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La nouvelle commission sème la discorde en Italie

Ils avaient survécu à tout – même un inversement radical de la dynamique politique de la majorité lors des européennes (le Mouvement 5 étoiles était tombé de 32,5% des voix aux législatives de mars à 17%, tandis que la Ligue a bondi de 17% à 34%). Le gouvernement populiste italien tenait bon contre vents et marées, malgré un conflit sur l’autonomie des riches régions du Nord et les différences de plus en plus visibles entre les deux formations. Ces méandres de la vie politique avaient causé un effacement de facto du Président du conseil Luigi Di Maio, chef de file du M5S au profit de Matteo Salvini patron de la Ligue et Ministre de l’intérieur.

Les deux alliés de circonstance se sont une nouvelle fois retrouvés opposés, pour une crise qui menace une nouvelle fois la majorité. Les achoppements sont cette fois eu lieu au Parlement européen où le M5S a voté pour la candidature d’Ursula Von der Leyen à la présidence de la Commission européenne. Matteo Salvini, vent debout contre une majorité au centre qui affaiblit de fait les partis populistes européens incapables de se fédérer, a immédiatement accusé le M5S de se préparer à une alliance avec le Parti démocrate (centre gauche), lui aussi favorable à Mme Von der Leyen. Et ce alors même que nombreux sont que qui l’accusent de manœuvrer en catimini pour s’allier avec la droite.

Un bras de fer au sommet

« Le vote de la Ligue contre la présidente élue de la Commission européenne est en train de provoquer un séisme politique en Italie » analyse Emanuele Bonini, un blogueur spécialiste des affaires européennes et italiennes. « Les torchons brûlent depuis des mois et le gouvernement est déjà arrivé à moultes reprises au bord de la crise », confirme La Stampa dans un éditorial au vitriol intitulé Chronique d’une mort annoncée. Plus généralement, c’est la quasi intégralité de la presse italienne qui envisageait des élections anticipées à la rentrée. Et pour cause, les objections des deux formations politiques s’apparentent de plus en plus à des argumentes de campagne.

Si elle n’est plus que symboliquement la première force de la coalition, les M5S a tout de même voulu mettre la Ligue au pas. Mais le parti d’extrême droite risquait trop auprès des nationalistes, parmi lesquels il imposé comme un leader naturel, en s’alignant sur la position conciliante de Di Maio. Ce dernier s’estimant trahi, s’est plaint du « manque de respect institutionnel » des eurodéputés du parti de Salvini et l’a accusé de nuire à l’intérêt du pays. Une attaque qui n’est pas totalement infondée : l’Italie risque bel et bien de subir les conséquences du comportement de la Ligue, en recevant un portefeuille moins important à la Commission européenne.

Mais en réalité, c’est bien un bras de fer sur le leadership du gouvernement qui est en train de se jouer. Si la Ligue a eu besoin de M5S pour accéder au pouvoir, elle les a désormais largement supplantés en termes de popularité. Aussi, c’est principalement Salvini qui est aujourd’hui à la manœuvre. Et quand Di Maio a voulu réclamer l’initiative, en tant que Premier ministre, il a reçu un camouflet. De fait le parti d’extrême droite comptabilise désormais à près de 37% d’intentions de vote d’après le dernier sondage Youtrend pour l’agence AGI, ce qui lui permettrait d’obtenir une majorité absolue avec ses alliés traditionnels de droite et d’extrême droite – sans le M5S, donc.

Le meeting de la dernière chance

« Si la Ligue veut faire tomber le gouvernement, qu’elle le dise clairement », a interpellé Luigi Di Maio, chef de file du M5S. Matteo Salvini a rétorqué en assurant avoir « perdu confiance » en son allié, dénonçant « un coup dans le dos ». C’est finalement Luigi Di Maio, celui qui avait le plus à perdre, qui fait marche arrière et a demandé vendredi 19 juillet à rencontrer Salvini. « Aucun gouvernement ne va tomber demain », a finalement répondu l’intéressé dans la soirée, mettant fin, au moins temporairement, à l’échange d’amabilités par presse interposée. Il semblerait que sa formation n’ait pas totalement confiance en sa capacité à former une nouvelle majorité.

Il voit sans doute également un piège tendu par Sergio Mattarella, le Président démocrate-chrétien, de gauche et européiste, qui a déjà une fois tenté de faire voler en éclat la coalition gouvernementale. Ce dernier est ainsi intervenu pour mettre fin à un différend au sein de la coalition gouvernementale italienne sur les réfugiés, créant une première rixe entre Di Miao et Salvini.  Malgré cela, il est certain que ce dernier va monnayer très cher son soutien auprès d’un allié clairement affaibli. Cette dernière crise pourrait en effet lui servir à l’emporter sur certains des autres dossiers où il s’est vu en opposition directe avec le M5S, et renforcer encore sa mainmise sur la politique nationale.

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