal très négatif pour le potentiel futur dirigeant, privé de majorité avant même son entrée en fonction.

« Après sa probable installation à Downing Street, Boris Johnson devra s’accommoder d’une arithmétique parlementaire très incertaine », note l’analyste et correspondant du « Monde » à Londres, Philippe Bernard. « Ses rodomontades nationalistes ne doivent pas faire oublier qu’il devra composer avec un Parlement identique à celui qui s’est opposé à Theresa May, et où il suffit de quelques rebelles pour priver le gouvernement de majorité ».

La piste américaine

Pour tenter de rassurer l’opinion publique, ainsi que son propre parti, Johnson promet que l’éloignement avec l’UE résultant d’un no deal serait compensé par un rapprochement rapide avec les Etats-Unis. Il bénéficie d’ailleurs du soutien répété de Donald Trump, très critique de Theresa May depuis la crise diplomatique provoqué par la fuite de note secrète de l’ambassadeur britannique à Washington. Alors même que le Président américain avait prévenu il y a à peine quelques semaines que Londres passerait toujours derrière l’UE en matière commerciale – question de taille.

 La position de l’ancien Ministre lui a valu les foudres de l’opposition, ainsi que des frondeurs conservateurs, qui l’accusent de vouloir abandonner les standards sécuritaires et sanitaires du pays contre un accord de libre échange bâclé avec une Maison blanche particulièrement léonine. Ce dernier s’en est immédiatement défendu : « Je ne veux pas conclure un accord avec les États-Unis qui pourrait mettre en péril nos normes de bien-être animal ou nos normes d’hygiène alimentaire ».

« La qualité alimentaire dans ce pays doit être protégée et nous devons insister sur le fait que si les Américains veulent commercer avec nous, ils devront obéir à nos standards », promet Johnson. Un argument qui n’a pas convaincu tout le monde, compte tenu de la position de l’administration Trump sur les accords bilatéraux. Il est encore plus fragilisé par le contexte politique américain : « Nous approchons très près de l’année pré-électorale aux États-Unis pendant laquelle il sera très difficile d’obtenir quelque chose du Congrès. Donc même si un accord est rapidement négocié, il sera difficile de le faire ratifier », a rappelé Liam Fox, actuel Secrétaire d’État au Commerce international.

Vers une nouvelle impasse

Pour autant, le candidat continue d’accuser de « défaitisme » et de « pessimisme atavique » tout contradicteur dans une rhétorique digne du jingoïsme. Le rapprochement avec Washington et la sortie expresse de l’UE risquent bien de s’avérer être guère plus que deux nouvelles promesses en l’air. L’homme n’en est après tout pas à ses débuts en la matière – rappelons-nous qu’il avait été renvoyé du Times, où il exerçait en tant qu’éditorialiste, pour avoir falsifié une citation.

Mais si les tours de passe-passe, falsifications, promesses de crocodile et autres exaltations nationalistes amèneront sans doute Boris Johnson au pouvoir, elles risquent bien de l’en catapulter aussitôt. Le fait qu’il ait perdu sa majorité risque bien de provoquer un bras de fer entre l’exécutif et le législatif, qui mènerait tout droit à une dissolution de la Chambre des communes – et un nouveau vote que les conservateurs sont loin d’être assurés de gagner.

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