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La Finlande veut que le bien-être soit un contrepoids au PIB

Connaissez-vous l’économie du bien être ? C’est un sujet que la Finlande compte très sérieusement mettre en avant lors de sa prochaine présidence de l’union européenne. En bref, le pays nordique souhaite que le bien-être soit reconnu comme une condition préalable à la croissance de l’Union européenne. L’idée est inspirée de l’ouvrage The Economics of welfare, publié en 1920 par l’économiste britannique Arthur Cecil Pigou. L’auteur y analyse le lien entre la production et le bien-être économique du la société. Il y pose également pour la première fois l’hypothèse de l’utilité décroissante de la croissance de la richesse : le gain de la richesse perds de l’intérêt à mesure qu’on accumule de la richesse.

Dans ce système augmenter le bien être d’un individu peut pénaliser un autre – ce que Pigou appelle une externalité négative – ce qui pour lui justifie d’après lui une taxe punitive. Une pensée qui sous-tends le principe moderne de pollueur-payeur.  Et c’est une vision de l’économie inspirée par cette philosophie qu’entends défendre la Finlande, explique la Ministre des Affaires sociales, Aino-Kaisa Pekonen. Aujourd’hui, toutefois, ces théories ont été modernisées, et s’orientent davantage vers une croissance économique plus inclusive – maximiser la bien être de l’ensemble de la société – avec un rôle renforcé de l’état « interventionniste » que rejetait Pigou.

Un changement de paradigme

Pour la Ministre, devant à la montée des inégalités sociales et à la crise environnementale, il est urgent de « changer de paradigme ». Un objectif bien plus ambitieux que ceux qu’on jusqu’alors poursuivi les autres états membres lorsqu’ils occupaient la présidence du Conseil de l’Union européenne. Ambition que l’on retrouve également ans le slogan qu’a choisi le pays pour ses six mois aux manettes : « une Europe durable, un avenir durable ». Avec une Commission européenne nouvellement formée et des eurodéputés fraichement élus, sur fond de montée des populismes, le pays compte bien tenter de faire adopter au (bientôt) 27 une nouvelle approche de l’économie européenne.

« L’économie du bien-être met l’accent sur l’interdépendance entre la croissance économique et le bien-être des citoyens. Les deux sont nécessaires et ils sont interdépendants » explique Aino-Kaisa Pekonen. « Nous savons que nous ne faisons que lancer le débat sur l’économie du bien-être et nous nous attendons à ce que les prochaines présidences — la Croatie et l’Allemagne — continuent sur cette lancée ». De fait, nombre d’acteurs internationaux, comme le Fonds Monétaire International, la Banque mondiale et l’Organisation de coopération et de développement économique mettent eux aussi en avant le besoin de refocaliser l’économie sur l’humain et la société.

Une bonne nouvelle pour l’environnement

D’après Aino-Kaisa Pekonen, il est impossible d’envisager l’économie du bien-être sans une politique climatique ambitieuse. « L’UE doit jouer un rôle clé et mondial dans l’action pour le climat », annonçait pour sa part Antii Rinne, Premier ministre finlandais. Aussi, ce projet alternatif promet de faire la part belle à la protection de l’environnement et à une politique de développement durable. Lors de la présentation du programme de la présidence à venir à Berlin en juillet dernier, Anne Sipiläinen, ambassadrice de la Finlande à Berlin s’engageait même à « consolider le leadership mondial de l’UE en matière de climat ».

Helsinki veut par ailleurs que la politique climatique s’accompagne de plus de justice sociale et fiscale. L’approche finlandaise refuse en effet de séparer la soutenabilité environnementale de la soutenabilité sociale : « Les dommages environnementaux sont à l’origine d’une multitude de problèmes sociaux et de santé qui affectent souvent les plus vulnérables » note la Ministre. Elle promet également de mettre l’égalité des genres au cœur des réformes européennes. « Un rapport de l’OCDE prévoit que plusieurs mesures pour améliorer l’égalité des genres au sein de l’UE devraient augmenter le PIB par habitant d’environ 10 % d’ici à 2050 » rappelle-t-elle.

Cette approche saura certainement séduire certains dirigeants – en particulier la nouvelle présidente de la Commission, l’allemande Ursula Von der Leyen. Pour rappel, cette dernière avait déclaré : « ce n’est pas le peuple qui sert l’économie, c’est l’économie qui sert notre peuple. » Elle trouvera sans doute également un soutien côté français – malgré des rapports parfois tendus entre la Finlande et la France, en particulier sur les questions budgétaires. Pas sur que ce « rêve moillé » progressiste ne trouve d’échos positifs du côté de Visegrad ou en Italie. En particulier après l’annonce de la poursuite de la réforme initiée par la Roumanie de rétention d’aides en cas de violation de l’état de droit par un état membre.

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