Site icon La Revue Internationale

Netanyahou : est-ce la dernière danse ?

Les israéliens devaient voter pour élire les membres de la Knesset, le Parlement israélien, pour la deuxième fois en cinq mois. Alors que 92 % des bulletins étaient dépouillés ce matin, le Likoud de Benyamin Nétanyahou, Premier ministre sortant et superstar de la politique israélienne, obtiendrait le même nombre de sièges (32 sur 120) que le parti Bleu-blanc de l’ex-chef d’état-major Benny Gantz. Ce résultat semble donc indiquer que son projet de dissoudre l’Assemblée et convoquer de nouvelles élections plutôt que de laisser son rival tenter sa chance aux manettes n’a pas marché.

Aujourd’hui, une fois encore, aucune des deux grandes coalitions de droite ne semble en mesure de parvenir à dépasser le seuil fatidique des 61 sièges pour gouverner. A l’annonce des résultats, M. Nétanyahou est resté extrêmement offensif. De fait, le leadeur en berne s’est sensiblement radicalisé à la veille du scrutin, appelant à faire barrage à un gouvernement « arabe » et « de gauche ». Facebook a même bloqué jeudi un de ses comptes de campagne pour avoir diffusé un message jugé haineux affirmant que les responsables arabes israéliens « veulent nous anéantir ».

De même, une semaine avant le vote il avait fait une promesse d’annexion d’une partie de la Cisjordanie – projet à haut risque dans une région déjà au bord de l’implosion. Il s’agissait d’un appel de pied aux électeurs vivant dans les territoires occupés, qui sont tentés de voter pour les formations d’extrême droite – notamment le parti fondamentaliste Noam, qui s’est retiré de la course, créant un appel d’air très à droite. Mais cette fois, face à lui se trouvait un rival loin des pacifistes d’antan, qu’il avait l’habitude de battre en plaçant le débat sur le terrain sécuritaire : la coalition Bleu Blanc.

Religieux contre laïcs

Si Netanyahou voulait une nouvelle fois axer cette campagne autour de questions sécuritaires, l’absence édifiante de toute formation de gauche majeure a fait dériver les débats vers un autre thème : l’impact du judaïsme dans la vie publique. Les débats ont exhumé des thèmes comme l’aspect discrétionnaire des écoles israéliennes malgré des subventions publiques, la participation des religieux au service militaire et autres serpents de mer de la vie politique israélienne. Aussi, ce vote aura largement été un référendum sur la place de la religion dans la société. 

Ce débat reflète l’inversement progressif de la position religieuse sur les questions de sécurité nationale, en particulier la gestion des territoires palestiniens. Jusqu’aux années 80, les autorités rabbiniques estimaient que la question des territoires n’était pas une priorité pour le judaïsme orthodoxe – et s’opposaient globalement à la colonisation. Depuis, ces figures ont progressivement décliné dans le système politique et des colonies ultraorthodoxes se sont développées de l’autre côté de la ligne verte (notamment à l’initiative d’Ariel Sharon qui, déjà, voulait récupérer le soutien de cette communauté).

Si bien qu’aujourd’hui les orthodoxes se situent très à droite et entendent avoir une influence sur la politique du pays. Exemple qui en dit long : ils ne parlent plus de Cisjordanie mais de Judée et Samarie. Aussi, Gantz, qu’on ne peut pas vraiment qualifier de gauchiste, a détonné en osant s’en prendre aux partis religieux, chevillés à M. Netanyahou. De même, Avigdor Libermann, ancien du Likoud passé au parti nationaliste russophone Israel Beytenou, a aussi vivement critiqué l’alliance « maudite » entre les ultra-orthodoxes et Netanyahou, qu’il accusait de leur faire trop de concessions.

Les limites du jeu tactique

Aussi, le très populaire Netanyahou – notamment du fait de sa stature internationale – a perdu le soutien de nombreux laïcs. A cela, il faut ajouter une quasi inexistence de la gauche israélienne.  « La gauche est aux champs. Disparue. Invisible dans la campagne. Le Parti travailliste, qui a dirigé le pays durant ses premières décennies, pourrait ne pas passer 3,25 %, qui garantissent d’entrer au Parlement », rappelait ainsi Louis Imbert, correspondant du « Monde » à Jérusalem. Enfin, les centristes ne veulent pas entendre parler d’un compromis avec Benyamin Nétanyahou en raison de son implication dans trois affaires judiciaires.

L’ancien Premier ministre pourrait être inculpé pour accusations de « corruption », de « fraude » et d’« abus de confiance » avant la fin de l’année. Il comptait sur cette élection pour le mettre à l’abri de la justice. Mais ce résultat le met dans l’embarras. Il revient désormais au président Reuven Rivlin, de nommer le responsable dont il estimera avoir le plus de chances de former un gouvernement avant la fin octobre. Et compte tenu du déclin du Likoud, de l’absence d’alternative dans le parti – voulue par Bibi lui-même – des affaires judiciaires et de la décision de Netanyahou de tenir de nouvelles élections il y a cinq mois, il est probable qu’il préfère son rival.

La dernière manche ?

L’issue la plus vraisemblable est une alliance très large entre le Likoud sans Netanyahou, le parti Bleu Blanc, sous la houlette de Libermann – qui tirerait avantage de son non-alignement dans cette rivalité à couteux tirés. Cela sonnerait le glas pour une personnalité politique qui est parvenue à se maintenir à la tête d’Israël pendant près de treize ans – plus que le fondateur révéré David Ben Gourion. Et ce certains se plaisent à y voir le prix finalement payé par Netanyahou, après une carrière de provocation politique et d’instrumentalisation de la peur, la cause de ce déclin est davantage due à l’organisation de la scène politique d’Israël.

L’ancien dirigeant semble en effet finalement rattrapé par la multitude d’ex alliés, avec qui il a su un temps trouver un intérêt commun pour se maintenir au pouvoir, avant de les remercier sans ménagement – ou les voir quitter le navire, excédés. « Bibi pense être beaucoup plus intelligent que les gens autour de lui. Il est tout à fait seul au sommet, et ceux qui l’ont quitté aigris estiment qu’il ne se préoccupe que de lui-même. Mis à part sa famille et quelques amis de confiance, il n’a pas d’alliés, seulement des aides », analyse Eyel Arad, ancien stratège de la première campagne victorieuse de M. Nétanyahou aux législatives de 1996. Un système voué, un jour, à s’effondrer.

Quitter la version mobile