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Vague de changement au Parlement ukrainien

Après ses trois mois de sur-place, commence véritablement la présidence de Volodymyr Zelensky, jeune humouriste élu triomphalement à la tête de l’Ukraine en avril dernier. Après la dissolution de l’Assemblée, la nouvelle législature, largement dominée par le parti Serviteur du peuple du Président (254 députés sur 450), est entrée en fonction la semaine dernière. Fort de cette solide assise politique, le jeune dirigeant a engagé un programme effréné de réformes structurelles visant à moderniser le pays et déraciner une corruption endémique qui gangrène les affaires.

En plus de sa mainmise institutionnelle, Zelensky dispose également d’un fort soutien populaire en Ukraine, qui rend la tâche d’autant plus ardue à ses opposants. Aussi, il contrôlé aujourd’hui presque tous les leviers du pouvoir. De fait, les seules forces potentiellement adverses sont les oligarques (notamment ceux qui ont contribué à son élection) dont certains ont monopolisé des pans entiers de l’économie depuis l’indépendance, les partenaires internationaux du pays comme le FMI et l’UE et dans une autre mesure la Russie, avec qui il veut rétablir un rapport pacifique.

C’est la première fois qu’une telle situation se produit en Ukraine en 28 ans d’indépendance. Une situation que n’a pas manqué de rappeler aux élus de la Rada le jeune dirigeant : « Vous avez toutes les chances d’entrer dans les manuels d’Histoire en tant que Parlement qui a fait l’impossible, qui a mis en œuvre tout ce qui n’a pas pu être fait pendant 28 ans ». Ce dernier veut imposer un rythme soutenu et volontaire, et n’a pas hésité à menacer de dissoudre l’assemblée dans un an s’il estimait que celle-ci ne suivait pas sa cadence.

« Une nouvelle génération est arrivée au pouvoir »

Zelensky a été porté au pouvoir par sa promesse de « casser le système ». Et il s’est depuis efforcé de se faire le chantre du changement. En atteste le nombre record de femmes qui ont gagné des sièges de députées – 87. Si ce chiffre semble bas, il ne s’agit pas moins d’un record dans l’histoire ukrainienne. La Rada a également accueilli le premier député d’origine africaine de l’histoire du pays. Des avancées symboliques, qui ne suffiront toutefois pas à satisfaire une population en attente de changements radicaux de gouvernance et d’opportunités – il faudra plus qu’un ravalement de façade pour les convaincre.

La volonté de faire table rase de la nouvelle majorité s’est également consacrée à travers l’élection d’un nouveau venu au poste de Premier ministre : Olexiï Gontcharouk, un juriste de formation, sans réelle expérience politique, âgé de seulement 35 ans. « Une nouvelle génération est arrivée au pouvoir » a réagi le nouveau chef de gouvernement. Ce dernier avait dirigé pendant 4 années le centre d’analyse BRDO à Kiev, une institution financée par l’Union européenne dont les activités visent à améliorer le climat des affaires en Ukraine. Le choix de cet homme donne le ton : le gouvernement sera jeune, résolument pro-européen et luttera contre la corruption.

Du pain sur la planche

La première tâche dans laquelle s’est lancée la majorité est la lutte contre la corruption omniprésente en Ukraine. Le gouvernement devra ainsi mener une refonte totale du système judiciaire afin de garantir son efficacité, son impartialité, et son indépendance du pouvoir politique. Hier, la Rada a créé la surprise lorsque 373 députés ukrainiens sur 450 ont voté en faveur d’une réforme organisant la levée leur propre immunité parlementaire. Ils ont de fait supprimé de la Constitution la clause qui interdisait de les poursuivre en justice ou de les arrêter sans l’aval du Parlement (une réforme qui nécessitait la majorité des deux tiers des élus).

« Ici, ce n’est pas un repère de bandits où l’on peut se cacher pendant cinq ans, c’est la représentation nationale, c’est le Parlement » a réagi le Président. Ce dernier a ainsi réussi à honorer une promesse politique restée sans suite pendant vingt ans – il aura tout juste pris six jours au nouveau parlement pour retourner la situation, ce qui est encourageant pour les actions à venir.

Autre dossier majeur de cette présidence : mettre un terme au conflit qui oppose Kiev aux séparatistes pro-russes dans l’Est du pays (13.000 morts et près d’un million et demi de déplacés). Pour ce faire, le gouvernement devra définir une ligne cohérente dans les négociations avec la Russie, tant sur le conflit que sur l’avenir de la Crimée annexée ou les échanges de prisonniers.

Si Zelensky avait fait preuve d’une ouverture au dialogue avec Moscou sans précédent lors de sa campagne et au lendemain de son élection, le choix de Vadym Prystaïko, un diplomate de carrière respecté, qui a promis d’œuvrer pour l’intégration de l’Ukraine à l’Union européenne et à l’Otan, au poste de ministre des Affaires étrangères montre qu’il s’apprête à des négociations musclées avec le Kremlin. Une position confirmée par l’annonce d’exercices militaires conjoints entre l’Ukraine et la Roumanie, pays de l’UE, dans la région d’Odessa.

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