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Italie : soutien des 5 étoiles à la coalition anti-Salvini

C’est la fin du suspens en Italie. Le pays entier était suspendu au vote des quelques dizaines de milliers d’adhérents du Mouvement Cinq Étoiles, qui via un scrutin en ligne mardi, devaient approuver ou rejeter la formation d’un nouveau gouvernement avec le Parti démocrate (PD centre gauche). Les deux ensembles politiques se sont ainsi entendus sur un programme commun de gouvernement comportant 26 points validés par les leaders des deux partis. Celui-ci comprend notamment l’élimination de toute forme d’inégalité sociale, territoriale ou de genre, la réduction des taxes sur le travail, l’élaboration d’une série de lois contre le conflit d’intérêts ou encore une réponse forte aux problèmes des flux migratoires.

Au terme de ce vote, la noce entre le PD et les M5S a été approuvée par pas moins de 80 % des participants. Cette alliance qui aurait il y a encore quelques mois pu sembler contre-nature s’est imposée en réponse à la crise politique provoquée le chef de la Ligue (extrême droite) Matteo Salvini, lorsque le 8 août dernier, il a fait éclater l’alliance formée quatorze mois plus tôt avec le M5S, en invoquant des désaccords sur les projets de grandes infrastructures ou les baisses d’impôts. Afin d’éviter des élections anticipées, qui auraient sans doute placé Salvini en tête, son ancien allié, encore majoritaire au parlement a décidé de former un gouvernement de blocage avec le PD, seconde force politique aux européennes.

« Tout sauf Salvini »

Les deux partis ont présenté leur équipe gouvernementale au président de la République, qui l’a approuvée mercredi. Le gouvernement doit encore obtenir la confiance des deux chambres du parlement, sans doute d’ici à la fin de la semaine. Si la somme des élus des deux partis devrait assurer une victoire facile au nouveau gouvernement, il s’agit également de convaincre les italiens du bienfondé de cette alliance. Aussi, ce « gouvernement de discontinuité », comme le demandaient les démocrates, n’aura gardé que trois ministres 5 Étoiles du gouvernement précédent, afin de marquer le changement de cap.

En outre, le Parti démocrate a obtenu presque autant de ministres (9) que ses alliés du M5S (10), bien qu’il ait deux fois moins de députés et de sénateurs – un résultat qui reflète le résultat des européennes, qui plaçait le PD devant le M5S (avec 22.69% des voix contre 17.07%). Ironie douloureuse pour Salvini, arrivé nettement en tête de ce scrutin – ce qui l’avait d’ailleurs convaincu de lancer sa manœuvre pour tenter de prendre les rênes du pays. « Les industriels, l’Église, l’Europe, tous veulent que ce gouvernement se mette en place », explique Paolo Modugno, professeur à Sciences po spécialiste de la vie politique italienne. « Tous veulent éviter à tout prix de donner le pays à Salvini. »

« Je suis très fier du vote d’aujourd’hui et du gouvernement à venir. […] Ce gouvernement ne sera ni de gauche ni de droite. Il fera ce qui doit être fait », a réagi Luigi Di Maio, chef de file du mouvement. « Je veux rappeler qu’en moins d’un mois nous avons réussi à résoudre une crise de gouvernement qui s’est déclenchée en août », s’est-il réjoui. Ce dernier a fait l’objet de critiques croissantes dans la presse ces derniers jours pour ses atermoiements – y compris par le fondateur du M5S, le comique Beppe Grillo. Aussi, le chef de file du mouvement s’est ainsi vu « rétrogradé » au portefeuille des Affaires étrangères dans le nouveau gouvernement.

Profession de soi de Guiseppe Conte

Ce relatif désaveu est dû à ses prises de position antagonistes qui ont pénalisé la formation de la nouvelle majorité. De fait, les lauriers de cette victoire politique reviennent avant tout au président du Conseil sortant, Giuseppe Conte. Ce dernier est en effet parvenu à réunir les forces jusqu’ici irréconciliables pour former un « gouvernement plus équilibré et moins litigieux » selon ses propres mots. Conte, dans une forme d’acte de naissance politique, s’est engagé à être qui promet d’être une figure « tierce et impartiale », « garante et première responsable de l’alliance ». Le Chef de gouvernement montre ainsi qu’l a bien compris qu’il avait tout intérêt à jouer la carte de la neutralité.

Ses prises de position musclées contre le leader souverainiste, ancien Ministre de l’intérieur, puis la formation de cette nouvelle majorité l’imposent pourtant de facto comme le leader du mouvement. Mais lui sait qu’il peut être beaucoup plus : il s’est attiré tout à la fois la sympathie du président de la République, de l’Église et de Bruxelles, en faisant glisser les 5 étoiles sont passées d’une position eurosceptique à une position pro européenne. « Giuseppe Conte aura une plus grande marge de manœuvre que lors de la précédente coalition qui était sous le contrôle de Matteo Salvini », estime ainsi Jacques de Saint Victor, historien du droit et spécialiste de la vie politique italienne.

 « Maintenant nous allons changer l’Italie », a réagi le leader du Parti démocrate Nicola Zingaretti après l’annonce des résultats du vote des Cinq Etoiles. « Avec la clôture du travail programmatique, nous avons fait un pas de plus vers un gouvernement de changement ». Un appel à accélérer le mouvement. Le vétéran de la politique sait que la nouvelle majorité va désormais devoir faire face aux attaques de Matteo Salvini – qui n’a pas perdu de temps : « Dès aujourd’hui, vous m’aurez face à vous, plus en colère et déterminé qu’avant, j’irai de ville en ville et nous regagnerons ce pays » – sans parler des italiens, qui regardent pour certains ce bricolage politique avec un certains scepticisme et attendent des résultats concrets.

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