Site icon La Revue Internationale

Peu d’avancées sur le changement climatique à l’ONU

Lundi 23 septembre se tenait un sommet exceptionnel sur le changement climatique à New York. A la demande du Secrétaire général des Nations unies, les états membres de l’organisation devaient y revoir à la hausse leurs ambitions en matière de lutte contre le dérèglement climatique. Antonio Guterres y a appelé les États à « réduire les émissions de gaz à effet de serre de 45 % d’ici à 2030 et atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 ». Au terme de la rencontre 68 pays se sont tout de même engagés à revoir officiellement à la hausse leurs plans climat d’ici 2020, date à laquelle les 195 signataires de l’accord de Paris sont censés déposer de nouveaux engagements.

Dans le même temps, des mesures ont été prises pour combattre les importants incendies qui contribuent à la déforestation, en particulier en Amazonie. Cinq cent millions de dollars supplémentaires ont été débloqué pour servir à la préservation des forêts tropicales lors de la rencontre, grâce notamment au soutien financier de bailleurs comme l’Allemagne (250 millions de dollars promis) et la France (100 millions).

Malgré le – sans doute davantage à cause du – regain d’attention pour la forêt tropicale sud-américaine, le grand absent de cette rencontre était le Président brésilien Jair Bolsonaro (et ce alors même que Brésil abrite les deux tiers de la forêt amazonienne). On comptait également à la table des absents le Canada et l’Australie, deux des plus grands pollueurs mondiaux. Donald Trump n’a, pour sa part, fait qu’une brève apparition surprise – au moment précis où Greta Thunberg, après avoir livré diatribe passionnée, rendait la tribune.  Signal, s’il en fallait, qu’il n’y aura pas de tournant dans la politique de Washington depuis le retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris.

Le bilan mitigé des engagements unilatéraux

Dernièrement, ce texte pourtant accueilli par une vague d’enthousiasme d’ampleur au moment de sa ratification, est de plus en plus critiqué. En cause, la méthode retenue dans les accords de Paris pour décarboner la planète : chaque pays proposait unilatéralement des engagements, sans réel moyen de contrôle. Aussi, ils n’auront, au moins pour l’heure, su inverser la courbe des émissions de CO2 – 2018 a même connu une hausse de 2% au niveau mondial, soit la plus forte augmentation depuis 2011. Les spécialistes s’accordent pour dire que cela est largement dû au fait que les résolutions unilatéralement prises par les pays n’ont pas été appliqués.

Plus largement, nombreux sont ceux qui soulignent que le modèle de croissance économique toujours le même, ce qui de fait exclu des progrès significatifs sur la question. Un postulat qui peut être décourageant, et remettre en question l’existence même de tels grands raouts où des dirigeants du monde entier viennent en avions discuter d’une transition écologique qui peine à se mettre en place. Pourtant, ce type de rencontre n’est pas inutile. « Les engagements des uns dépendent beaucoup de ce que font les autres » note ainsi François Gemenne, chercheur spécialiste des migrations liées à l’environnement et de la géopolitique climatique. Ils permettent de fait de mettre les états face à leurs manquements en matière climatique.

« C’est un sujet qui demande de la coopération internationale, et donc de se rencontrer de temps en temps », ajoute l’expert. En particulier entre les grands responsables des hausses d’émissions que sont la Chine, les Etats-Unis ou encore l’Inde. Plus largement, la hausse est imputable aux pays émergeants, qui n’ont pas atteint un plateau de croissance. Devant un relatif ralentissement économique mondial, plusieurs pays ont ainsi décidé de sacrifier leurs engagements écologiques. « Je ne pense pas qu’on puisse encore raisonner en termes de chaque pays doit faire sa part », tempère toutefois François Gemenne. D’après lui, il appartient aux pays industrialisés, qui eux ont dépassé ce seuil, de faire preuve de solidarité et d’aider les autres à réduire leurs émissions.

Des solutions concrètes existent

Le dernier rapport de l’OCDE explore lui aussi les raisons de cet échec relatif – et pointe du doigt une taxe carbone proche de zéro. D’après l’organisation, le premier élément de réponse à la hausse continue des émissions serait bel et bien de taxer davantage les énergies polluantes. « On sait qu’il faut brûler moins de combustibles fossiles, mais quand les taxes sur les énergies les plus polluantes sont inexistantes ou presque, il y a peu d’encouragement à le faire », affirme le secrétaire général de l’OCDE. Or, aujourd’hui encore, 70 % des émissions de CO2 dans les pays développés et émergents ne sont pas taxées.

Qui plus est, quand elles le sont, les taux sont « trop faibles pour favoriser l’essor des solutions bas carbone » explique le rapport. Il estime qu’un taux dissuasif minimum serait de 30 euros la tonne de C02, un niveau qu’il faudrait par la suite graduellement augmenter. Or, seul le Danemark, la Norvège, les Pays-Bas et la Suisse appliquent aujourd’hui un tel taux. En France, le Conseil des prélèvements obligatoires a récemment émis des recommandations similaires. D’après lui, les priorités sont de supprimer les exemptions des secteurs routier et du bâtiment, de taxer plus fort les secteurs qui polluent le plus et mettre en place des compensations pour les ménages défavorisés.

Une telle politique pourrait « générer des revenus considérables », explique l’OCDE. « En augmentant la tarification des énergies polluantes, les grands émetteurs paieront beaucoup plus, donc ça deviendra intéressant pour eux d’investir dans des énergies propres », détaille Karel Mayrand de la Fondation David Suzuki. En outre, cela permettrait de dégager une manne importante, qui pourrait être réinvestie dans des pays défavorisés, qui peine à se lancer dans un développement durable. Un groupe d’experts mené par Bill Gates, l’ex-Secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon et Kristalina Georgieva, directrice générale de la Banque mondiale, abonde : l’adaptation rapide du monde au changement climatique rapporterait 6.400 milliards d’euros.


Cette politique, très impopulaire auprès des entreprises, doit toutefois être portée par un soutien populaire fort. Aussi, pour voir une amélioration dans la lutte contre le changement climatique, il faut convaincre les électeurs américains, brésiliens, et ceux des autres pays ou des dirigeants sont élus sur un programme climatosceptique. « Les gens n’aiment pas le mot “taxe” de façon générale. Pourtant, lorsque ces mesures sont mises en place, l’appui de la population est massif » note Karel Mayrand. Un constat qui souligne que al communication autour des efforts de transition écologique mérite encore quelques retouches.

Quitter la version mobile